ABC, le sens d'une rupture
Finalement, Me Alioune Badara Cissé, ci-devant coordonnateur national de l'Alliance pour la République, a donc subi ses premières sanctions dans ce parti qu'il a grandement contribué à mettre sur pied, au plus fort de la guerre contre le régime d'Abdoulaye Wade. Du reste, à l'intérieur d'une formation politique qui a su adroitement capitaliser, dans un contexte historique particulier, les misères infligées à son chef par les séides d'un système décadent, il n'était pas facile de liquider du premier coup un militant comme ABC, alors que le pouvoir naissant de Macky Sall cherchait ses repères.
Des misères, cet homme sympathique à l'ego compliqué, sûr de lui et de ses compétences, super adroit dans l'expression et la défense de ses idées, en a pourtant déversées sur le président de la République jusqu'à en fragiliser l'autorité auprès des militants et responsables Apr, ainsi que dans l'opinion. Dans ce bras de fer insolite, Macky Sall jouait sa crédibilité en tant chef d'un parti au pouvoir.
En ne faisant ou en ne disant rien qui fût considéré comme le marqueur d'une ligne rouge à ne pas franchir, il préparait l'Apr à de plus grandes contestations internes pour lesquelles ABC capterait les dividendes en tant que fédérateur. Mais le couperet de Sall a fini par s'abattre sur lui. C'est la fin d'un round d'observation qui n'a que trop duré !
Incertitudes
En même temps, s'ouvre une période d'incertitudes autour du «banni». Que va-t-il faire ? Mènera-t-il une bataille interne de légitimité qui s'appuierait sur des réseaux dormants en profondeur à l'intérieur de l'appareil Apr ? Où déposera-t-il ses baluchons ? Saura-t-il manager de manière réaliste ses ambitions évidentes pour l'exercice du pouvoir auquel il a pris goût depuis son poste de ministre des Affaires étrangères ? Car c'est à ce niveau-là, celui des ambitions, qu'il faut situer la rébellion permanente de Me Alioune Badara Cissé contre le système Macky.
Au-delà de l'idéal rabâché des politiciens à servir leur communauté, l'ex-coordonnateur est apparu depuis longtemps sous les traits d'un candidat chronique aux fonctions suprêmes et dont l'ascension ne saurait être freinée par l'arrivée de son chef à la présidence de la République. En attaquant sans cesse le président de l'Apr, les alliés de Benno Bokk Yaakaar et le modèle de gouvernance mis en œuvre, Me Cissé a obtenu ce qu'il cherchait : un début d'exclusion du parti en attendant la rupture finale.
Vizir manqué
Il se voyait en vizir de la République, clé de voûte d'une vraie gouvernance de rupture, il va devoir ferrailler dans une posture d'opposant, interne ou externe, au président de la République. Il se destinait à être le deus ex machina d'un nouveau chef de l’État qui ne lui paraissait pas bien préparé à l'exercice de ses fonctions, un gourou de taille XXXL par qui transiteraient tous les secrets d'Etat et de la nation, à l'instar du Préfet Guéant sous Sarkozy, il va être contraint, comme Sisyphe, de se remettre à l'ouvrage pour la cause de sa bonne étoile. Autant de raisons qui expliqueraient que Alioune Badara Cissé ne puisse pas, dorénavant, porter les ambitions d'autres que les siennes. C'est tout le sens de cette rupture avec Macky Sall.
PAR MOMAR DIENG