Publié le 21 May 2014 - 12:06
MAUVAISES INSTALLATIONS ELECTRIQUES

Les usagers, éternelles proies 

 

De l’électricité en qualité et quantité suffisante, le consommateur en réclame toujours. Quant à la sécurité liée à ce produit, il l’oublie très souvent. Pourtant, le courant électrique est autant dangereux qu’essentiel. Au Sénégal, sur 2 036 incendies en 2013, les 1 025 proviennent d’un défaut électrique. 10 milliards ont été perdus depuis 1992 sur des incendies dont les 70% sont imputables à ce danger ''silencieux, invisible et insidieux''. 

 

L’électricité est un produit essentiel dans le développement d’un pays et le bien-être des citoyens. Les populations ont donc tendance à beaucoup se préoccuper de son accès, oubliant très souvent les risques qui sont inhérents à son utilisation. 

Au Sénégal, les personnes vivent en permanence sous la menace de l’électricité du fait de mauvaises installations et du matériel contrefait. Le résultat ne pouvait être autre que dramatique. Hier à l’occasion de l’Assemblée générale de la Fédération internationale pour la sécurité des usagers de l’électricité (FISUEL), en partenariat avec la Promotion de la qualité de l’électricité (PROQUELEC), des chiffres qui donnent une idée de l’ampleur du phénomène ont été livrés par les intervenants. 

D’après le chargé des risques et catastrophes à la direction de la protection civile Ismaëla Fall, les dégâts causés par l’électricité ne cessent d’augmenter. 70% des incendies sont imputables au courant électrique. Cheikh Sidate Niang ajoutera que si l’électricité est si dangereuse, c’est surtout parce qu’elle est ‘’silencieuse, invisible et insidieuse’’. En plus, avec l’accoutumance, on oublie certains gestes de précaution. 

Ainsi, dans un tableau présenté par M. Fall, on peut voir qu’en 2011, sur les 1 545 incendies, 820 sont d’origine électrique. En 2012, ces mêmes statistiques sont de 895 sur 1 820 cas. En 2013, sur 2 036 incendies, les 1 025 proviennent d’un défaut électrique. Pendant ces trois dernières années, le nombre de victimes est respectivement de 20, 15 et 55 cas. Cet état de fait est encore plus remarquable au niveau des feux de marché. Sur 136 feux de marché en 2011, les 112 ont une origine électrique. En 2012 et 2013, les ratios sont successivement de 125/148 et 138/159 cas.

 Quant aux pertes liées aux marchés partis en fumée, elles sont estimées à 10 milliards entre 1992 et 2013. 

Ces chiffres corroborent facilement les résultats d’une étude de PROQUELEC faite en 2012. Dans cette enquête, l’organisation révèle que les marchés et centres commerciaux présentent 31% d’installations très dangereuses, pour 55% jugés à risque. Au finish, 14% uniquement d’installations sont sûrs. Et si les résultats sont tels, c’est que les enquêteurs ont associé les marchés et les centres commerciaux, précise-t-on. Sinon, si les marchés étaient mis à part, on aurait droit à des résultats catastrophiques.

C’est dire donc que l’électricité au Sénégal a un versant sinistre à la fois humain et financier. Or, en dépit de tous ces risques dans les marchés, les sapeurs-pompiers ne disposent pas de moyens pour combattre les incendies. «Tout le monde sait que l’eau est l’ennemie de l’électricité. Mais faute de poudre extincteurs, les sapeurs utilisent de l’eau. C’est pourquoi il est difficile de maîtriser les incendies dans les marchés ; surtout s'y ajoute la question de l’accès», constate impuissant M. Fall.

La contrefaçon,  source potentielle de court-circuit ou d’explosion

Toutefois, le danger ne vient pas seulement des installations. Le matériel y a aussi sa part de responsabilité. La contrefaçon, beaucoup utilisée par les Sénégalais, constitue en effet une source potentielle de court-circuit ou d’explosion. En effet, après un certain temps de branchement, ces outils peuvent se consumer. C’est ce qui explique que des matériels de bureau non débranchés après le travail finissent par prendre feu dans la nuit. Le problème est que les usagers, non initiés, ne peuvent pas différencier l’original et la copie, sans compter le choix pour les prix abordables. «Si on vous vend certains produits à un prix très bas, vous devez savoir que c’est volé ou contrefait», sensibilisait M. Dione.

Le non-respect des normes, source de tous les dangers

En outre, de cette même étude susmentionnée, on apprend que seulement 7% des installations répondent aux normes. Une situation qui ne s’est pas améliorée depuis, concède l’actuel directeur El Hadji Malick Diallo. L’organisation avait axé alors son travail sur deux axes : les branchements dans les logements et ceux dans les établissements recevant du public. Concernant les établissements recevant du public, seuls 21% du total des établissements disposent d’installations électriques sûres.

Les 63% autres présentent des risques, alors que les 16% sont jugées très dangereuses. Le directeur de Proquelec à l’époque Adiouma Dione, aujourd’hui décédé et à qui hommage a été rendu hier, avait expliqué ce jour-là que les installations présentant des risques sont celles dont les propriétaires ont fait des efforts pour être conformes un tant soit peu avec les normes. Cependant, les équipements sont soit incomplets, soit inefficaces. 

