Le couvre-feu marche bien, mais l’état d’urgence boitille
Dans cette lutte mortelle contre le coronavirus, on le tue ou il nous tue. Le président ne s’est pas trompé en disant que le pays était en guerre contre un ennemi invisible aussi tactile que stratège. Aussi, sont-elles pertinentes et opportunes toutes les mesures prises jusqu’à présent dont le couvre-feu, l’état d’urgence et les fonds de calamité
Il demeure que dans cette guerre contre un ennemi aussi atypique que redoutable, ce dernier trouve en chacun d’entre nous, en l’homo senegalensis un allié de taille, un complice qui lui offre gîte, moyens de subsistance et armes.
En effet, nos conditions de vie, mode de socialisation, pratiques culturelles et cultuelles, notre fatalisme qui nous dédouane de toute responsabilité individuelle comme collective, a fait de l’homo senegalensis et, partant, de notre pays, respectivement un allié naturel et une patrie de prédilection. Ce faisant, nous, dans cette lutte, nous faisons face à deux adversaires : nous-mêmes avant tout et puis le coronavirus.
Dans ce cadre le Couvre-feu et l’Etat d’urgence constituent une stratégie béton qui devrait bien suffire pour nous épargner un confinement qui pourrait être plus tragique que l’impact du
Coronavirus. Cependant, il reste que ces deux mesures qui relèvent d’un rituel Administratif d’Etat, par la rareté de leur usage et certainement par les éventuels oublis dans la légation des armoiries de l’Etat, souffrent d’ incompréhension pour une bonne frange de la population et probablement même de la part de bon nombre de ceux qui sont chargés de les mettre en application, majoritairement composés de jeunes qui n’ont jamais vécu sous une telle emprise. Toutes les tergiversations de certaines Autorités locales sur l’Etat d’urgence, certains dérapages, certains commentaires malveillants sur les forces de Sécurité, certaines interrogations sur la pertinence ou non du couvre-feu, s’expliquent par le déficit de mise à niveau qui devait suivre la prise de ces mesures.
Faut-il le rappeler, ces deux mesures exceptionnelles relèvent de l’Autorité du président de la République dans une situation exceptionnelle de menaces lourdes sur la paix, l’ordre public ou la stabilité du pays. Elles confisquent dans l’aire et la durée de leur application les droits des individus et des collectivités, suspendent les procédures classiques, concentrent les Pouvoirs délibératifs et décisionnels entre les mains du Chef de l’Etat, chef Suprême des Armées, qui actionne ce bras armé en fonction de l’évolution de la situation, en rapport avec son appareil exécutif.
Au demeurant, ces deux mesures ont été prises contre une pandémie mortelle dont la population ne semble pas prendre conscience ni du mode de transmission, ni de la gravité des effets collatéraux au point que certains s’interrogent sur l’opportunité du couvre- feu et d’autres se rebellent contre l’interdiction d’attroupements inhérente à un Etat d’urgence. Il faut le constater pour s’en émouvoir le couvre-feu a des détracteurs.
Ceux-ci oublient que n’eut été le couvre-feu, toutes les activités diurnes, objet de confinement dans l’Etat d’urgence, auraient été transposées la nuit, ils oublient également que nous sommes dans une société festive et évènementielle, où mariages, baptêmes, chants religieux, Dahiras, soirées culturelles,galas, Kassacks, coladeras, Mbapatts, Sabaars, etc., facteurs de concentration humaine, se produisent la nuit.
En outre, ils feignent d’ignorer le sens étymologique du mot « couvre-feu » qui signifie d’une part « empêcher le feu de se propager, mais aussi que tout contrevenant à la mesure s’expose au « feu des forces de défense et de sécurité ». On ne badine pas en période de couvre-feu et les forces de sécurité ont été assez imaginatives pour utiliser le fouet à la place d’autres moyens. Malgré tout, le couvre-feu commence à être très productif.
Cependant, il faut reconnaître l’existence d’un paradoxe au niveau de la mise en œuvre de l’Etat d’urgence ou de l’Etat de guerre où l’Armée n’est pas encore suffisamment visible le jour, alors qu’elle devait être au premier plan de nuit comme de jour. Des regroupements persistent encore, au niveau des plages, de Terrains de sports, de certains services, d’ateliers, des places publiques, des marchés, des magasins, de boutiques de la loterie nationale, des rues avec différents prestataires ambulants, mais surtout avec le non-respect des mesures d’hygiène.
Or, une présence active, dissuasive, des soldats dans les rues, dans les zones traditionnellement de concentration en appui aux forces de l’ordre, pourrait fouetter la conscience de la gravité de la situation et aider à réduire les sorties et présences inutiles. Ce faisant on réduirait les opportunités de contacts et de propagation du virus sans en arriver à un confinement général aux conséquences dramatiques.
Au-delà de ces deux mesures qui devaient nous permettre de consolider nos bases arrières, il faut davantage anticiper sur le renforcement et l’équipement des soldats sur la ligne de front, constituée par le personnel de santé, en procédant à un recrutement exceptionnel massif, mais en procédant à une mise à niveau de toutes nos structures de santé sur la stratégie, qui ne doit plus être l’exclusivité d’une minorité de sachants. Toute armée a besoin de généraux (spécialistes) mais les généraux à eux seuls ne peuvent pas gagner une guerre, moins encore dans une guerre d’usure. IL ne suffira pas de gagner sur son propre territoire pour s’en sortir, car tant qu’il restera un seul Covid-19 dans le Monde, la guerre n’est pas définitivement gagnée.
Que Dieu garde le Sénégal !
Walmaakh Ndiaye
observateur politique wandiaye@gmail.com.