Vérité des urnes ou putsch !
Le ballottage incertain dans lequel se trouve le président de la République sortant condamné à affronter un de ses anciens «apprentis» dans un duel à mort, préoccupe trop visiblement les «stratèges» du Palais. La nervosité, mauvaise conseillère, a déjà conduit à un sur-activisme médiatique qui renseigne sur l'état d'esprit de Me Wade et de ses conseillers après le premier tour de l'élection présidentielle du 26 février. Il y a en effet de quoi avoir peur, au regard de la configuration politique qui s'annonce si un second tour de scrutin devait s'imposer définitivement. Entre la logorrhée médiatique qui a conduit le porte-parole de la présidence à soutenir dimanche nuit qu'il détient par devers lui des résultats gagnants pour Me Wade au premier tour, l'annonce d'une conférence de presse pour le lendemain, l'annulation de ladite rencontre avec les journalistes, et enfin cette «déclaration» absconse du chef de l'Etat hier à la Salle des Banquets, s'enchevêtrent mille et une raisons pour comprendre ce qui serait la stratégie gagnante du Palais. En cela, la vigilance s'impose.
En réalité, cette agitation est compréhensible car le candidat Abdoulaye Wade serait dans une situation impossible en cas de second tour face à Macky Sall. Il a quasiment épuisé son stock de suffrages. On ignore encore ce que sera son score final du premier tour, mais on voit bien que la configuration des forces a réellement changé. Macky Sall a plus de marge de manœuvres du fait justement qu'il peut, plus facilement que Wade, récolter les voix des candidats malheureux au premier tour de la présidentielle. On voit mal Idrissa Seck qui a plusieurs fois répété qu'il soutiendrait le candidat de l'opposition le mieux placé, revenir sur cet engagement majeur pour se ranger derrière Wade, quels que puissent être les enjeux politiques. On ne voit pas non plus Moustapha Niasse, arrivé troisième, négocier, sous quelques formes que ce soit, avec le candidat du Sopi, pour on ne sait d'ailleurs quoi. Niasse semble plutôt motivé à solder ses comptes, dix ans après, avec Me Abdoulaye Wade.
Mais quels que soient les chances et les calculs des uns et des autres, il faut savoir que Me Abdoulaye Wade, toute bête blessée qu'il est, assurément affaibli, reste potentiellement dangereux. Il détient des leviers de l'Etat, mais aussi et surtout d'importants moyens financiers qui lui donnent encore une marge de manœuvre... sonnante et trébuchante, dans un pays où l'argent est devenu roi. Traumatisé par ses résultats, le Président Wade engagera sans doute un baroud d'honneur avec toute la détermination nécessaire. Opposant pendant un quart de siècle, il s'est forgé une ténacité au niveau du tempérament qui en fait un bien redoutable adversaire politique. N'a-t-on pas l'habitude de dire qu'une bête blessée est encore plus dangereuse, surtout lorsqu'elle ne voit aucune issue claire après avoir régné pendant de longues années sur un territoire supposé...conquis ? Un homme à surveiller.