Publié le 14 Mar 2014 - 13:20
PRÉLÈVEMENTS DE LA CIMENTERIE DANGOTE DE POUT

 Des menaces sur l’approvisionnement en eau de Dakar 

 

Nous évoquions dans une contribution précédente la menace sur les ressources en eaux des Niayes constituée par la mise en œuvre du projet de cimenterie de la société Dangote en attirant l’attention de l’opinion et des autorités  sur les impacts quantitatifs et qualitatifs des prélèvements d’eau projetés, résultants du choix d’une technologie de centrale électrique à charbon utilisant un système de refroidissement à eau.

Le directeur général de la SDE fait état, dans une déclaration reprise dans  «La Tribune» du 21 février 2014, d’un déficit actuel dans l’approvisionnement en eau de Dakar de  14.000 m3 d’eau qui, si rien n’est fait, passera à 35.000 m3 par jour en 2017 et à 150.000 m3 par  jour à l’horizon 2025.

Cette augmentation quasi exponentielle du déficit nous amène à nous interroger sur l’impact des prélèvements d’eau de la cimenterie Dangote sur ce déficit compte tenu des contraintes imposées sur les prélèvements d’eau dans le secteur de Pout.

Il convient de rappeler que les nappes souterraines du secteur de Pout qui contribuent de manière importante à l’alimentation en eau de l’agglomération dakaroise, sont en surexploitation. Cette situation justifie les  restrictions  imposées par l’Etat à la SDE  notamment l’interdiction d’extension du réseau de captage.

Cette mesure a été prise suite aux conclusions de  l’étude réalisée en 2002 par  le Groupement COWI (Belgique)-Polyconsult  (Sénégal) dans le cadre  du Projet  Sectoriel  Eau.  Les simulations effectuées sur  l’évolution de la salinisation de la nappe maestrichtienne dans le Horst de Ndiass (dont fait partie le secteur de Pout), montraient qu’au rythme des prélèvement d’eau, à partir de 2035,  la salinisation  des eaux douces par  suite de la remontée des eaux saumâtres du maastrichtien inférieur  allaient rendre  les eaux impropres à la consommation humaine selon les normes de l’Organisation mondiale de la santé  qui fixent le taux maximum de chlorure de sodium à 250 mg/litre.

Il s’y ajoute qu’une étude plus récente réalisée en 2009 par le Bureau d’études allemand GKW-Consult sur financement de la Banque mondiale, a démontré que le déficit du bilan hydraulique de la nappe maastrichtienne était de -15,4 millions de mètres-cubes  par an en 2009.

Or, la centrale électrique à charbon de la cimenterie Dangote de Pout,  d’une puissance de 30 mégawatts utilisera, pour son  système de refroidissement par eau, plus 4500 m3 d’eau/jour prélevés par forages dans les nappes souterraines du secteur de Pout déjà très déficitaire  selon l’étude précitée. 

Ainsi, ces prélèvements augmenteraient à eux seuls de 10% le déficit de 2009, avec comme impact directs  d’une part, la baisse continue du niveau statique des nappes  et d’autre part, la remontée progressive de la nappe salée du maastrichtien inférieur, deux phénomènes qui, en se conjuguant, anéantiront de manière irréversible la disponibilité de l’eau douce dès lors qu’elle sera salinisée.

Selon le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, c’est ce déficit qui motive la décision d’implanter une unité de dessalement d’eau de mer de 50.000 m3 par an qui sera fonctionnel en 2016. Or, c’est connu, le dessalement d’eau de mer est un procédé très énergivore (3,5 kWh par m3) qui immanquablement va renchérir le prix de l’eau au Sénégal.

C’est pourquoi, au-delà de nos interrogations précédentes relatives sur les conditions d’approbation de l’évaluation environnementale et de délivrance des autorisations  d’implantation des  forages, nous interpellons les autorités administratives et locales, les élus locaux ainsi que la société civile sur l’importance  de faire respecter par tous les acteurs du secteur productif les prescriptions en vigueur sur la gestion durable de nos ressources en eau  souterraine, notamment celles découlant des études de 2002 et 2009.

La question est de savoir s’il est normal et juste de faire payer à la communauté les impacts aussi lourds et négatifs les ressources en eau pour les populations locales et l’approvisionnement de Dakar,  dus simplement au fait qu’un industriel, en l’occurrence la société  Dangote, a délibérément choisi une technologie  moins coûteuse en investissement (refroidissement par eau) au détriment du système  de refroidissement par air, certes plus chère, mais plus adaptée au contexte du projet.

La réponse est assurément non pour tous ceux qui sont conscients des enjeux de développement durable et soucieux de l’intérêt général et de la préservation de la cohésion sociale.

Ibrahima DIAW

* Ingénieur géologue environnementaliste

Directeur général de Harmony Group

 

 

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