Publié le 12 Jun 2025 - 14:34
PUBLICATION DES RAPPORTS D’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE

Diomaye et Sonko font pire que Sall

 

La non-publication des rapports d’exécution budgétaire constitue une vraie préoccupation pour certains acteurs de la société civile et autres militants de la bonne gouvernance. Ceci est d’autant plus préoccupant et paradoxal qu’il intervient sous un régime qui a fait de la transparence son cheval de bataille, n’hésitant pas à compromettre sérieusement la signature du Sénégal sous ce prétexte. Décryptage avec le coordonnateur du Forum civil Birahime Seck.

 

L’on ne sait plus à quel Diomaye ou Sonko se fier. Un jour, ils sont les chantres de la transparence budgétaire et de la reddition des comptes. Un autre, ils gardent le silence sur des violations manifestes de la réglementation en vigueur en matière de bonne gouvernance budgétaire. Pire, il y a des acquis que certaines pratiques du nouveau régime tendent dangereusement à compromettre. Il en est ainsi de la publication à date des rapports d’exécution budgétaire. Une tradition qui vient d’être rompue par le régime du duo au pouvoir.

Interpellé, le coordonnateur du Forum civil, Birahime Seck, regrette ce qu’il considère comme un net recul. Le gouvernement, selon lui, n’aurait jamais dû attendre que le débat prenne cette ampleur. ‘’Le retard dans la publication desdits rapports et le silence du gouvernement ne s’accordent pas avec l’offre de gouvernance prônée par les tenants du pouvoir. Cette situation accroît les soupçons, écorne la redevabilité et affaiblit la politique de bonne gouvernance’’, a-t-il dénoncé.

Sans être des modèles en matière de transparence budgétaire, le régime du président Sall avait au moins réussi à institutionnaliser les publications en ce qui concerne ces rapports. En 2023 - dernière année d’exercice - presque tous les rapports ont été publiés dans des délais relativement ‘’normaux’’.

Les rapports des premier, deuxième et troisième trimestres ont, en effet, été publiés respectivement aux mois de mai, août et novembre. Seul le rapport du quatrième trimestre, qui en principe devait être publié au mois de février 2024, a été publié avec un peu de retard. Il l’a été vers avril-mai 2024, précise une source sous le couvert de l’anonymat. Mais, s’empresse-t-elle d’ajouter : l’Administration pouvait néanmoins invoquer le contexte électoral pour justifier ce retard de deux mois environ.  Hormis cette exception, la publication se faisait globalement dans le respect du délai de 45 jours après la fin de chaque trimestre.     

Il faut noter que ce rendez-vous trimestriel offrait un minimum de transparence sur l’utilisation des ressources publiques. Leur non-publication constitue donc une grande inquiétude pour nombre de militants de la transparence. Birahime Seck : ‘’Nous sommes dans une situation de trouble de redevabilité budgétaire et financière, dans un contexte où le gouvernement tente d’appliquer à d’autres le principe de la reddition des comptes. Le gouvernement doit écouter les citoyens et publier les rapports exigés.’’  

Le plus inquiétant, selon M. Seck, c’est que cela ne semble préoccuper que les citoyens et les chercheurs. Le coordinateur du Forum civil interpelle aussi les députés. ‘’Il s’agit d’une responsabilité partagée entre le gouvernement et le Parlement. En plus du contrôle juridictionnel, l’article 70 (de la loi organique relative aux lois de finances) renforce le contrôle parlementaire, le contrôle citoyen et la redevabilité. Malheureusement, à ce stade, seul le citoyen semble faire son travail en exigeant son droit à l’information’’, s’étonne-t-il devant le silence des parlementaires.  

Pourtant, la réglementation est claire : ces rapports doivent être rendus publics tous les trois mois, dans un délai de 45 jours après la fin de chaque trimestre. Or, plusieurs mois se sont écoulés sans la moindre publication ni explication officielle. D’où l’indignation de plusieurs acteurs de la société civile qui somment le gouvernement de donner l’exemple en respectant ce principe essentiel de bonne gouvernance.  

Revenant sur les textes qui encadrent cette publication, le coordonnateur du FC rappelle que l’obligation de rendre publics les rapports d’exécution du budget est une exigence de la loi.

En effet, indique-t-il, aux termes de l’article 70 alinéa 2 de la loi n°2020-07, ‘’sans préjudice des pouvoirs généraux de contrôle de l’Assemblée nationale, la Commission chargée des finances veille, au cours de la gestion annuelle, à la bonne exécution des lois de finances. À cette fin, le gouvernement transmet trimestriellement à l’Assemblée nationale, à titre d’information, des rapports d’exécution du budget. Ces rapports sont mis à la disposition du public’’. Une exigence législative inspirée, précise l’expert, par l’article 74 de la directive n°06/2009/CM/UEMOA portant lois de finances au sein de l’UEMOA.

Il convient, cependant, de noter que cette inertie dans la publication des rapports ne date pas d’aujourd’hui. Sous Macky Sall, le phénomène était aussi souvent dénoncé. D’ailleurs, cela a contribué à l’ahurissement de l’opinion à chaque fois qu’un rapport d’une institution de contrôle était publié. La nouveauté, c’est donc surtout par rapport à cet instrument portant sur l’exécution budgétaire.

À ce jour, plusieurs rapports dorment encore dans les tiroirs. Birahime Seck rappelle les exigences de son organisation dans sa déclaration du 25 mai 2025. Le Forum civil invitait, en effet, le gouvernement ‘’à publier les statistiques des marchés publics des quatre trimestres 2024 et du premier trimestre 2025, en plus des statistiques des trois trimestres (avril à décembre) de l’année 2022 et de celles de l’année 2023’’.

L’absence de publication des données financières est aussi constatée pour les rapports relatifs aux dépenses fiscales, qui ne sont plus publiés depuis 2021, martèle-t-il, avant d’ajouter : ‘’L’absence d’information est également constatée sur la destination des sommes empruntées au nom du peuple sénégalais.’’

Contactées, des sources proches du ministère des Finances reconnaissent qu’il y a eu effectivement quelques retards, mais dédramatisent. Selon notre interlocuteur, le rapport le rapport pour le quatrième  trimestre 2024 est déjà bouclé et il sera rendu public très bientôt. En ce qui concerne le rapport du premier trimestre 2025, il est en phase de finalisation. ‘’En vérité, il fallait simplement des mises à jour en fonction de ce qui a été dit par la Cour des comptes, ce qui est à l’origine de cette situation particulière. Mais très bientôt, les rapports seront disponibles », a précisé notre interlocuteur.

Par Mor Amar

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