Publié le 7 Aug 2014 - 12:04
A PROPOS DE « DOSSIERS » CLASSES « SANS SUITE »

Le Président Sall se pose en maître des poursuites

 

Après la grosse boulette du ministre Mbagnick Ndiaye relative aux pouvoirs de nomination qui seraient ceux de la première Dame, c’est au tour du chef de l’Etat lui-même de poursuivre la série dans Jeuneafrique.com. Macky Sall y reconnaît en effet avoir la haute main sur les poursuites judiciaires à l’encontre d’opposants à son régime.

 

Pour le Président Macky Sall, « le nombre de choses qu’il n’y a pas lieu de dire augmente chaque jour ». Merci Gide !

A la faveur du premier Sommet Etats-Unis/Afrique qui vient de s’achever à Washington, le président de la République du Sénégal s’est livré, avec une intensité médiatique qui lui est si peu habituelle, à plusieurs interviews accordées à de grands médias occidentaux et africains. Il s’est confié tour à tour, et pas forcément dans l’ordre, au site Jeuneafrique.com, à la Voix de l’Amérique (VOA), et à Radio France Internationale (RFI). Entre les dossiers africains et internationaux, et l’actualité sénégalaise, Macky Sall a eu le temps de s’épancher, notamment sur des sujets qui lui tiendraient à cœur comme la « dynastie Faye-Sall ». A cet égard, rien de spécial à signaler car le chef de l’Etat s’est défendu avec des arguments classiques…

C’est sur le registre des institutions et de son rapport à la conduite des dossiers judiciaires que le président de la République s’est visiblement trahi. Et là, c’est un homme inquiétant qui a parlé. A propos de la traque des biens mal acquis, il a lâché : « il n'y a pas d'acharnement, sur qui que ce soit. Vous seriez surpris par le nombre de dossiers auxquels je n'ai pas donné suite. » Pour un Président qui a construit une part de son image de leader réformateur autour du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs, une telle affirmation paraît sortir d’un trou de lapsus, mais on peut en douter. Dans ce pays qui bruit d’affaires judiciaires mettant en selle une pléiade de responsables politiques appartenant en gros au Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade, un tel aveu peut relever d’une volonté de puissance que Sall lui-même estimerait assise et irréversible.

Sous cet angle, cet aveu serait un appel du pied à des leaders politiques déjà carbonisés par leurs états de services sous l’ancien régime et que l’on croit encore capables de massifier les rangs d’un parti présidentiel qui manque trop d’épaisseur. Et là, d’une façon ou d’une autre, le chef de l’Etat montre ainsi qu’il ne se privera pas de favoriser la poursuite de la transhumance politique en faveur de son camp. Sous un autre angle, ce serait du grand bluff mais avec toujours le même objectif qui consiste à appâter les déchets politiciens en vadrouille sur le marché…

Dans le brouhaha du procès de Karim Wade et de ses co-accusés, cette déclaration du Président Macky Sall est d’une gravité extrême, contre lui-même d’abord. Contre les institutions de la République ensuite. Contre la stabilité du pays en fin de compte. Sans s’en rendre compte ou en toute connaissance de cause, le chef de l’Etat donne du grain à moudre à ceux, nombreux, qui ont définitivement acquis le sentiment que c’est lui qui, en son palais et derrière son air flegmatique, jouerait le rôle du véritable maître des poursuites contre des adversaires réels ou potentiels. Si l’ex-ministre Awa Ndiaye est plus libre que le vent aujourd’hui après ses performances hors normes contre les intérêts du pays, il ne sied pas qu’une certaine catégorie de politiciens indélicats puisse raisonnablement faire l’objet de menaces.

MOMAR DIENG

 

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