Valeurs et anti-valeurs
Avant de révéler ce qui m’a poussé à émettre les réflexions qui vont suivre, je tiens d’abord à préciser le sens que je donne au mot « valeur ». Pour cela, deux processus de pensée de me sont offerts : la définition et l’illustration. A titre d’exemples, « Qu’est-ce que le beau ? » renvoie à la définition ; alors que « Qu’est-ce qui est beau ? » renvoie à l’illustration. Permettez-moi, chers lecteurs d’opter paresseusement pour le second ; c’est-à-dire l’illustration.
Sous ce rapport, j’ose affirmer que : La valeur du sage, c’est son sens de la mesure ; La valeur du citoyen, c’est son sens du civisme ; La valeur du subalterne, c’est son sens de la loyauté ; La valeur du juge, c’est son sens de la morale ; La valeur du soignant et de l’enseignant, c’est le sens de la responsabilité ; La valeur du militaire, c’est son sens de l’honneur ; La valeur de l’intellectuel, c’est son sens de l’éclairage de la décision et de l’action ; La valeur du politique, c’est son sens du mandat social.
Toute attitude contraire à l’une de ces valeurs relève de la double déchéance morale et intellectuelle ; c’est-à-dire de l’anti-valeur.
Malheureusement, ce que l’on note, aujourd’hui, le plus au Sénégal, de la part du citoyen, du juge, de l’enseignant, du soignant, du militaire (armée, gendarmerie, police…) et de l’acteur politique, c’est un état de déliquescence étique. En attestent quelques faits.
On peut noter les révélations courageuses faites par deux hauts gradés de la Police et de la Gendarmerie. Ce n’est pas leur attitude qui est condamnable mais plutôt ce qu’ils ont révélé et ceux sur qui portent ces révélations. Si l’on juge que la Police comme la Gendarmerie sont l’émanation du corps social et politique, ces révélations sont alors d’un intérêt particulier pour le peuple. En effet, le peuple a le droit d’être informé de la marche des institutions qu’il a secrétées et ces institutions ont un devoir d’information et de transparence vis-à-vis du peuple. Il s’agit là comme dirait Emmanuel Kant, d’un « impératif catégorique ».
Ajouté à cela, le comportement du Ministre-Conseiller du Président de la République, Monsieur Malick Ndiaye, en l’occurrence, dont le comportement est à classé, sur l’échelle des antivaleurs, à l’échelon supérieur. C’est tout simplement, le comble de la déchéance morale et intellectuelle. C’est là également qu’il faut ranger les agissements du leader du parti Rewmi, M. Idrissa Seck.
Dans le même registre il faut inscrire ceux qui sont à la base des fraudes qui ont conduit les autorités du Ministère de l’Education à exclure de la formation plus de 600 élèves-maîtres.
Pour boucler cette liste qui est loin d’être exhaustive, j’évoquerais l’attitude de celui qui a délivré le certificat médical sur la base duquel, trois retraités de la cité UCAD 4/ Keur Massar de la coopérative d’habitat des travailleurs de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ont été arrêtés et mis en prison pendant 09 jours. Que s’est-il passé ? Avec la complicité d’agents de l’autorité judiciaire, des individus revendent les terrains non encore occupés de ce cite.
Pour faire face à cela, les retraités de l’UCAD se font le devoir d’informer que ces terrains ne sont pas à vendre ou alors informent leurs collègues propriétaires qui ne sont pas sur place. Pour museler ces retraités, ces individus véreux ont fait servir une plainte qui porte sur des coups et blessures sur un jeune, entraînant une incapacité de 21 jours. Le plus cocasse dans tout cela, c’est que la prétendue victime s’est présentée au tribunal le jour du procès qui a eu lieu dans la même semaine, en pleine forme et n’a même pas pu reconnaître ces « bourreaux ».
Ces quelques cas sont tout simplement symptomatiques de l’état de déliquescence étique, institutionnel et civique dans lequel se trouve notre pays. Cette situation est imputable aux deux régimes précédents. D’abord, le régime du Parti socialiste qui s’est caractérisé dans les années 90 par l’arrogance de ses acteurs, leur mépris pour le peuple et surtout la malhonnêteté. La situation est devenue pire avec le régime du Parti démocratique sénégalais qui lui s’est caractérisé par l’égocentrisme de son leader et l’incompétence des collaborateurs de ce dernier.
Aujourd’hui, le plus grand défi du régime en place, c’est celui de la restauration des valeurs et la construction du vrai socle social qu’est l’EQUITE. Le régime actuel a hérité des conséquences de l’incompétence du régime précédent. Cette incompétence relève fondamentalement du mode de nomination dans tous les secteurs publics : gouvernement, armée, gendarmerie, police, justice, université de Dakar (précisément).
Lorsque l’autorité statutaire ou formelle, que confère un acte administratif (décret, arrêté, note de service) dépasse l’autorité naturelle ou personnelle qui elle repose sur l’éducation, la moralité, la compétence, les valeurs intellectuelles et morales, on se trouve alors dans une perpétuelle dérive autoritaire. Combien sont-ils, ceux qui ont conscience qu’être responsable, c’est être dans l’obligation morale et spirituelle de rendre compte ? Mais de quoi rend-on compte ? On rend compte non seulement de l’accomplissement de la mission qui à été confiée mais également et surtout de l’usage fait des moyens mis à disposition à cet effet. C’est d’abord un question de conscience.
Or la conscience, d’après le Cardinal Théodore Adrien Sarr, « est le centre le plus intime et le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre ». J’invite les juges, les soignants, les enseignants, les gendarmes, les policiers, les hommes qui sont au pouvoir comme ceux qui le visent à faire de cette réflexion, une disposition de l’esprit à intégrer dans leur processus de pensée et d’action.
M. Emmanuel KABOU
Ecole supérieure polytechnique.