Publié le 12 Mar 2014 - 19:32
L'AFP HORS COURSE POUR 2012

Le choix risqué de Moustapha Niasse

 

En décrétant l'absence de son parti à la présidentielle de 2014, le Président de l'Assemblée nationale prend le risque de saborder durablement l'outil de conquête qu'il a créé après sa fronde contre le Parti socialiste.

 

Il est un moment dans la vie où il faut faire un choix. Le bon choix. Mais celui fait par Moustapha Niasse, à la réunion du Bureau politique de l’Alliance des forces de progrès (AFP), risque malheureusement d’atteindre le parti. 

En décidant de ne pas présenter un candidat à la présidentielle de 2017 contre Macky Sall, Niasse semble étouffer les ambitions politiques de uns et des autres en mettant le parti qu'il a créé dans une posture d’outil de contribution. Un destin que des responsables comme Séga Sy (Diourbel), Thieubeu Ndaw (Gossas), Mamadou Goumbala (Sacré-cœur à Dakar), n’acceptent pas. Ces trois responsables, confie-t-on, se sont opposés à ce choix historique de Moustapha Niasse en jugeant le ‘’débat prématuré’’.

‘’Quand on appartient à une majorité présidentielle, en ayant des membres dans le Gouvernement et à l’Assemblée nationale, il est évident qu’on soutient Macky Sall. Mais cela ne doit pas vouloir dire qu’on ne peut présenter sa candidature. Je trouve que c’est très tôt de débattre de cette question», déclare Goumbala, joint par EnQuête.

Ainsi, la décision de présenter ou non un candidat de l’AFP en 2017 ne doit pas relever de la volonté d’une personne, elle doit être dictée par le contexte du moment, affirme ce responsable progressiste. «On ne peut empêcher quelqu’un d’être candidat s’il le désire et s’il en a les moyens. Lorsque Niasse a voulu se présenter à la présidentielle de 2000, Abdou Diouf n’a pu l’en empêcher. Le Sénégal a dépassé cette époque», ajoute Goumbala.

A tort ou à raison, beaucoup d'observateurs pensent que cette décision du BP était ciblée et viserait le numéro 2 du parti, Malick Gackou, à qui il est prêté des ambitions présidentielles. «C’était prévisible», soutient Amady Moustapha Wade, proche et fidèle de l'ex-ministre du Commerce. «Gackou s’était lui-même préparé à cette éventualité ; et il y avait préparé en conséquence les militants de Guédiawaye», dit-il.

La réalité, c'est que Moustapha Niasse a tort de s’agripper au leadership du parti alors qu'il devrait passer la main à la jeune génération qu’incarne son mentor, indique celui qui est considéré comme le chef du protocole d'El Hadj Malick Gackou. ‘’Un homme doit être généreux’’, déclare-t-il, accusatoire. C'est clair à ses yeux, le n°2 de l'AFP n’a plus d’avenir dans l’AFP et devrait prendre ses ‘’responsabilités’’ en créant sa propre formation politique qu’il nommerait «Parti des forces de progrès» (PFG).  Car, dit-il, «tant qu’il restera là-bas, on ne va pas l’exclure. Mais les proches de Niasse le mettront dans des conditions telles qu’il lui sera difficile de frayer son chemin».

Gackou osera-t-il le pari, lui que l'on accuse souvent de se refuser aux risques ? Un cadre de l'AFP qui a requis l’anonymat se veut moins radical. Pour lui, le ver est dans le communiqué du BP qui n’a pas tenu compte de la «note introductive» de Bouna Mohamed Seck, directeur de cabinet de Niasse à l’Assemblée nationale. Laquelle note était plus nuancée.

‘’Nous avons dit que si notre compagnonnage avec l’APR continue de cette manière - maintenir Alioune Sarr, Malick Diop, Mata Sy Diallo à leur poste - quelle est la raison pour qu’on se présente contre Macky ?’’ précise-t-il. Qui ajoute : ‘’Nous ne voulons pas être comme les gens de AJ/Pads ; c’est-à-dire rester dans un gouvernement et attendre la veille des élections pour en sortir. Nous voulons être logiques avec nous-mêmes.’’

«Niasse a derrière lui deux faucons qui l’influencent»

Mais pour Mamadou Goumbala, cela ne répond à aucune logique. Compagnon du président de l’Assemblée nationale «depuis 42 ans», il accuse des proches de ce dernier d’être à la base d’une telle décision. «Personne ne conteste le background de Niasse. C’est un homme d’une dimension internationale. Mais il a derrière lui deux faucons qui l’influencent. Ces derniers se reconnaîtront», lâche-t-il, énigmatique. Vrai ou faux, le cadre «progressiste» cité plus haut n’entend pas avaler une telle couleuvre.

Promettant de se déterminer «bientôt», il confie : «(...) Je ne serai jamais dans ces histoires, dit-il. Ces gens ne sont mus que par leurs propres intérêts». Ce que «confirme» un autre cadre qui en veut pour preuve les «intrigues» et autres «traquenards» qui, selon lui, ont poussé Hélène Tine vers la sortie. Son tort : elle était soupçonnée d’être proche de l’ancien président du Conseil régional de Dakar.

Mais notre interlocuteur n’a pas manqué de critiquer Gackou qui «n’a pas su bien manager le parti» alors qu’il en est le numéro 2. «Il faut qu’il ait le courage politique d’afficher ses ambitions plutôt que de se réfugier derrière des seconds couteaux ou la presse pour poser des actes.»

DAOUDA GBAYA

 

 

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