Macky Sall augmente les budgets des institutions
La Loi de finances initiale (LFI) 2021, votée hier à l’Assemblée nationale, est marquée, cette année, par une hausse des budgets des institutions de la République telles que le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), le Conseil économique, social et environnemental (Cese), entre autres. Répondant aux préoccupations des députés face à ces progressions, le ministre des Finances et du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo, a soutenu que la ‘’démocratie a un coût’’, dans la mesure où ‘les institutions doivent exister’’.
Les députés ont adopté, hier, la Loi de finances initiale (LFI) 2021 qui est marquée par une augmentation du budget de certaines institutions. Une situation qui n’a pas échappé à la vigilance des parlementaires. ‘’Les questions sur lesquelles nous sommes en train de débattre ne sont d’aucune importance. Nous sommes actuellement en période de crise et les jeunes prennent la mer à la recherche d’un avenir meilleur, parce qu’ils ne trouvent pas d’emplois décents.
Les pêcheurs n’ont plus de poissons à cause des accords de pêche que l’Etat a signés avec les Occidentaux. Au lieu de régler ces questions, le gouvernement a décidé d’augmenter, pour la gestion 2021, le budget de certaines institutions telles que l’Assemblée nationale, le Conseil économique, social et environnemental. Aujourd’hui, l’Etat a dépensé plus de 731 milliards de francs CFA pour un Train express régional (Ter) qui, depuis presque trois ans, est à terre. Tout cet argent aurait pu servir à financer des projets pour ces jeunes désespérés’’, s’est offusqué le président du groupe les Libéraux et démocrates Serigne Cheikh Bara Doli Mbacké, hier, en prenant la parole lors du vote de la Loi de finances initiale (LFI) 2021.
Comme lui, sa collègue Mame Diarra Fam, députée de la diaspora, a fustigé cette augmentation. Elle demande d’ailleurs que l’Assemblée nationale soit auditée, afin de savoir comment les fonds qui lui sont alloués sont dépensés chaque année.
En fait, à part la présidence de la République, dont le budget pour la gestion 2021 est arrêté à la somme de 86 231 158 638 F CFA en autorisations d’engagement et 68 662 587 922 F CFA en crédits de paiement, presque toutes les autres institutions ont vu leur budget augmenté. Pour l’Assemblée nationale, son budget est prévu à 24 810 186 496 F CFA en autorisations d’engagement et 19 441 462 655 F CFA en crédits de paiement. Pour le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), il aura pour sa gestion 2021, 14 894 546 000 F CFA en autorisations d’engagement et un montant de 9 614 546 000 F CFA en crédits de paiement. Concernant le Conseil économique, social et environnemental (Cese), les prévisions budgétaires pour 2021 tournent autour de 8 244 246 284 F CFA en autorisations d’engagement et pour les crédits de paiement, ils seront de 7 584 246 284 F CFA. Le Conseil constitutionnel a un budget initial de 1 290 122 400 F CFA en autorisations d’engagement et 1 290 122 400 F CFA en crédits de paiement.
Quant à la Cour suprême, elle a 2 064 240 000 F CFA en autorisations d’engagement et le même montant en crédits de paiement. Les autorisations d’engagement de la Cour des Comptes, pour l’année 2021, sont de 9 510 098 577 F CFA et les crédits de paiement de 7 823 226 158 F CFA. Et le Secrétariat général du gouvernement se verra attribuer 26 975 085 109 F CFA en autorisations d’engagement et la même valeur en crédits de paiement.
Répondant à ces interpellations, Abdoulaye Daouda Diallo a soutenu, d’abord, que ‘’la démocratie a un coût, dans la mesure où les institutions doivent exister’’. Concernant la hausse du budget de l’Assemblée nationale, elle est justifiée par la prise en charge des émoluments des assistants parlementaires, du fonctionnement de trois nouvelles commissions, de l’acquisition de bus pour le personnel et la modernisation des outils de travail. Pour le Cese, l’augmentation notée est due à l’alignement des indemnités des conseillers à celles des hauts-conseillers des collectivités territoriales. Quant au HCCT, dont le budget a connu une hausse, il s’agit de diminuer la charge locative de l’Etat en investissant, notamment, dans l’acquisition d’un siège pour cette institution.
