Les livres cherchent lecteurs au Sénégal
‘’Dès que se pose la question du temps de lire, c’est que l’envie n’y est pas. Car, à y regarder de près, personne n’a jamais le temps de lire. Ni les petits, ni les ados, ni les grands.’’ Cet adage de l’écrivain français Daniel Pennac revient sur la table, au moment où l’on célèbre, ce 23 avril, la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur. EnQuête se penche sur l’intérêt accordé par les élèves et étudiants à cet exercice… Reportage !
La mine désemparée, il jette le regard dans tous les sens. Il tient un livre, repose le deuxième, en reprend un autre et finit par parcourir toute la table. Embarras du choix ? Non. Pas du tout ! Mamadou n’a que 800 F CFA en poche. Or, l’ouvrage qu’il a envie de lire coûte 1500 F. Il tergiverse et se lance dans une longue négociation... Cette scène se passe devant la grande bibliothèque de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Ici, des livres sont étalés partout. Des tables disposées à gauche et à droite du hall campent le décor. Les discussions sont vives. L’on marchande activement, sort le portefeuille pour rentrer avec au moins un bouquin.
Célébrée ce samedi, la journée mondiale du livre et du droit d’auteur est ici le prétexte à une grande braderie. Le hall ne désemplit pas. A chacun son choix, son goût et sa bourse. La remise va de -10% à -50%.
Etudiant en 6e année de médecine, Georges avance vers la première table de -20%. Il circule pendant plusieurs minutes avant de lâcher : ‘’Voilà ce que je cherchais’’. Le livre traite de sujets scientifiques. ‘’On lit pour acquérir des connaissances, puisqu’en médecine, les cours qu’on nous donne sont tirés des bouquins’’, soutient Georges. Il dit être convaincu que si on veut vraiment évoluer dans les études, il faut acheter des livres pour améliorer son niveau’’. Pour cet étudiant, lire n’est pas une affaire de curiosité, mais de nécessité. ‘’ La lecture n’est pas seulement l’affaire des littéraires, tout le monde doit pouvoir lire pour parfaire sa connaissance’’, conseille-t-il.
Le commercial de la librairie, Salam Boubacar Badiane, estime que les soldes offrent aux étudiants la possibilité d’avoir accès aux ouvrages. Pourtant, ils ne font pas de grosses affaires. ‘’Les étudiants veulent bien s’adonner à la lecture, mais avec leurs maigres ressources, ils n’ont pas les moyens d’acheter des ouvrages, malgré la remise’’, confie-t-il.
Etudiante en Licence 2 de Lettres modernes, Delphine Manga se définit comme une fervente lectrice. ‘’J’ai une longue histoire avec la littérature. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que j’ai été orientée à la Faculté des Lettres après le bac. Depuis que j’y suis, j’ai lu à peu près 7 romans, notamment François Mauriac, Montesquieu, ‘‘Le rouge et le Noir’’ de Stendhal, Les fables de Jean de la Fontaine, entre autres’’, énumère-t-elle.
Chemise courtes manches sur pantalon jean, Ibrahima Diallo, nouvellement inscrit à l’université, plaide les vertus de la lecture. Selon lui, les jeunes devraient encore se consacrer davantage à la lecture, ne serait-ce que pour maîtriser le français. ‘’Il n’y a que la lecture qui puisse régler les plus grands problèmes auxquels un étudiant est confronté dans l’usage de la langue, que ça soit en grammaire, en orthographe et vocabulaire’’, analyse-t-il. Par ailleurs, il dénonce une paresse pour la lecture, qui selon lui, réside dans le manque de motivation. Diallo estime que cette tendance est liée à l’habitude des élèves et étudiants à faire dans la facilité.
Les élèves se renvoient la balle
Ces jeunes élèves rencontrés au Cem Docteur Samba Guèye des Hlm 5 relisent chaque matin la devise de leur établissement peinte aux couleurs de la Nation : ‘’La réussite est au bout de l’effort’’. L’effort, Mariètou Ndiaye candidate au BFEM connaît bien. Elle consacre tous ses moments de loisirs à la lecture pour éviter de se retrouver avec un zéro en dictée. ‘’Je lis depuis l’école primaire, mais je continue de multiplier mes ouvrages pour ne pas faire partie de ce lot d’élèves abonnés au zéro en dictée. Je peux dire que ma plus mauvaise note en dictée est 16/20’’, soutient-elle, fière.
Dans cette école, les élèves interrogés ont tous ou presque lu ‘’Une si longue lettre’’ de Mariama Bâ, œuvre au programme. ‘’J’y ai appris la souffrance des femmes causée par les hommes’’, retient cette demoiselle. Pour cette élève, ce qui incite ses camarades à lire, c’est d’avoir une bonne expression. Regard encore innocent, Marième Sakho confirme que la lecture contribue plus que tout autre moyen à élever le niveau de l’élève. ‘’En lisant, on se rend compte que notre niveau de langue s’améliore, c’est pourquoi, hormis les œuvres au programme, on se procure d’autres livres pour approfondir notre culture générale’’, laisse-t-elle entendre.
Rendre les livres disponibles dans les téléphones
Elève en 3e, Ousmane Dath déplore le manque d’espace de lecture. ‘’Dans notre école, il n’y a pas de bibliothèque, et c’est ainsi presque partout, même si un bon élève ne doit pas dépendre de la bibliothèque de son école’’, dit-il.
Par contre, pour l’étudiant en médecine Georges, il urge de moderniser les livres de sorte qu’ils deviennent accessibles dans les Smartphones. ’’Je pense qu’on doit adapter les livres à la modernité, les rendre plus accessibles au niveau électronique. Si les livres deviennent plus accessibles dans les téléphones, par exemple, cela va inciter tout le monde à lire, c’est la meilleure solution’’, soutient-il. C’est pourquoi, selon cet étudiant, l’on gagnerait plus à moderniser les espaces de lecture pour qu’on puisse encore inciter les jeunes à la lecture.
AMINATA FAYE