Ablaye Cissokho, enraciné et ouvert
Venu à EnQuête présenter son 8e et dernier album, le koriste Ablaye Cissokho, très connu du milieu musical traditionnel et jazz, particulièrement à Saint-Louis, s'est confié sur son enracinement et son ouverture. Mais aussi sur sa mission, en tant que dépositaire d’un patrimoine instrumental qui, malheureusement, se perd.
Descendant de l’inventeur de la kora, instrument dont est dépositaire sa famille, Ablaye Cissokho présente actuellement son 8e album aux Sénégalais. ‘’Mes racines’’, déjà sorti en Europe, compte 11 titres qui traitent de sujets identitaires et sociaux chers à l’artiste. Dans ‘’Champion’’, par exemple, Ablaye Cissokho exprime la mélancolie d’un enfant handicapé ; dans ‘’Nanfoulé’’, celle d’une épouse mise à l’écart par sa famille… Dans ses chansons, il aborde également la notion de conciliation indispensable à l’harmonie d’une famille (‘’Koro’’) ou encore la bravoure des combattants d’antan (‘’Thiaroye 44’’).
Bref, ‘’Mes racines’’ est un album équilibré, fruit de 3 à 4 ans de travail de la part de son auteur qui a su s’entourer des meilleurs dans son processus d’écriture et de composition. ‘’Quand on parle de ses racines, il ne faut pas prendre le risque de s’aventurer tout seul. C’est votre entourage qui vous aide à trouver votre vraie vision artistique, grâce à ses apports en termes de philosophie, de musique, d’art et autres… Car c’est lui qui fait de toi ce que tu es’’, explique-t-il.
Enraciné, donc, Ablaye Cissokho n’en est pas moins ouvert. Un fait dont témoignent les nombreuses collaborations transversales qu’il a eu à faire avec d’autres formations musicales. Aussi à l’aise dans le blues, le classique, le jazz que le traditionnel plus ‘’folklorique’’, Ablaye Cissokho est depuis toujours un artiste prêt à tenter de nouvelles expériences qui, selon lui, ‘’ne diluent en rien son assise traditionnelle’’.
‘’La tradition est un outil, de la même manière que l’est un instrument. S’il y a un certain public à qui je peux faire découvrir la kora, en jouant du Jazz ou du classique, qu’est-ce qui m’empêche de le faire ? La musique est une seule langue, peu importe le genre musical, car elle sert à transmettre sa voix, que ce soit en solo ou en conversation, par le biais d’un ensemble auquel on apporte quelque chose qui nous est propre’’, affirme le koriste.
''Donner aux jeunes la possibilité d’apprendre la kora''
S’il considère ainsi la musique comme universelle, Ablaye Cissokho estime néanmoins qu’il est, quelque part, le ‘’gardien d’une histoire’’… Cette histoire est celle de son instrument, la kora. Il envisage en effet de mettre en place, avec l’aide de partenaires, deux classes de kora à Saint-Louis, ville où il a fait sa vie et où il se sent ‘’chez lui’’. Ces classes, animées par des volontaires, permettraient aux maîtres de transmettre un savoir-faire qui se perd, selon l’artiste.
‘’Il est essentiel que nos aînés transmettent la pratique et l’histoire des instruments traditionnels aux plus jeunes. C’est leur devoir car le Sénégal est immense en termes de musique et on a déjà vu des instruments disparaître parce que leurs gardiens n’étaient pas ouverts à la transmission. Moi, je veux donner aux jeunes la possibilité d’apprendre’’, professe Ablaye Cissokho,.
Pour la promotion de l’album ‘’Mes racines’’, il se prépare à une tournée européenne et africaine, cet été, avec des dates en France, au Portugal, en Espagne, en Afrique subsaharienne et, également, à travers le réseau sénégambien. ‘’Kano Mbifé’’ (NDLR : les yeux de l’amour) est le premier single de l’artiste et a d’ores et déjà fait l’objet d’un clip sur Youtube.
Sophiane Bengeloun