Toutefois, le ministre a signalé que la baisse du budget de la présidence de la République matérialise la volonté du chef de l’Etat de ‘’rationaliser’’ les dépenses courantes de cette institution. ‘’Le budget qui nous a été soumis, que vous critiquez, va permettre d’améliorer les conditions des jeunes, avec près de 10 milliards pour l’Education nationale, l’Enseignement supérieur, technique et la Formation professionnelle. Il y a aussi le budget du ministère de la Jeunesse pour offrir un avenir meilleur à la jeunesse. A cela, s’ajoutent les 1 002 agents de la santé qui doivent être recrutés pour renforcer le personnel. Si on ne vote pas ce budget, je ne vois pas ce qui mériterait plus d’être voté. C’est le budget de l’Etat qui permettra de faire fonctionner le pays, régler la question de l’assainissement, pour permettre à nos populations de vivre dans de bonnes conditions’’, a renchéri le député de majorité, Seydou Diouf, par ailleurs président de la Commission des finances.
La Loi de finances initiale 2021 arrêtée à 4 589,15 milliards F CFA
Au regard de ces considérations, la Loi de finances initiale (LFI) de l’année 2021, sous l’empire de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 2001-09, intégrant l’amortissement de la dette publique, est arrêté à 4 589,15 milliards contre 4 215,2 milliards F CFA en 2020, soit une hausse de 373,95 milliards. Dans la LFI 2021, version Loi organique n°2020-07 du 26 février 2020 relative aux lois de finances, modifiée, le ministre a noté que les recettes sont arrêtées à 3 225,9 milliards et 3 969,9 milliards en dépenses, soit en valeur absolue un déficit budgétaire de 743,9 milliards de francs CFA. Ladite loi a été bâtie sur une prévision de croissance de 5,2 et un déficit attendu à 5 % contre 6,1 % lors de la Loi de finances rectificative (LFR) 2020.
Le financement du principal de la dette est de 619,3 milliards. C’est ce total qui fait le budget de 4 589,15 milliards. Concernant l’exécution des recettes de 2019, le ministre des Finances et du Budget a précisé qu’elles ont connu, en glissement annuel, une augmentation de presque 555,9 milliards.
Et pourtant, la fiscalité n’a pas été prise en compte, encore moins la révision de taux. Il s’agit simplement, d’après lui, de gros efforts consentis par les administrations fiscales, douanières et du trésor.
Relativement aux inquiétudes sur l’augmentation du budget de 2021, Abdoulaye Daouda Diallo a rappelé que le budget initial était de 4 215 milliards. Il a été porté, dans le cadre de l’ordonnance portant LFR pour l’année 2020, à 4 640,4 milliards, soit une augmentation de 425,4 milliards. ‘’Cette hausse est liée, d’une part, à l’augmentation du déficit que l’on doit toujours financer, mais aussi aux appuis exceptionnels, importants de nos partenaires techniques et financiers. Le budget 2021 a été élaboré sur des bases réalistes, en tenant compte surtout des conséquences de la pandémie et du cadrage budgétaire. En effet, le Sénégal est passé d’un déficit de 3 % en début 2020, à 6,1 % pour redescendre à 5 % en 2021’’, renseigne le ministre.
Les recettes du budget général, arrêtées en 2021 à 3 089,9 milliards et excluant les emprunts considérés comme des ressources de trésorerie au sens de l’article 8 de la Loi organique 2020-07 modifiée, sont composées des recettes internes pour un montant de 2 758 milliards et des recettes externes d’une valeur de 331,9 milliards F CFA. Une somme constituée de dons budgétaires à hauteur de 63,9 milliards et des tirages sur les dons en capital pour une valeur de 268 milliards F CFA.
Globalement, la pression fiscale est attendue à 17,1 % du PIB en 2021, contre 16,8 % en 2020.
Quant aux recettes des Comptes spéciaux du Trésor, elles sont arrêtées à 135,9 milliards, soit au même niveau qu’en 2020. Elles sont constituées essentiellement par des comptes d’affection spéciale pour 113,8 milliards de francs CFA. Les charges dans le projet de LFI sont programmées à 396,9 milliards pour l’année 2021, soit une hausse de 7 % par rapport à la FFI de 2020 pour 3 709 milliards. Elles se décomposent en charges financières et de la dette, dépenses de personnel, dépenses de fonctionnement, dépenses d’investissement et en Comptes spéciaux du Trésor, à hauteur de 135,9 milliards de francs CFA.
Une masse salariale de 904,9 milliards en 2021
La masse salariale est programmée dans le PLFI 2021 pour un montant de 904,9 milliards de francs CFA, contre 817,7 milliards dans la LFI 2020. Soit une progression de 84,2 milliards.
