Une ‘’œuvre d’art’’ ratée
L’ouverture officielle de la 10e édition du Salon national des arts visuels, hier, n’était pas des meilleures. Du retard a été accusé. Le président de la République, annoncé, n’a finalement visité que l’exposition principale à la Galerie nationale. La mobilisation était loin d’être impressionnante, tant dans la qualité que dans la quantité.
Tout semblait fin prêt pour recevoir, hier matin, le président de la République Macky Sall, au Grand Théâtre de Dakar, à l’occasion de l’ouverture officielle du Salon national des arts visuels. Le protocole et le service de sécurité étaient là. C’était l’effervescence des grands jours. La célébration en valait la peine, car ayant un sens double.
Hier, en effet, marquait la relance de cet évènement, après huit ans. Il marquait également sa sixième session et devait donc constituer un tournant considérable. L’on ne saurait être péremptoire et dire que ça ne le sera pas totalement, mais il est clair qu’au moins un coche a été manqué. Il était prévu que le chef de l’Etat préside l’ouverture officielle. Mais, finalement, il n’est pas venu. Il a juste assisté au vernissage de l’exposition principale que reçoit, jusqu’au 20 novembre, la Galerie nationale et dont l’artiste Viyé Diba assure le commissariat. Macky Sall était attendu après au Grand Théâtre pour donner un cachet solennel à cette ouverture officielle.
Son discours était même prêt et a été finalement lu par le ministre de la Culture. Sur ce point, un effort de réactualisation aurait dû, au moins, être fait. A défaut, le Mc aurait dû dire à l’auditoire toute ouïe que le ministre allait lire le discours du président. Encore que cela n’excuse pas l’énonciation, dans les salutations d’usage, du titre de Mimi Touré. Il était également possible de changer certains passages du discours. Dont celui-ci : ‘’Il y a quelques jours, j’étais à Paris pour participer à la commémoration des 70 ans de Présence africaine. Ce matin, nous nous retrouvons encore autour de l’art et de la culture. Expression même de la créativité et du génie humains, l’art est une offrande, j’allais dire le signe évident d’une humanité capable de se réconcilier avec elle-même. Voilà pourquoi, c’est toujours avec un plaisir immense que je me retrouve là où l’art et la culture sont célébrés’’. Qui renseigne que ce discours n’était d'Abdoulaye Diop qui baigne quotidiennement dans ce milieu. Il y en a beaucoup d’autres qu’on pourrait aisément reprendre ici.
Grand théâtre vide, faillite des organisateurs
Concernant la non venue du président Sall, d’après les organisateurs, par la voix du maitre de cérémonie, il n’est pas venu, parce qu’il a passé plus de temps que prévu à la Galerie nationale pour échanger avec les artistes. Ce qui a eu des conséquences sur son agenda. L’on a alors envie de se demander à quoi sert le protocole du président ? N’est-ce pas à lui de prévoir ce genre de chose ? Ou alors, plus simplement, demandons-nous si c’est réellement à cause d’un empiètement sur son emploi du temps que le président n’est pas venu ? Cette dernière interrogation a ici tout son sens.
Il était annoncé que la mise en place des invités à l’ouverture officielle devrait se terminer à 9 h 30 et que la cérémonie commencerait normalement à 10 h. Mais, à 11 h, la grande salle du Grand Théâtre n’était pas remplie au 1/3. C’est à ce moment d’ailleurs que les premières annonces, qui semblaient n’être que des rumeurs, de la non venue de Macky Sall ont commencé à fuser. Plus les minutes s’écoulaient, plus l’information se précisait pour s’avérer à 12 h 21, quand le ministre de la Culture est entré seul dans la salle.
Faut-il en vouloir au président Sall ? Non ! Les organisateurs ont failli. Pour une cérémonie si solennelle, la salle était presque vide. C’est vers 11 h 15 mn que du ‘’public’’ est arrivé. Il fallait voir cela. On avait l’impression d’être dans un meeting avec du transfert de militants. Il y a eu de la véritable ‘’mobilisation Ndiaga Ndiaye’’. Ils seraient des élèves, des artistes peintres ou autres, on n’aurait rien eu à redire. Mais, le ‘’public’ a semblé n’en avoir rien à faire. Des dames pour le plus grand nombre, certaines sont venues habillées de la même manière que des ‘’merou mbotay’’.
D’autres sont venues avec leurs bébés qui babillaient ou pleuraient, perturbant la cérémonie. Mais, cela n’a semblé nullement déranger leurs mamans. Démontrant à suffisance qu’elles n’avaient pas conscience de l’importance du moment. Il n’y a pas qu’elles, d’ailleurs. Celles avec qui elles étaient semblaient n’avoir rien compris. L’une d’entre elles s’amusait à filmer les passages des artistes qu’elle visualisait aussitôt après, sans écouteurs, dérangeant les journalistes qui étaient à côté.
Programmation artistique désastreuse
Parlant des prestations d’artistes, intéressons-nous à la programmation artistique. La première partie a été d’un niveau désespérant. Un groupe d’’’assiko’’ de Dakar-Plateau a presté. Sur la quinzaine de membres de la bande, la moitié donnait l’air d’aller au stade pour un match de navétanes. Ils étaient en short et… sandales. Que dire de ces joueurs de ‘’bongo’’ qui étaient là à nous tympaniser avec ‘’Ana awo yi’’ ou pire encore ‘’Celibataire mbaam xuux’’. C’était assez déplaisant quand même d’entendre ce genre de chose lors de manifestations de ce genre. L’on aurait pu largement se contenter de l’animation de l’Ensemble lyrique traditionnel, de Yela de Samba Seck et de Bideew bu bess.
