Quand Facebook agite le débat
Des sacs à main pour femmes sont arborés par les hommes et c’est l’ébullition sur les réseaux sociaux, Facebook notamment. Des images partagées à vitesse exponentielle y circulent, montrant des hommes avec l’accessoire très prisé des femmes. Suffisant pour charrier un lot de commentaires acerbes. Et des méprises.
Parmi les tenants du conspirationnisme qui pensent que le réseau social de Mark Zuckerberg est à l’origine du Printemps arabe, les Sénégalais qui y adhèrent vont avoir un peu d’eau à apporter à leur moulin. ‘‘Un agenda homosexuel mondial est en œuvre et il faut tout faire pour en préserver la société sénégalaise, estiment les posts les plus modérés sur Facebook. Fantasme du net ou réalité rampante, les post d’internautes ont tout de suite pris une teneur 'sexuée'. Le fameux hashtag #bringbackourgirls initié lors du rapt des lycéennes de Chibok au Nigeria a été singé sur Facebook en #bringbackourbrothersandmen (Ramenez-nous nos frères et hommes).
En compagnie d’autres mots de ralliement informatique comme #DeugRek ; #KoumouNekhoulNak YaKHam #Neu Gooré etc., qui fleurissent de partout. Ces hashtags se succèdent et rivalisent d’ingéniosité, parfois de malice, pour qualifier les derniers développements de l’actualité...vestimentaire.
Les habillements efféminés des jeunes garçons ou des hommes font rage sur la toile, Facebook notamment. C'est sur ce fameux réseau social qu'est né puis s'est propagé ce débat, qui y a toujours cours d'ailleurs. La citation du philosophe indien Jiddu Krishnamurti placarde un des post d’Al Amine Sy. ‘‘Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale d'être bien adapté à une société malade’’, reprend-il pour expliquer que le consensus LGBT qui se fabrique à travers le monde, et qui prend ses marques au Sénégal, ne justifie aucunement que le pays légalise cette pratique. Autre post à lire sur #deugrek, une citation du champion américain des droits civiques, Martin Luther King. ‘‘N’ayez jamais peur de faire ce qui est juste, surtout si le bien-être d’une personne ou d’un animal est en jeu. Les punitions de la société sont faibles comparées aux blessures que nous infligeons à notre âme quand nous détournons notre regard’’. Quant au post de l’étudiante S. Anta Ndiaye, une femme tient une affichette avec une parodie de hashtag sur laquelle on lit : #Rendez-nous nos sacs, nos ballerines, nos bagues, nos bijoux et nos colliers.
Les artistes du mouvement hip-hop s’y mettent également. Le nouveau titre du rappeur Simon est bien à propos. ‘‘Sacs yi’’ s’insurge contre cette tendance pédéraste qui se fait jour chez certains Sénégalais épris de mode. Après 11 heures de post sur Facebook, la vidéo a enregistré 784 vues et 497 partages. Moins connu du public, l’artiste-musicien Flexy Jily s’est adressé directement à ses fans sur sa page Facebook par vidéo. Avec force références à Sodome et Gomorrhe, il exhorte, sans le nommer, Wally Ballago Seck à devenir un modèle plus exemplaire pour ses nombreux jeunes admirateurs.
‘‘Ils voulaient juste faire le buzz’’
Le fils de Thione Seck a-t-il mauvaise influence sur ses suiveurs, les jeunes fans surtout ? Après son mode vestimentaire décrié par une partie de l’opinion, son sac pour femme qu’il arbore fièrement dans son dernier clip (Stay) finit d’aimanter toutes sortes de vitupérations à son encontre. Et comme une traînée de poudre, la ‘‘tendance’’ s’est vite dupliquée avec l’animateur de la Sen Tv, Aba, qui s’est toutefois vite rétracté après la volée de bois vert des commentaires sur les sites web. Mais les plus malchanceux de cette ‘suspicion féminine’ sont certainement les quatre quidams qui avaient porté les sacs de leurs épouses dans un fol accès de badinerie, lors d’une cérémonie. Un post qui fait fureur sur la toile et attise les commentaires plus ou moins enflammés.
Le hashtag revanchard #Maa_Waaxoone_Wakhaate de Fifi Sambou met en lumière les dérives qui accompagnent parfois des dénonciations injustifiées. ‘‘Les commentateurs, commentez ! Vous voyez hein, ces sacs appartenaient bien à leurs épouses. Nitt dafay rafete ndiorte waay, ish (Il faut penser en bien)’’, déclare-t-elle sur sa page Facebook, ravie que la suite des événements lui ait donné raison sur les commentaires assassins qui ont accompagné ce post. ‘‘Buzz la niou beugonne rek’’, (Ndlr : ils voulaient juste faire le buzz) renchérit Saliou Seck. Contexte défavorable pour les personnes sur cette image, la pression de la société sénégalaise se renforce pour le rejet sans équivoque de l’homosexualité.
Dans la matinée d’avant-hier mardi, le ‘‘Collectif non à l’homosexualité’’ exigeait la démission du ministre de la justice Me Sidiki Kaba après la sortie apologétique de ce dernier pour des individus qui auraient pris part à un mariage homo à Kaolack. Le même jour, l’avocat Me El Hadji Diouf dénonçait un cul-de-sac légal dans lequel se trouvait le pays à cause d’un manque de législation univoque sur la question de l’homosexualité. En tout cas, en prenant le parti d’assumer ouvertement ses tendances métrosexuelles, Wally Seck et ses suiveurs ont peut-être ouvert un...sac à Pandore.
OUSMANE LAYE DIOP