A ce propos, le ministre a reconnu qu’il y a une augmentation des effectifs. ‘’Mais, aujourd’hui, la hausse de 84,2 milliards est justifiée par la revalorisation des indemnités de logement des enseignants et leur mise en solde, les dépenses de santé et d’hospitalisation, mais surtout par une décision historique du chef de l’Etat Macky Sall de renforcer les personnels de santé d’au moins 1 000 agents’’, justifie le ministre des Finances.
Pour les dépenses d’acquisition de biens et services et de transferts courants, elles s’établissent à 1 007 milliards, contre 947,4 milliards dans la LFI 2020. Les dépenses en capital sur les ressources internes sont programmées, en 2021, à 751 milliards, contre 681,5 milliards dans la LFI 2020, soit une hausse de 69,5 milliards. Au même moment, les dépenses en capital sur les ressources externes vont connaître une progression de l’ordre de 82,4 milliards par rapport à la LFI 2020, pour s’établir à 844 milliards de francs CFA, contre 761,6 milliards dans cette LFI 2020.
Constatant les lourdes conséquences économiques et financières de la Covid-19 sur les engagements du Sénégal et la mise en œuvre des projets du Plan Sénégal émergent (PSE), les parlementaires ont recommandé le recours à l’épargne nationale, mais aussi à celle des Sénégalais de l’extérieur pour financer le déficit budgétaire. Ils ont également salué le gel des dépenses non essentielles comme celles annulées pour financer la lutte contre cette pandémie.
Sur ce point, les députés se sont intéressés à la finalité des bons Covid-19 achetés tout récemment au niveau de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour une valeur d’environ 103 milliards de francs CFA.
Interpellé sur les économies faites sur les frais de mission, Abdoulaye Daouda Diallo a fait savoir qu’en 2020, grâce au recadrage du budget, des économies de 119 milliards ont été réalisées. Il s’agit de suspensions de certains projets, notamment ceux qui devaient être financés sur ressources extérieures pour 75 milliards de francs CFA et 44 milliards sur ressources internes, dont 400 millions sur les frais de mission, 1,6 milliard sur les fêtes et cérémonies et 3,3 milliards sur les conférences et congrès. Toutes ces ressources sont réorientées au financement du Plan de résilience économique et sociale.
L’équation de la dette
L’encours à la dette publique totale est projeté à 9 176,3 milliards en 2020, contre 8 231,8 milliards en 2019, soit une progression de 11,5 % sur la période. Quant au ratio de l’encours de la dette publique par rapport au PIB, il devrait représenter 64 % en 2020, en liaison avec les prêts importants accordés dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 en 2020 et demeurer toutefois en dessous de la norme de 70 % retenue dans le cadre du Pacte de convergence de l’UEMOA. Les charges financières de la dette (intérêt et commissions) se chiffrent à 327 milliards en 2021, contre 364,8 milliards dans la LFI 2020, soit une baisse de 37,8 milliards. Ces charges traduisent le réajustement de la stratégie d’endettement, avec l’accent mis sur les prêts concessionnels et le recours aux prêts non-concessionnels uniquement pour financer les projets présentant un taux de rentabilité élevé.
Abordant la surchauffe de la dette au niveau de l’encours, le ministre dira qu’elle est due à la Covid-19. ‘’En effet, au stock existant, se sont ajoutés des prêts de l’ordre de 434,3 milliards de francs CFA. Malheureusement, cette dette ne permet pas de financer l’investissement. Elle a seulement permis de faire face aux charges urgentes. C’est-à-dire des frais liés à l’acquisition de matériel de protection de santé, d’achat de vivres et d’autres dépenses liées à la Covid. C’est une dette qu’il ne faut pas appréhender comme les autres dettes et qu’il faudra voir comment en faire un traitement particulier, en travaillant plutôt à la lisser dans le temps’’, fait-il savoir.
Il convient de souligner que le montant de la dette publique pour la gestion 2021 est arrêté à la somme de 327 milliards en autorisations d’engagement et 327 milliards en crédits de paiement. Le ministre des Finances a indiqué aussi que le Sénégal a eu à réaliser des économies de 28,2 milliards.
‘’Cependant, notre pays travaille à élargir la suspension de la dette qui n’est pour l’instant que de 6 mois pour 2021’’, ajoute-t-il.
