Publié le 23 Sep 2024 - 16:33
LÉGISLATIVES ANTICIPÉES

Pastef, l’échappée solitaire

 

Le Sénégal se dirige vers des élections législatives qui promettent d’être l’une des plus historiques de la nation. Après la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République Bassirou Diomaye Faye, la date du 17 novembre a été fixée pour le scrutin. Pour se préparer à ces joutes électorales, les formations politiques s’efforcent de trouver la bonne formule. A Pastef, la décision est claire : le parti ira aux élections sous sa propre bannière ; ce qui a créé des remous dans leurs rangs.

 

Les élections législatives commencent à prendre de la température dans les rangs des formations politiques et des coalitions de partis. Depuis l’annonce de la date du scrutin et des arrêtés ministériels qui en assurent l’organisation, chaque parti ou coalition cherche la meilleure stratégie pour remporter le plus de sièges à l’Assemblée nationale.

Dans la coalition DiomayePrésident, une réunion de la Conférence des leaders a été convoquée le samedi pour définir l’orientation pour ces élections à venir. Le parti Pastef a décidé de faire cavalier seul pour briguer les voix des Sénégalais et obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Cette décision constitue une surprise pour de nombreux observateurs qui s’attendaient à une coalition plus forte aux Législatives, surtout dans un contexte géopolitique sénégalais où les grands ensembles sont privilégiés pour conquérir des victoires significatives.

Ainsi, le Sénégal, habitué à voir de grandes coalitions aux élections, risque de se retrouver avec une situation inédite : un parti qui absorbe toute une coalition.

Une décision aux multiples réactions

Aussitôt annoncée, certains partis n’ont pas eu la même compréhension de la situation. Le parti Ëlëgu Sénégal a décliné l’offre de Pastef faite aux alliés de se ranger sous la bannière du parti d’Ousmane Sonko. ‘’Je voudrais rejeter cette offre et décliner tout choix sur ma personne pour figurer dans une liste de Pastef’’, a déclaré le leader Charles Emile Abdou Ciss. Il estime que ‘’cette démarche violerait les dispositions de la charte de gouvernance commune signée le 1er février 2024, qui stipule que les partis, mouvements et structures alliés conviennent de participer à l'élection présidentielle de 2024 ensemble ainsi qu'aux autres élections législatives et locales sous la bannière de la coalition DiomayePrésident’’.

L’ancien directeur de la Solde rejette l’argument avancé par le président de Pastef, Ousmane Sonko, qui évoque les Législatives précédentes. ‘’Pour justifier ce coup de force, il évoque le risque de trahison en cours de législature des membres de la coalition DiomayePrésident vis-à-vis de Pastef. Il s'agit d'un manque de respect et de considération envers des responsables qui ont fait don de leur personne et consenti de nombreux sacrifices pour l'élection du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, qui en avait fait la demande et que nous avons soutenu sans condition ni négociation’’, a soutenu M. Ciss.

Cette réaction est partagée par d’autres leaders qui ont également exprimé leur désaccord face à cette décision. Pour Maître Moussa Diop, c’est le clair-obscur qui se manifeste. Après avoir demandé des explications aux leaders de la coalition sur leur mutisme concernant ces élections et sur l’organisation de la coalition, le leader du mouvement And Gor yi Djotna a tenu à clarifier les choses : il n’a jamais été question d’une démission, pour lui.

Cependant, il dénonce un manque de considération à l’égard des alliés de Pastef. En effet, ‘’la vérité est la suivante : Ousmane Sonko nous a conviés hier à une rencontre suite à ma demande d'explications jeudi sur la RTS. Il nous a tous fait comprendre qu'il avait décidé d'aller aux élections législatives du 17 novembre 2024 avec son parti, le Pastef, en estimant que la coalition DiomayePrésident était périmée par son objet’’, a révélé Maître Moussa Diop.

De ce fait, précise-t-il, ‘’le parti And Gor yi que je dirige a alors décidé de déposer ses listes face à ce manque de considération des alliés’’.

Il indexe cependant certains leaders de la coalition de vouloir lui nuire. ‘’Il n'a jamais été dit ou écrit par moi que je démissionnais de la noble coalition ayant porté son Excellence le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye au pouvoir, patrimoine de tous les leaders. Cette fausse information véhiculée par certains fédayins du président du Pastef (dont la coordonnatrice Aïda Mbodj) pour ternir mon image ne saura prospérer, car je sais me défendre’’, s’est-il plaint.

Pourtant, certains partis de la coalition restent attachés à accompagner la mouvance présidentielle. D’autres formations de la coalition ont réitéré leur engagement à soutenir la mouvance présidentielle. La plateforme Avenir Sénégal Bi nu Beugg et le parti Car Leneen se sont clairement positionnés aux côtés du Pastef et de son leader Ousmane Sonko.

À travers un communiqué, le docteur Cheikh Tidiane Dièye a informé qu’’’en perspective des élections législatives, le Bureau exécutif a approuvé la proposition de son coordonnateur national, docteur Cheikh Tidiane Dièye, consistant à donner à monsieur Ousmane Sonko, leader de Pastef/Les patriotes et allié historique, un mandat clair et intégral pour prendre toute décision qu'il jugera nécessaire pour une éclatante victoire. Ce mandat porte, entre autres, sur la définition de la stratégie électorale, la détermination du cadre et des modalités de participation aux élections, l'élaboration des listes de candidats, les moyens à mobiliser pour la campagne et l'organisation des équipes’’.

De son côté, Car Leneen, dirigé par la Pr. Amsatou Sow Sidibé, annonce que ‘’fidèle à ses principes, le parti Car Leneen réitère son engagement à accompagner le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko dans la quête du pouvoir Législatif afin d’exécuter le Projet’’.

Sur la même lancée, le communiqué rendu public hier par le Bureau politique national indique que ‘’cet engagement à accompagner le président de la République et son Premier ministre est au-dessus des clivages politiques et répond à des principes intrinsèques qui gouvernent les valeurs sociales et morales du Sénégal’’.

De ce fait, le Bureau politique ‘’demande à tous ses responsables dans les différentes localités de se rapprocher des responsables du parti Pastef pour travailler en toute collégialité sur le terrain en vue d’une victoire éclatante au soir du 17 novembre prochain’’.

Qu’est-ce qui sous-tend cette décision ?

Tout porte à croire que le Pastef et son président Ousmane Sonko ont tiré des leçons du passé.

En effet, lors des dernières élections législatives, de nombreux députés qui ont été élus sous la bannière de la coalition Yewwi Askan Wi se sont retournés contre le groupe parlementaire. Dès les premières heures, l’intercoalition Yewwi-Wallu a volé en éclats. Les députés de Wallu et de Taxawu Sénégal soufflaient le chaud et le froid, créant une séparation totale avec fracas de cette intercoalition.

Dans cette perspective, on pourrait également croire que le président de Pastef veut se prémunir d’une situation similaire ou d’un chantage politique par certains partis pour obtenir des sièges à l’hémicycle grâce à son parti.

Par ailleurs, cette décision serait également l’occasion pour le Pastef de se mesurer et de connaître réellement son poids dans le paysage politique sénégalais.

 

IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)

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