Publié le 25 Jan 2020 - 01:40
REMISE DU RAPPORT SUR LA CODIFICATION DES DANSES AFRICAINES

Un pas de franchi 

 

L’école de danse The Dance Hall et l’Unité de recherche en ingénierie culturelle et en anthropologie (Urica) ont procédé, avant-hier, à la remise du rapport issu du Symposium sur la codification des danses africaines, au Centre de recherche de l’Afrique de l’Ouest (Warc). Ce rapport présente le premier acte sur la question de la préservation des danses traditionnelles sénégalaises et africaines.

 

Dégager des pistes à même de contribuer à la préservation et à la valorisation du patrimoine culturel immatériel que représentent les danses africaines, tout en leur permettant une ouverture au monde. Tel est l’objectif principal que se sont assigné l’école de danse The Dance Hall et l’Unité de recherche en ingénierie culturelle et en anthropologie (Urica).

En effet, au Sénégal, et généralement en Afrique, les populations connaissent et reconnaissent leurs danses. Mais si le legs de ces pratiques ancestrales s’approprie de génération en génération, c’est à travers un enseignement empirique. L’apprentissage des danses africaines se fait ainsi en fonction de la sensibilité de chaque danseur qui est, par ailleurs, autodidacte. Cette manière de transmission des danses en Afrique ne garantit pas la préservation de leur essence, selon l’initiatrice du Symposium sur la codification des danses africaines, Mariama Touré.

‘’Les possibilités fulgurantes de diffusion offertes par l’internet leur ont donné une visibilité croissante. De nos jours, dans toutes les grandes capitales du monde, l’on trouve des gens qui dispensent des ’cours de danses africaines’. Pourtant, ces danses, qu’elles soient traditionnelles ou modernes, ne répondent à aucun schéma officiel et/ou universel d’enseignement’’, a constaté la fondatrice de Dance Hall.

Madame Touré et ses collaborateurs estiment, à l’instar des danses classiques, contemporaines ou latines, qu’il faut codifier les danses africaines pour les enseigner et les valoriser de manière appropriée. ‘’Codifier une danse, c’est en définir les règles, les mouvements et spécificités ; c’est en établir les techniques de base. Autrement dit, codifier une danse, c’est l’écrire’’, ont-ils expliqué.  

Au-delà de cette problématique sociale, la transcription comprend aussi des enjeux pour l’économie, du fait que les écoles de danse sont de véritables entreprises, génératrices de richesses, selon les auteurs du rapport du Symposium international intitulé ‘’La codification des danses africaines : revues de l’art et perspectives de recherche’’. Pour eux, la non-transcription de ces danses pourrait conduire, plus tard, à une difficulté de démontrer leurs origines. ‘’Les étrangers qui viennent apprendre nos danses, d’une manière peu fidèle, vont rentrer chez eux, les enseigner là-bas et peut-être leur donner un autre nom. On n’a pas envie que demain, la question de l’origine se pose et que les gens aillent ailleurs pour apprendre le ‘sabar’, par exemple’’, craint Mme Touré.   

Début d’un long processus  

Le directeur de cabinet du ministère de la Culture et de la Communication, Demba Faye, représentant le ministre de la Culture Abdoulaye Diop, a reçu le rapport et salué l’initiative prise par ses chercheurs qui l’ont produit. ‘’L’enseignement que vous qualifiez d’oralité et d’instinctif a figé dans un aspect disparate peu réformant les variétés jamais harmonisées d’un patrimoine d’une richesse multiforme et immense. D’où le caractère inédit et l’importance de l’entreprise des éminents chercheurs que vous êtes’’, a-t-il magnifié.  Il a rassuré les initiateurs quant à la ‘’disposition du ministère à soutenir de telles initiatives à travers les fonds dédiés au développement de la culture’’.  

Danse Hall et Urica ont, à travers cette expérience, tenté de faire progresser la question de l’inventaire, de la codification et des techniques des danses africaines. Mais ils ont du pain sur la planche. Si leur initiative est salutaire, les défis restent nombreux : comment répertorier les danses existantes ? Comment décrire ‘’la mise par écrit’’ des danses africaines, si le terme ‘’codification’’ est estimé inapproprié ?... Moult interrogations auxquelles il faudra trouver des réponses. La prise en compte des recommandations qu’ils ont reçues pourrait leur permettre d’arriver à leur but. Et heureusement qu’ils le savent. ‘’Il ne s’agit pas, pour le moment, de codifier. Ce n’est que la première étape’’, a déclaré Mariama Touré.  ’’La codification est un très long processus. On n’a même pas un inventaire national des types de danse. Il faudra une volonté politique, d’abord, et des ressources. Parce que si on ne sait pas combien de types de danse nous avons, on ne saura pas comment faire’’, a estimé le directeur d’Urica, Ibrahima Touré.

Enseignement de la danse dans les universités ?

Sur un autre registre, le Symposium international sur ‘’La codification des danses africaines : revue de l’art et perspectives de recherche’’ a servi de pont entre les universitaires et les acteurs culturels. Car il a été recommandé de mettre sur pied une instance nationale de type académique qui, en collaboration ou en concertation avec les danseurs, chorégraphes et enseignants, validera la ‘’transcription’’.

C’est ainsi qu’avant-hier, l’idée selon laquelle la danse doit être enseignée dans les universités publiques sénégalaises, a germé lors de la cérémonie de remise du rapport issu du symposium sur la codification des danses africaines. ‘’Toutes les universités qui se respectent ont une structure qui enseigne la danse, la musique et tant d’autres activités culturelles. Nos universités doivent nécessairement souscrire à ces industries qui ont autant d’opportunités pour nos chercheurs. Et en plus de cela, il y a de nombreux talents dans ce pays qui sont dans divers domaines.  Et donc, il y a une nouvelle économie qui est laissée en rade, mais qui doit être développée, si nous ne voulons pas perdre ces talents-là et nos pratiques culturelles’’, a estimé Ibrahima Touré.

Un avis partagé par le directeur du Warc, Ousmane Sène. En parlant de l’utilité des tam-tams, ce dernier estime que leur utilisation relève de la science, comme tout instrument de musique. ‘’C’est des sciences, puisque le tam-tam peut envoyer des messages que seuls les initiés peuvent comprendre’’, dit-il. ‘’Quelqu’un comme feu Doudou Ndiaye Rose, s’il était proche des Etats-Unis, on en aurait fait un professeur à l’université. Malheureusement, chez nous, tant qu’on ne dit pas docteur, on pense que la personne ne mérite pas d’enseigner à l’université’’, regrette Ousmane Sène.

BABACAR SY SEYE (STAGIAIRE)

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