Cette organisation chaotique, certains l’avaient prédite. Ils sont des artistes ou des acteurs culturels et n’ont jamais cru qu’un salon digne de ce nom pourrait être organisé en un mois. Cependant, il faut noter que la volonté ne manquait pas et que le plus important était sans nul doute de relancer ce salon. C’est fait. La prochaine édition devrait être mieux organisée, normalement.
10e SALON NATIONAL DES ARTS VISUELS ‘’L’art sénégalais, voire africain, est un art dynamique’’ Le 10e Salon national des arts visuels s’est ouvert hier à Dakar. Il se poursuivra jusqu’au 20 novembre. Un programme intéressant est proposé, dans ce cadre. Il est pensé qu’un évènement annuel, en attendant la Biennale des arts de Dakar, serait important. Dans ce cadre s’est inscrit le Salon national des arts. Il a débuté sous le magistère d’Abdou Diouf. Quelques éditions ont été organisées avant que l’évènement ne disparaisse de l’agenda culturel. Il est relancé en 2002 par Abdoulaye Wade. Il sera régulièrement organisé jusqu’au début des années 2010. Il est à nouveau dépoussiéré par Macky Sall, après une absence de huit ans. Le thème général de ce salon est ‘’Art et questions nationales : la place de l’artiste dans le Pse’’. ‘’Le Pse est, en effet, le cadre qui oriente notre idéal d’émergence dont le cœur est d’abord le capital humain. C’est par la création artistique, entre autres, que l’Homme construit et donne un sens à son existence’’, lit-on dans le discours initial du président Macky Sall prononcé finalement par le ministre de la Culture. Il considère que ‘’l’art sénégalais, voire africain, est un art dynamique’’. Il trouve qu’il est ‘’enraciné dans notre univers pluriel, dans nos contingences, mais aussi nos désirs et nos soucis au quotidien’’. Le Salon national des arts 2019 coïncide avec la 6e édition. Il est organisé dans ce cadre une exposition principale ‘’Seetu ou miroir’’ qu’accueille la Galerie nationale. Elle a été d’ailleurs ouverte hier par le président de la République Macky Sall. Les œuvres qui y trônent ont été minutieusement choisies par un jury présidé par le conservateur du Musée d’art africain Theodore Monod, El Hadj Malick Ndiaye. Le premier prix, doté d’une enveloppe de 10 millions et d’une bourse d’études, est remporté par le talentueux Abdoulaye Kâ. ‘’Le jury a noté la complexité conceptuelle de l’artiste, malgré la simplicité du rendu. Sur le plan technique, l’artiste a fait un savant collage de codes-barres avec une épie monochrome remarquable qui met davantage en valeur les détails intitulés ’Sentinelle’. Dans l’ordonnancement de ses lignes et chiffres, il obtient, par endroits, des saturations horizontales qui donnent de nouvelles valeurs topographiques à l’univers (…). La thématique annoncée par l’artiste nous projette dans une autre dimension du digitale sous l’angle marchand et au cours des enjeux actuels de la marchandisation du monde. Plus qu’un constat, le cumul de ces codes-barres nous questionnent sur notre monde et les véritables rapports de pouvoir dans la géopolitique globalisante’’, a expliqué M. Ndiaye à propos de l’œuvre ayant gagné le premier prix. Le deuxième prix est allé à Alioune Bâ. Il est choisi parce que, selon El Hadji Malick Ndiaye, ‘’il a produit une œuvre qui explore avec brio une problématique fondamentale de notre actualité et atteste de son sens judicieux de la matière. Il utilise des tuyaux, des pneus en fer et de pneus pour mettre en situation un appareil respiratoire principal d’un être humain sur masque anti-pollution. Intitulée ‘Pollution’. L’installation est combinée à une vidéo réalisée avec un sens graphique certain. Nous avons la terre en partage. Notre planète, malgré le possessif commun, ne nous appartient pas. Nous avons une responsabilité face aux générations à venir. C’est pourquoi le développement industrielle, l’industrie pétrolière et gazière ne doivent pas nous faire oublier la préservation de la planète et de nos conditions de vie’’. Abdoulaye Bâ est rentré avec un chèque de 5 millions et une bourse d’études. Un prix d’encouragement doté d’un million a également été remis à Papa Samba Ndiaye pour son œuvre intitulée ‘’La robotisation’’. L’approche technique de cet artiste est appréciée par le jury. ‘’L’artiste a créé un univers très singulier et tout en volume qui renvoie à nos urbanités. Avec des bouts de pneus, il rassemble un puzzle fascinant avec une main architecturale avérée’’, s’émerveille El Hadj Malick Ndiaye. Il faut noter que les trois artistes distingués viennent tous des régions et non de Dakar. La jeune génération a sa place dans ce rendez-vous important. Une exposition leur est dédiée et un prix est décerné dans ce cadre. Il est gagné par Moustapha Lèye pour son œuvre ‘’Mboolo, foule’’. ‘’L’artiste a reproduit une multitude de figures humaines en une sorte de procession vers un but ultime qui se confond avec l’horizon. Cette œuvre appelle la quête commune, l’effort partagé (…)’’, selon M. Ndiaye. En outre, de manière générale, le jury avait défini des critères de sélection. Il recherchait de l’originalité dans la démarche artistique, de l’innovation au regard de ce qui se fait dans le secteur des arts visuels, enfin de la pertinence dans la proposition conceptuelle et technique. A côté de ces deux expositions, il est organisé une en hommage aux artistes disparus, ‘’Fataliku’’, au musée Théodore Monod. Le brillant et affable Kalidou Kassé en est le commissaire. Dans le programme, figure une série de conférences-débats qui se tiendront les 14 et 15 novembre au Musée des civilisations noires sur le thème ‘’L’évolution de la création artistique au Sénégal depuis l’indépendance’’. |
BIGUE BOB