Du syndicalisme littéraire au profit du livre et de la lecture
A la suite de mon mentor Amadou Lamine Sall, je prends ma plume frêle mais tout aussi engagée, ébréchée mais tout aussi inspirée, pour le plonger au fond de l’encrier de l’activisme et du syndicalisme littéraire pour ne pas dire poétique. Souffler avec le vent n’est pas si difficile si la rafale ne vous emporte pas. Alors je serai le tourbillon de plus, la houle de plus, la vague qui monte et montre que la jeune génération a aussi son mot à dire, ses maux à soulager et ses propos à prendre en compte.
Dans son discours du 15 avril 2013 lors des rencontres poétiques qu’il a initiées, Amadou Lamine Sall nous demandait, à nous autres jeunes écrivains, d’«être des barbares». Nous le sommes, mais d’expressions, d’idées, de réflexions, de visions et bientôt d’actions.
Mon premier acte de barbarie serait de réclamer la construction de la bibliothèque nationale, c’est devenu une question de vie ou de mort pour une génération de l’écran de télévisons, de cinéma, d’ordinateur et même d’ipad et autres tablettes. Résultat : «Dakar non seulement ne dort pas mais ne lit ni ne s’instruit plus. Ah ! Quel dommage.»
De nos jours, tous les jeunes sont des devins qui lisent l’avenir sur des tablettes magiques à l’aide d’un doigt nonchalant et aveugle ; le monde se résume-t–il à ce jeu d’oracle ? Combien de temps précieux épuisé à faire l’haruspice du quotidien avec les entrailles du numérique. Ce temps pourrait bien être mis à profit pour parcourir le monde à travers un livre.
Je suis à présent assez ému pour vous parler de ma mésaventure. Il y a deux semaines, je passais par le rond-point du Jet d’eau, à côté de la banque BICIS. Grande et amère a été ma surprise quand j’ai découvert qu’il y avait en lieu et place de la bibliothèque une... blanchisserie.
Une blanchisserie, me suis-je exclamé ! Non ce n’est pas possible. Où sont les livres, mes livres, les livres de mon enfance : Tintin, le chat botté, Ali Baba et les quarante voleurs, Aladin et la lampe, Lucky Luke et les frères Dalton, les aventures du vizir Iznogoud qui voulait être khalife a la place du khalife... Bref tous ces livres étaient des linges à la place des livres.
Oh quel énorme gâchis, et j’ai aussitôt plaint les enfants du quartier qui n’auront jamais la chance que j’ai eue et pourtant, moi je quittais Khar Yalla pour venir brouter les lettres de la SICAP. Et je me suis demandé pourquoi on n’a pas pris le local de la banque pour abriter la blanchisserie ? Pourquoi justement la bibliothèque est-elle devenue une blanchisserie ?
N’a-t-on pas aussi besoin d’argent pour acheter que de livres pour se cultiver, se divertir, se former, que d’habits pour se vêtir ? Et j’ai eu une idée, peut-être folle mais à mon avis lumineuse et illuminée : et si on transformait toutes les blanchisseries des coins en bibliothèques de quartier ? Les enfants reprendraient peut-être goût à la lecture même si leurs vêtements et ceux de leurs parents seraient un peu sales ; leurs occupations en seraient au moins plus saines, pour ne pas dire propres.
Alors en bon barbare, j’irai voir le maire de la localité et sous la menace d’une épée, je lui ordonnerai de financer ce type de projet. Oui, à défaut d’une bibliothèque nationale, ayons quand même des bibliothèques communautaires. N’est-ce pas qu’on parle d’acte 3 de la décentralisation : eh bien ! décentralisons le livre et la lecture pendant qu’on y est.
Amadou Moustapha DIENG