Publié le 26 Apr 2014 - 05:24
LIBRE PAROLE

Avocats de l’Etat, Répondez à Maître Doudou Ndoye !

 

Lors de l’émission « opinion », animée par Pierre Edouard Faye à Walfadjiri, maître Doudou Ndoye, ancien ministre de la Justice, scientifique du droit, comme il s’appelle,  avait qualifié des avocats de l’Etat, Maître Félix Sow et Maître Ousmane Sèye, de « petits avocats », d’usurpateurs même .

Vraisemblablement, ces derniers défendent une cause qui n’est pas la leur : il appartient aux procureurs de défendre les intérêts de la nation,  qu’on ne doit pas d’ailleurs confondre avec l’Etat, a rappelé le professeur.

Car l’Etat, pense-t-il, est une institution chargée d’organiser et de gouverner au nom de la société. Et à juste titre : je me rappelle encore le cours du professeur Feu Sémou Pathé Guèye qui, de son vivant, assurait un enseignement de philosophie moderne et contemporaine à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, dont  l’objet portait sur l’histoire des idées politiques. Le mot Etat, pris dans son sens restreint et abstrait, précisait-il, n’est rien d’autre que l’institution mise en place au service de la population. 

Dans cette conception occidentale, l’Etat se présente comme une forme d’organisation humaine fondée sur la liberté ayant pour moyens et finalité la réalisation du bien-être commun. C’est pourquoi le concept d’intérêt général est fondamental. On comprend, par exemple, qu’un éminent juriste, le doyen Duguit, ait fondé toute sa théorie de l’Etat sur l’idée de solidarité sociale et de service public.

Seulement, ce n’est jamais cette conception de l’Etat qui est mise en avant dans le discours des tenants du pouvoir, enclins à l’approche marxiste, celle d’un Etat coercitif. Il n’est pas de ce fait l’Etat de tout le peuple pour reprendre l’ancien Premier ministre Habib Thiam dans Ethiopiques.

Peut-être aussi que l’Etat est envahissant par fonction, pour reprendre Alain, dans son ouvrage  Propos sur les pouvoirs. Il y précise : « Ne croyez jamais ce que dit un Homme d’Etat. C’est un homme qui parle de son métier, et qui quelquefois en parle bien, mais il n’est pas dans l’ordre que l’on mette tous les métiers à la gêne pour que le plombier par exemple fasse aisément et agréablement le sien.

(…) Il faut des oies, j’en conviens, dit l’homme d’Etat ;mais là où je veux qu’elles soient, et non par là où elles veulent être…». Les citoyens  admettent aisément qu’il faut des chefs, des administrations, ajoute Alain, comme il faut des paveurs et des plombiers, mais ils admettent moins aisément que l’homme de  la rue soit toujours gêné et limité et les pouvoirs libres.

Bref, l’Etat, cette réalité abstraite, n’est le plus souvent présente que dans l’usage de la force. Au-delà, il est important de rappeler que l’Etat est aussi une personne morale, sujet de droit au même titre que les personnes physiques.

Comme plusieurs téléspectateurs, on a suivi un professeur, un spécialiste,  très passionné, qui ne s’est  pas contenté de dire le droit mais de chercher des sources, de démontrer et d’illustrer son propos.

Ce qu’il semble reprocher aux avocats de l’Etat sur l’affaire Karim Wade, c’est surtout de s’être trompés de bonne foi ; peut-être leur ignorance pour n’avoir pas su que la CREI a été supprimée ; de « n’être pas suffisamment entrés dans l’histoire », pour reprendre une phrase du discours de Sarkozy à Dakar, parce qu’ils ne se sont pas documentés pour chercher les textes qui auraient supprimé la CREI. 

 L’avocat, dans son réquisitoire, s’en est pris aussi à Mbaye Jacques Diop, expert commercial plutôt que juriste, avant de s’attaquer à l’arrêté du 05 mars 2014 de la cour constitutionnelle qui semble confirmer la légitimité de l’institution chargée de juger le fils du président Wade.

Allant plus loin, il pense, d’ailleurs, qu’on ne peut poursuivre aucun citoyen pour enrichissement illicite. Dans les sociétés modernes et démocratiques, il serait dangereux de demander aux gens pour un rien de justifier leur fortune : on peut aller se « prostituer en chine », gagner de l’argent et l’utiliser comme on veut.

Sans aucun doute, l’arrivée au pouvoir de maître Wade a enrichi sa famille, ses proches, particulièrement son fils de ministre. Je ne dirais jamais que dans ce pays il n’y a pas de politiciens honnêtes, mais ce qui est certain , c’est que le pouvoir enrichi ceux qui l’exercent. Surtout, sous  nos cieux, nous pouvons tous constater que ceux qui arrivent au pouvoir augmentent considérablement leur pouvoir d’achat : « Ku ne nguur neexul danga ce bokul », comme dit l’adage.

Je reste convaincu que Karim lui-même, du fond de sa cellule, peut avoir des choses à se reprocher : il s’est enrichi comme tous les dignitaires de l’ancien régime à qui Wade a gracieusement offert de l’argent ou parce qu’il leur a confié des responsabilités qui leur permettaient de s’enrichir.

Ce que la justice doit vite démontrer, c’est leur culpabilité s’ils ont pris les deniers publics. Ceux qui sont chargés de faire la lumière sur l’affaire Karim Wade, payés avec les deniers publics, doivent, eux aussi, mériter leurs émoluments pour ne pas passer comme des malhonnêtes. 

Les allégations portées par maître Doudou Ndoye méritent une réaction des avocats de l’Etat accusés de ne pas être à leur place dans cette affaire ou d’être des usurpateurs, pour avoir pris la place des procureurs. Ils ne doivent pas rester de marbre face aux accusations de maître Ndoye qui les  a véritablement snobés.

Bira Sall

Quartier Ndoutt Tivaouane

sallbira@yahoo.fr

 

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