Les jeunes contestent les barons
C'est un vent de fraicheur qui souffle sur les prochaines élections locales dans la région de Matam. La jeunesse qui, jusqu’ici, était spectatrice ou simple force d’appoint, a décidé de franchir le rubicond avec la fougue qui la caractérise. Cependant, la caution de 15 millions exigée s’érige comme une barrière infranchissable.
Tous les maires du département de Matam ont déjà vécu 40 hivernages, d'autres ont même dépassé la soixantaine, à l'image de Mamadou Mory Diaw, Maire de la commune de Matam : un professionnel de la santé de France à la retraite. Son voisin, Abdoulaye Sally Sall, Edile de Nabadji Civol, a déjà vécu plus d'une moitié d’un siècle.
Les collectivités sont ainsi gérées par des hommes que les années d’existence prédisposent à la sagesse. Pourtant, la gestion de la cité est loin d’être approuvée, un euphémisme face à un désir de changement qui s'est généralisé. Une brèche bien béante dans laquelle les jeunes se sont engouffrés. Surfant sur une certaine frustration, ils tissent leur toile avec maladresse, mais avec beaucoup d’entrain.
L'actuel maire d’Orefondé, Amadou Yero Bâ, pourrait perdre son titre de plus jeune édile du département de Matam, avec le foisonnement de candidatures de jeunes loups. Ils sont jeunes et très ambitieux, quand d'autres diraient trop prétentieux. Ils briguent tous les mairies. A Dabia, commune dirigée par l'ex-ministre des Télécommunications Yaya Abdoul Kane, Harouna Seck s'est jeté à l'eau. Sans complexe, il dresse un bilan famélique, en matière de réalisations de l’équipe municipale en place, pour justifier sa candidature. ‘’La commune de Diabia regorge de beaucoup de potentialités. Malheureusement, elle fait partie des communes les plus désœuvrées du Sénégal. L’éclairage public y est inexistant, même dans la ville chef-lieu de commune. Les lampadaires solaires ne nécessitent pas des dépenses énormes de la part de la mairie, puisque c'est l’État du Sénégal qui les offre aux collectivités. Tous les maires actifs et compétents ont installé ces lampadaires dans leur commune. Mais ici, à Dabia, nous n'avons pas un véritable maire visionnaire’’, expliquait-il lors de sa cérémonie de déclaration de candidature.
Pour ce natif de la bourgade de Barga et responsable de l’antenne de l’Anpej de Tambacounda, le changement est irréversible, puisque sa ‘’candidature est irrévocable et non-négociable’’.
A Orefondé, Abdoul Djiby Ndiaye montre nettement les traits d'un jeune loup aux dents bien longues. Se réclament poulain de l’honorable député Farba Ngom, il affiche son ambition de diriger sa commune. Très actif dans l’association pour le développement de son village, Jalan, sa décision devra impérativement être avalisée par le maire des Agnam qui manage aussi Amadou Yoro Bâ, candidat à sa propre succession.
Thilogne : ABL et Aly contre les barons
C’est à Thilogne que la jeunesse a vraiment fait preuve de volonté de renverser les dinosaures qui sont tous dans le même camp de l'APR, sans tout de même parler le même langage. Le maire Sidy Kawory Dia devra convaincre les autres barons dont le plus radical est l'ambassadeur itinérant Almamy Bocoum, pour être la tête de liste de la coalition BBY. Le tonitruant Mamadou Elimane Kane a déjà donné le ton ; il sera candidat avec ou sans la bénédiction de Macky Sall. La sensation est, sans nul doute, la candidature du jeune Abdoulaye Bocar Lom, Président du mouvement Yonti. Cet écrivain pas encore trentenaire est en train de faire une percée assez remarquable dans la ville. Avec un discours novateur sous-tendu par un alléchant projet de société, ABL se présente comme un sérieux outsider. ‘’Mes nombreuses actions pour la communauté ont fini par me persuader à briguer la mairie pour apporter davantage aux populations de Thilogne. La communauté m'a beaucoup donné et il est temps, comme le souligne le nom du mouvement que je dirige, en retour, qu'on s'engage pour participer au développement du terroir. Nous avons un programme pour la ville que nous avons consigné dans le livre que j'ai écrit’’, fait il savoir de la France où il vit actuellement. Il ne compte pas gérer la cité depuis le pays de Marianne car, rassure-t-il, il sera de retour au bercail pour accompagner ses collaborateurs sur le terrain pour la massification.
L'autre jeune candidat est déjà sur le terrain, il s'agit d’Aly Sall, enseignant de son état et président du comité de développement sanitaire du district de Thilogne. Celui qui se réclame comme le candidat idéal est un résident permanent de la commune. Ayant toute sa famille à Thilogne, Aly Sall compte sur sa popularité auprès de la jeunesse et des personnes du 3e âge pour se frayer un chemin vers la mairie.
‘’Je connais bien cette ville. Je connais parfaitement les problèmes auxquels sont confrontées les populations. Je suis avec elles durant les 12 mois de l’année. Et ça c’est le plus important’’, pense le géant de Diabé Sala.
A Nabadji Civol, le candidat Thierno Amadou Sy porte bien la citation de Corneille : ‘’Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années.’’ Malgré sa jeunesse, l’ancien journaliste à la RTS cristallise une appréhension de la part de ses adversaires. Le camp du maire Abdoulaye Sally, sans l'avouer, redoute fortement la force de frappe du président du mouvement Ha Yessoo. ‘’Nous voulons la mairie de Nabadji, car nous avons un programme clair pour la développer. L’équipe qui est en place n'a pas de vision ; elle ne fait rien pour sortir cette localité de la pauvreté. Le maire n'a même pas de bureau à la mairie. C’est terrible !’’, martèle ce jeune responsable catégorique dans sa volonté de déposer sa candidature.
Djibril Bâ.