Ce qui lui fait dire que cette partie intermédiaire dénommée ‘’à risque’’ devrait être normalement dans la zone dangereuse. Ce qui aboutirait à un taux d’anormalité de 79%. Un risque assez élevé pour ces lieux et qu’il n’avait pas manqué de souligner. ''On s’attendait quand même à un taux d’installations sûres plus élevé. Pour des établissements recevant du public, c’est inquiétant'', interpelle-t-il. Quant aux installations très dangereuses, il s’agit de celles ne comportant ni de prise de terre, ni de prise avec obturateur, c'est-à-dire des couvertures permettant d’éviter la possibilité d’introduction volontaire ou non d’un objet aigu dans la prise. 

Par ailleurs, ce qui est valable dans les marchés et autres centres commerciaux l’est aussi dans les structures de santé. La révélation peut paraître surprenante, mais la réalité est que les structures de santé aux Sénégal ont des installations électriques de très mauvaise qualité, y compris les grands hôpitaux comme l’hôpital Principal et Fann. En regardant les statistiques, on s’aperçoit qu’il n’y a que 13% des hôpitaux du Sénégal qui ont des installations électriques sûres. 

Au même moment, 13% autres sont jugées à risque, contre un taux de 74% d’installations reconnues comme étant très dangereuses. Il en est de même des cliniques et laboratoires (8% d’installations sûres), dispensaires et centres de santé (5% risquées et 95% très dangereuses). Sur cette question précisément, c’est Guédiawaye qui emporte la palme de la non-conformité, avec 0% des installations répondant aux normes. M. Diallo a fait savoir hier que la circonscription périurbaine est une zone préoccupante. Car, dans certains endroits, il n’existe même pas d’installations intérieures dans les maisons. «Les gens tirent sur 1000 m. vous pouvez avoir des fils nus à même le sol», souligne-t-il.

93% des logements très dangereux

À l’image des établissements à concentration humaine, les logements présentent aussi énormément de risque. C’est d’ailleurs là où le niveau de conformité est plus faible. Selon une autre étude faite par PROQUELEC en 2004 sur les logements, les Sénégalais sont très dangereusement branchés à l’électricité. Seuls 7% des installations dans les logements sur le territoire national sont jugés sûrs. Les 16% sont jugés à risque. Quant aux 77% restants, ils sont très dangereux. Si l’on fait le cumul entre ce qui présente des risques (qui est dangereux en réalité) et ce qui est jugé très dangereux, on arrive à un total de 93% d’installations très dangereuses pour les logements. 

Cependant, cette étude révèle quelques disparités liées à différents facteurs comme l’âge, le niveau d’étude et le titre. Pour ce qui est de l’âge, les enquêteurs ont constaté que les jeunes de moins de 25 ans vivent dans des endroits où les installations sont moins sûres (presque 0%). Paradoxalement, quand on leur demandait leur avis sur leur sécurité, il disait à 73% qu’il n’y avait aucun problème. Ils sont suivis des personnes comprises entre 25 ans et 45 ans et enfin de ceux qui ont plus de 46 ans.

Le niveau d’étude révèle également la même chose. Plus les interviewés ont fait des études avancées, plus leurs installations présentent des niveaux acceptables de sécurité. Le titre aussi présente les mêmes caractéristiques. Car, alors que le niveau de sécurité est de 10% chez les propriétaires, il n’est que 4% pour les locataires. Ce qui laisse penser à une certaine légèreté dans l’installation quand la maison est destinée à la location. 

Si les installations sont d’aussi mauvaise qualité, c’est qu’aussi très souvent, les installateurs ne sont pas qualifiés. Le directeur de PROQUELEC affirme que des actions de formation sont régulièrement posées en collaboration avec les municipalités et la Chambre des métiers. Pour ce qui est de ces vieilles installations, M. Diallo reconnaît qu’il sera difficile de les mettre aux normes. Ce qui n’empêche pas qu’on puisse les mettre en sécurité. Et il compte s’appuyer beaucoup sur cette méthode pour amoindrir les risques.

Le décret fantôme

Hier, à l’occasion de l’Assemblée générale de la FISUEL, le secrétaire permanent à l’énergie El Hadji Mamadou Moussa Thiam a annoncé qu’un nouveau décret va sortir, rendant obligatoire le contrôle de toute installation électrique avant la mise sous tension. «Il faudra d’abord présenter un quitus de vérification délivré par un organisme agréé par l’Etat», précise-t-il tout en promettant pour bientôt la sortie du décret. Pourtant ce décret est loin d’être une nouveauté. Ses débuts remontent en 1995. Depuis lors, les ministres de l’Énergie passent et le décret reste dans les tiroirs. 4 000 artisans électriciens ont été formés pour relever le défit. 

Cependant, seul l’ancien Premier ministre Aguibou Soumaré a fait des critiques de forme aux initiateurs. Les autres l’ont passé sous silence, déplorait l’ancien directeur de PROQUELEC, Adiouma Dione. En fait, son blocage s’explique par le fait que les associations de consommateurs ne sont pas disposées à ce que les usagers supportent les coûts de la vérification. Ils sont d’accord pour le contrôle, à condition que les coûts de l’accès ne soient pas augmentés. Il faudra donc attendre pour voir si ce décret qui a déjà traversé trois régimes différents résistera ou non à cette nouvelle annonce.

BABACAR WILLANE

 

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