Publié le 14 Jul 2016 - 17:51
PROJECTION FILM

 ‘’Yoolé’’ ou le sacrifice des jeunes

 

L’institut supérieur des arts et des cultures (Isac) a reçu hier Moussa Sène Absa. Le cinéaste y présentait son documentaire ‘’Yoolé’’ (sacrifice). Un film qui revient sur l’émigration clandestine.

 

Discours d’Abdoulaye Wade au cours d’un meeting. Les images sont en noir et blanc. Ainsi commence le film ‘’Yoolé’’ (le sacrifice) réalisé par Moussa Sène Absa et projeté hier à l’institut supérieur des arts et des cultures (Isac). L’ex-Président sénégalais promettait monts et merveilles à des jeunes enthousiastes et pleins d’espoir. Un espoir brisé et qui se voit sur divers visages de jeunes dans le tableau suivant. Regards lointains et tristes, mines dépitées ils donnent l’air d’être aux bords du gouffre. Ils le sont en réalité.

Ces jeunes qui se sont sentis ‘’trahis’’ par les politiciens, ont voulu braver la mer pour chercher une vie meilleure en Espagne. Quitte à mourir en route. ‘’Barça ou Barsax’’, disaient-ils, sans une once de regret ou de peur. Car ils étaient dans une situation ‘’de désespoir et de désespérance’’ comme l’explique devant la caméra le psychologue Serigne Mor Mbaye. C’est ce que vivait la douzaine de personnes échouées aux larges de la Barbade. A cette époque, le réalisateur s’était exilé dans ladite ville. Informé de la situation, il est parti sur le bateau les voir. ‘’Ils étaient entrecroisés. Tous étaient morts depuis longtemps. En effet, la pirogue dans laquelle ils avaient embarqué avait quitté le Sénégal en décembre et n’a été découverte qu’en avril. En s’approchant de là où ils étaient, une odeur pestilentielle s’en dégageait’’, se rappelle l’auteur du film. Et en leur sein, il a retrouvé une lettre dans laquelle étaient notés les noms de tous ceux qui étaient dans cette embarcation, leurs contacts et des messages adressés à leurs familles. Des mots émouvants dont le réalisateur a essayé de faire le ramassis dans son film, avec ses propres mots.

Le ‘’Barsa ou Barsax’’ est consécutif à son avis à une mauvaise politique des gouvernants sénégalais de la seconde alternance. Cela va des licences de pêche accordées à des chalutiers étrangers qui rendent pauvres les fonds marins sénégalais à cause des filets qu’ils utilisent. La pêche n’étant plus bonne, les jeunes sont obligés de se tourner vers d’autres choses ou … d’autres horizons. Au moment où les Sénégalais souffrent, est érigé le monument de la Renaissance. Beaucoup d’argent y est investi et Wade y fait même une visite malgré les récriminations des populations. Les jeunes pensent ne pouvoir trouver leur salut qu’en Europe. Les flux migratoires se multiplient autant que les disparitions en haute mer. Seulement, aussi pénibles qu’aient pu être les voyages, tous n’y ont pas péri. Certains ont réussi à entrer en Espagne. Promesse leur a été faite de les laisser dans le pays. Mais il n’en était rien.

 On les a embarqués en faisant croire à certains d’entre eux qu’ils allaient à Madrid, à d’autres à Malaga et au reste à Barcelone. Tous ont atterri à l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Le choc fut terrible pour tous. Des victimes qui ont témoigné dans ‘’Yoolé’’ en gardent encore les stigmates. A travers leurs discours et leurs visages filmés en gros plan, on les sent habités par cet épisode de leur vie. Ce qui fait dire à Moussa Sène Absa qu’ils devaient être suivis par des psychologues. Car ce qu’ils ont vécu est ‘’cruel’’.

Quelques années après ces drames et la réalisation de ce film, les choses n’ont pas beaucoup changé. Parce que dit-il, la société sénégalaise ne sait pas sanctionner. Alors qu’une ‘’société qui n’a pas de sanctions n’est pas viable. Ici, on voit les détourneurs de deniers publics qui roulent en 8/8 alors que les populations souffrent. Cette société est malade de ses leaders, ses intellectuels etc.’’, estime le cinéaste et réalisateur.

