La lettre incendiaire du Fite à Emmanuel Macron
S’il a trouvé du travail au président de la République du Sénégal avant même la fin de son second mandat, le président français a fâché une bonne partie de l’opposition sénégalaise qui l’accuse d’ingérence dans la politique intérieure du Sénégal, à la veille de l’élection présidentielle.
Macky Sall qu’a décrit Emmanuel Macron le 10 novembre 2023 au Forum de Paris sur la paix, n’est pas celui que disent côtoyer ses opposants politiques depuis mars 2021. Regroupés au sein du Front pour l’inclusivité et la transparence des élections (Fite), des partis politiques, mouvements citoyens et politiques du Sénégal ont décidé de le faire savoir au président de la République française.
Dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, la plateforme fustige la nomination de Macky Sall comme envoyé spécial et président du Comité de suivi du Pacte de Paris pour la planète et les peuples (4P). Le tout en la considérant, ‘’à la veille d’une élection présidentielle aussi déterminante pour l’avenir du Sénégal (…) comme une caution pour la poursuite de la gouvernance par la terreur, aux fins de baliser le chemin au profit de son candidat Amadou Ba’’.
Il y a deux semaines, le président Macron a annoncé l’arrivée du président Macky Sall au niveau du Comité de mise en œuvre du Pacte de Paris pour la planète et les peuples (4P) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme envoyé spécial, à partir de janvier prochain. Ce faisant, Emmanuel Macron a salué le ‘’courage’’ du président sénégalais, ‘’son engagement et l’exemplarité qu’il porte sur le continent africain’’. Selon lui, Macky Sall ‘’a décidé que la démocratie s'exerçait comme elle doit s’exercer et qu’il y aurait des compétiteurs (à l’élection présidentielle 2024, NDLR), qu’ils sont multiples. Je crois pouvoir le dire ! Il n’y a pas de fatalité. C’est des hommes d’État et d’engagement. Ils protègent leur pays des troubles et des vicissitudes du moment’’.
Le Fite accuse Emmanuel Macron d’ingérence dans la politique intérieure du Sénégal
En s’exprimant de la sorte, des organisations politiques et mouvements citoyens sénégalais conduits par des candidats déclarés à la Présidentielle estiment que le locataire de l’Élysée a profité de l’occasion pour ‘’s’immiscer malencontreusement dans la politique intérieure du Sénégal, par un déferlement d’éloges’’ sur un président sortant qui soutient un candidat. D’autant plus que, retient la note du Fite, que la prudence de Paris ‘’devrait être de rigueur, dans la mesure où l’idée selon laquelle Amadou Ba est le candidat de la France est très répandue dans l’opinion publique sénégalaise’’.
En termes de démocratie, les opposants estiment que le président français est loin du compte par rapport à l’exercice qu’en fait son homologue sénégalais. C’est pourquoi ils l’invitent à prendre connaissance ‘’du rapport de 2021 de la mission d’évaluation du processus électoral par un cabinet d’audit indépendant ; du rapport de 2022 de la mission de l’Union européenne de suivi électoral au Sénégal’’ ou encore du ‘’sombre tableau sur les droits humains au Sénégal décrit par le rapport du département d’État américain de 2023’’.
Le Fite estime également que ‘’le bilan de celui que vous reconnaissez pour un démocrate fait état de cent manifestants tués par balles, entre mars 2021 et juin 2023. Le rapport d'Amnesty International pour les années 2021-2022 a dénoncé l'État du Sénégal sous Macky Sall pour plusieurs violations des droits humains, notamment les détentions arbitraires de personnalités de l'opposition et de la société civile, la restriction de l'accès à l'Internet, la suspension de chaînes de télévision et le recours excessif à la force publique, entraînant de nombreuses victimes du côté de manifestants’’.
Plus de respect et de considération à l’égard du peuple sénégalais
À trois mois de la Présidentielle, les opposants dénoncent, dans la lettre à Emmanuel Macron, un président sortant qui ‘’continue de manière systématique à persécuter l'opposition, en faisant interdire ses rassemblements par les forces de l’ordre’’. En même temps, ajoutent-ils, ‘’il procède de façon arbitraire au blocage de la campagne de collecte des parrainages des candidats de l’opposition’’, au moment où ‘’le candidat à l'élection présidentielle de sa coalition politique parcourt allègrement le pays, en utilisant les ressources et les moyens logistiques de l'État’’.
En plus de ce qu’il considère comme une ingérence dans la vie politique du Sénégal, le Fite assure avoir été ‘’touché dans (sa) dignité’’, qu’un président en exercice soit nommé à de nouvelles fonctions sans le consentement de son peuple. ‘’Quand bien même, il devrait commencer l’exercice de cette fonction à la fin de son mandat de chef de l’État, le respect et la considération à l’égard du peuple sénégalais devaient vous inviter à plus de retenue’’, déplorent ces opposants.
Lamine Diouf