Publié le 2 Aug 2022 - 16:35
LÉGISLATIVES À MATAM

BBY, une victoire et des questionnements ?

 

La coalition Benno Bokk Yaakaar a remporté haut la main les élections législatives dans la région de Matam. Mais pour ce scrutin, le score obtenu ne satisfait pas. Pour cause, Yewwi Askan Wi a engrangé des voix conséquentes dans des zones insoupçonnées. Au finish, les militants du BBY jubilent au moment où les responsables s’interrogent.

 

C’était sans surprise. La coalition Benno Bokk Yaakaar a raflé les cinq sièges à l’hémicycle qui étaient attribués aux trois départements de la région de Matam.  Aucune contestation possible, tellement l’écart avec le premier poursuivant, YAW, est abyssal. Rien que dans les communes de Thilogne, Orefondé et Ourossogui, BBY a récolté 12 355 voix contre 1 255 pour Yewwi. Les résultats globaux publiés par la Ceda donnent 65 798 voix à Benno et 6 490 à Yewwi. Soit plus de 59 000 voix de différence. C’est le même schéma qui s’est dessiné dans le département de Ranérou, avec les résultats affichés par la Commission départementale de recensement des votes. C’est la liste de la mouvance présidentielle qui arrive en tête avec 11 417 voix obtenues, suivie de la coalition Yewwi qui obtient le suffrage de 1 183 électeurs.

Dans le Kanel, sous la houlette du ministre Mamadou Talla, Benno a obtenu les voix de 39 149 votants et laissé 2 579 voix à son concurrent direct (Yaw). Ce règne sans partage de Benno est conforté par le taux de 100 % obtenu au village de Mberla Belé dans la commune de Agnam, fief de son coordinateur départemental à Matam, Farba Ngom.

Des responsables accusés de sabotage à Nabadji

Cependant, pour une région estampillée ‘’Titre foncier’’ de Macky Sall, noter une percée de Yewwi est considéré comme un pavé jeté dans la mare par les responsables politiques avec, à leur tête, Farba Ngom. L’ambition des leaders affichée était de ‘’réduire l’opposition à sa plus faible expression’’, pour mieux se targuer d’être les véritables gladiateurs de Macky. Nabadji Civol, commune symbolique du président de BBY, couve une rébellion. Des localités comme Sedo Abass, Taiba, Thiarène ont basculé dans le camp d’Ousmane Sonko. Une situation inédite, depuis l’accession de Macky Sall au pouvoir. A Ourossogui, à Bokidiawé et à Orefondé, Yaw a encore grappillé des voix, comme un symbole de renaissance.

 Ainsi, si l’opposition n’a pas été anéantie, c’est parce que certains leaders auraient donné des consignes de votes-sanction à leurs militants. Un proche d’Abdoulaye Sally Sall indexe Djiby Dieng comme étant le grand responsable des scores obtenus par Yaw dans Nabadji. ‘’C’est Djiby Dieng qui est derrière les résultats obtenus par Yewwi dans la commune de Nabadji. Les villages qui ont été remportés par l’opposition sont des bastions de Djiby Dieng. Lors des Locales, ces villages avaient massivement voté pour lui. Pourquoi, pour ces élections, la liste présidentielle n’a pas gagné ? C’est parce qu’il l’a voulu’’, fait savoir ce proche du maire de Nabadji.

Mais une autre version venant du camp de Thierno Amadou Sy soutient que c’est plutôt le maire qui serait l’instigateur du vote-sanction pour affaiblir les autres leaders du même camp de sa commune. ‘’Nous avons des preuves irréfutables du forfait d’Abdoulaye Sally Sall. C’est lui qui a dit à ses militants de ne pas voter BBY, pour affaiblir les autres leaders. Nous avons même alerté certains responsables du département sur ses agissements avant même le scrutin. Aujourd’hui, nous l'avons démasqué. Il voulait nous anéantir, mais c’est plutôt le président qu’il a affaibli’’, riposte ce cadre qui annonce une sortie publique pour dénoncer le premier magistrat de la ville de Nabadji Civol.

‘’A Thilogne, Mamadou Elimane n’a pas mouillé le maillot’’

Les responsables du BBY n’ont pas à rougir de leurs résultats, même s’ils pouvaient faire largement mieux. Les militants ne sont pas allés voter, ce qui aurait impacté sur le score obtenu. Mais pour Noureddine Ly, responsable politique à Thilogne, c’est Mamadou Elimane Kane qui est le principal responsable de cette situation. ‘’Mamadou Elimane n'a pas mouillé le maillot. Il est le seul responsable de la chute du taux de participation au niveau de Thilogne’’, lâche-t-il sans ambages.

Des propos corroborés par ce militant de l'APR venu de Dakar pour accomplir son devoir citoyen. ‘’MEK a clairement montré qu’il n’était pas engagé pour ces élections. La preuve en est qu’il n’a presque pas battu campagne. Il était venu pour l’accueil de la tête de liste nationale, mais il était aussitôt reparti après. Il n’est revenu qu’à quelques jours du scrutin pour tenir une petite assemblée dans sa maison. Il disait en catimini à ses militants de s’abstenir pour ces élections. On a tout compris’’, révèle le jeune homme.

‘’Mortal Kombat’’ entre Farba Ngom et Me Malick Sall

Farba Ngom est présenté comme le coordinateur départemental de BBY dans le département de Matam. Mais quelques responsables politiques amenés par le garde des Sceaux, Me Malick Sall, mènent la fronde. Sur les 10 maires du département, huit ont fait allégeance au député-maire des Agnam, les deux restants, à savoir le maire de Ogo, Abou Diallo Balel, et le maire de Thilogne, Mamadou Elimane Kane, ont préféré se ranger derrière le ministre de la Justice. Cette dualité a conduit à la tenue de deux meetings de clôture séparément, obligeant les militants à choisir entre les deux.

‘’Cette rivalité est néfaste pour BBY. Les deux camps se nuisent à travers leurs responsables qui se discréditent devant leurs militants. C’est au président de siffler la fin de la récréation’’, préconise un responsable à Ogo. Mais à la place de rivalités, Abdoulaye Sally Sall, membre fondateur de l’Alliance pour la République, voit plutôt une complémentarité. ‘’Je ne vois pas de rivalité, mais une complémentarité entre les deux (Farba et Me Malick). Tous les deux soutiennent BBY. Il s’agit plutôt d’une approche différente. Mais ces deux leaders se retrouvent tous les jours à l’hôtel Hayoo au vu de leurs militants respectifs. Je ne vois aucun problème entre les deux’’, tempère le maire de Nabadji.

Des changements exigés à Macky

Les résultats de Benno au niveau national ne sont pas fameux. La plupart des têtes de pont ont été secouées là où d’autres ont été tout simplement laminés, au point que l’opposition crie déjà à la cohabitation. N’eût été l’apport salvateur des leaders des régions, la défaite serait même plus humiliante pour Macky Sall. D’où la demande des responsables de Matam. ‘’Après la victoire, nous nous attendons à des changements dans le gouvernement. Nous avons accompli notre mission en remportant sans bavure les élections dans nos contrées’’, fait savoir Abdoul Aziz Welle, responsable politique à Nguidjilone.

Avec les résultats décevants de certains leaders, ceux de Matam réclament un remaniement qui récompensera les plus méritants, avec une part belle faite aux travailleurs de l’ombre.

Djibril Ba

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