‘’Pourquoi les télévisions n’ont pas diffusé Yoolé’’

Après la diffusion de son documentaire intitulé ‘’Yoolé’’, hier à l’institut supérieur des arts et de la culture (Isac), Moussa Sène Absa a donné les raisons de son absence sur les chaînes nationales. ‘’Ce film est le meilleur des films que j’ai eu à réaliser. J’y ai beaucoup donné émotionnellement. Je buvais un litre de rhum par jour pour tenir devant cette histoire de folie’’, a-t-il informé. Après sa réalisation, il l’a donné gratuitement à des chaînes de télévision sénégalaises. Mais le film n’a jamais été diffusé. Ce que regrette son réalisateur qui comprend tout de même pourquoi il en est ainsi.

‘’Les images en noir et blanc dans le film (ndlr meeting d’Abdoulaye Wade) montrent ceux qui applaudissaient hier Wade et qui sont aujourd’hui au pouvoir (ndlr on y voit le Président Macky Sall et l’ancien ministre Abdoulaye Baldé). Entre 2012 et aujourd’hui, les choses n’ont pas changé. Rien n’a changé. Moi, je ne fais pas de la politique. Je ne suis ni avec Wade, ni avec Macky. Je suis avec le peuple’’, dit-il. Donc, même si Wade n’est plus là, lui n’a toujours pas l’espoir de voir les choses aller mieux. ‘’Ce n’est pas avec cette classe politique que je vois que les choses vont changer’’, s’est-il désolé.

BIGUE BOB

Section: 
CONTRÔLE DES TERRITOIRES, TRAFICS, DÉCISIONS ÉTATIQUES, CHANGEMENT CLIMATIQUE… : Ces facteurs de standardisation des peuples nomades
JOURNÉE DE L’ENFANT AFRICAIN : À Kolda, les enfants appellent au respect effectif de leurs droits
PROJET MUSLAB - MÉMOIRE VIVE : La valorisation du patrimoine sénégalais
60 ans Sorano
ASSISES NATIONALES DES MÉDIAS : Les grandes lignes du rapport final
ASSISES DES MÉDIAS AU SÉNÉGAL : Un tournant incertain pour une presse en crise
14ᵉ ANNIVERSAIRE DE Y EN A MARRE : Afrikki pour finir en beauté
SODAV : Un bilan encourageant, des défis à relever
RAPPORT ANNUEL SODAV 2024 : Des résultats en hausse malgré des défis financiers à maîtriser
Édito Commun : Face au monstre, des concertations en trompe-l’œil ?
INDUSTRIES CULTURELLES ET CRÉATIVES : Cinq projets révélés, cinq talents célébrés
KOLDA - LUTTE CONTRE LA PRATIQUE DE L’EXCISION : Les populations situées le long de la frontière ciblées
CRISE ENTRE ISRAËL ET LA PALESTINE : L'appel au calme lancé par l'ambassadeur Yuval Waks
LETTRE OUVERTE À SON EXCELLENCE MONSIEUR, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET À MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE : L'Etat va-t-il continuer à rester impassible face à la situation catastrophique de la presse sénégalaise ?
CTD Diamant Noir : Une plume intelligente au service du rap
GACIRAH DIAGNE, PRÉSIDENTE ASSOCIATION KAAY FECC, DIRECTRICE ARTISTIQUE FESTIVAL KAAY FECC : “Le secteur de la danse a besoin d'un changement concret, d’un nouveau départ”
SAINT-LOUIS : Le souffle du jazz fait vibrer la ville dès la première soirée
FESTIVAL INTERNATIONAL DE JAZZ : La cité de Ndar, capitale mondiale du jazz
DROIT D’AUTEUR ET STREAMING : Des pays de l’UEMOA tracent leur voie
FESTIVAL ITINÉRANT DES CINÉMAS AFRICAINS DE CATALOGNE Des acteurs culturels appellent à la réouverture des salles de Ndar