La perception d’impôts sur certaines entreprises suspendue jusqu’à la fin de l’année 2021
Abordant la question des ressources du Force-Covid-19 d’un montant initial de 1 000 milliards, le ministre a rappelé qu’une partie de ce montant est décaissable de l’ordre de 628,4 milliards et une autre non-décaissable de 371,6 milliards. ‘’Cette partie est constituée de mesures de renonciation fiscale et douanière. En effet, le président de la République a pris la décision de renoncer à la perception d’impôts sur les secteurs de l’hôtellerie, des transports, du tourisme, de la restauration, etc. Il a même prorogé cette décision jusqu’à la fin de l’année 2021, d’où le léger repli dans les prévisions des recettes’’, annonce Abdoulaye Daouda Diallo. Sur les 628,4 milliards, le ministre renseigne que des ressources extérieures, d’un montant de 595,2 milliards, ont été enregistrées. Il s’agit des prêts-programmes d’un montant de 434,3 milliards F CFA.
Infrastructures
Face aux députés hier, le ministre a également fait part de l’état d’avancement de certains projets d’infrastructures. S’agissant de la route de Bakel, il a précisé qu’il y a eu une ‘’erreur dans les études’’. Ce qui a fait que certains ouvrages, d’après lui, n’aient pas tenu, notamment sur le tronçon Hamady Ounaré - Bakel, malgré la réfection de cette route dans sa profondeur. ‘’Aujourd’hui, la décision a été prise de reprendre tous les ouvrages de ce tronçon. Pour ce qui est de la rénovation du pont de Richard-Toll, il est engagé depuis l’année dernier et le marché initial était de plus de 775 millions de francs CFA, dont 387 millions déjà décaissés’’, dit-il.
Concernant les travaux du pont de Foundiougne, le ministre a notifié qu’ils seront achevés durant l’année 20212 et 3,5 milliards sont prévus à cet effet dans le budget 2021. Le marché de la route Dahra - Louga est déjà signé et les travaux vont démarrer durant le mois de novembre, avec le concours de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). Idem pour la route Thiadiaye - Nguéniène dont le démarrage des travaux est prévu ces temps-ci. Le ministre renseigne que le budget est de 13,2 milliards dont 10 milliards provenant de la Banque islamique de développement (Bid).
MOUSTAPHA GUIRASSY ‘’On aurait pu prendre l’argent de l’Aréna et acheter des bateaux de pêche’’ ‘’Aujourd’hui, nous sommes en train de passer à côté de l’essentiel, à savoir un idéal de vie des Sénégalais, leur façon de se voir et se réaliser, le sens qu’ils donnent à leur vie, à l’éducation, les valeurs qui sont importantes pour eux, leur foi, etc. Malheureusement, on est dans l’urgence, toujours dans l’urgence : le fast-track. Qui est pour moi, une idéologie qui détruit, qui n’est pas sage. Elle enferme dans le présent et précipite dans le présent. Il n’y a pas d’horizon. Tout doit être visible, réalisé, en un horizon temporel très court pour simplement faire le bonheur de certaines personnes, ou certaines idéologies ou simplement par rapport à d’autres programmes qui ne sont pas réellement des programmes profonds économiques et durables. C’est là où le mal repose. 4000 milliards de budget, c’est important. Mais, en même temps, autant de jeunes qui restent noyés dans nos océans, c’est quand-même curieux. Quel paradoxe ! C’est parce que quelque part, il ne s’agit pas simplement d’infrastructures de prestige, mais, c’est qu’ils ne retrouvent pas d’idéal. Ils sont perdus, à tout point de vue : au plan éthique, en termes de valeurs. Il n’y a plus de repères, d’exemplarité. Et aujourd’hui, il faudrait donc, repenser notre économie. Ce qui veut dire, investir de façon durable et en investissant, qu’on puisse s’oublier un tant soit peu. Mais, quand on veut voir des réalisations, alors qu’on est au pouvoir, il n’y a plus de planification, c’est du forcing. Une économie qui ne repose pas sur une planification profonde et durable, on est dans le catastrophe, le drame. Une véritable planification mériterait qu’un département comme l’aménagement des territoires soit rattaché au ministère de l’Economie et de la Planification, pour amener et drainer les économies à l’intérieur des territoires. Si ce n’était pas le fast-track, on aurait pu prendre l’argent de l’Aréna et acheter des bateaux de pêche. En termes de priorisation, on aurait mis l’argent ailleurs’’. |
MARIAMA DIEME