A Thiès, les acteurs jubilent
Les mesures d’assouplissement prises, hier, par les autorités pour ‘’déconfiner’’ le transport interurbain, ont été bien appréciées à Thiès par les acteurs qui réclament de ‘’fortes’’ mesures d’accompagnement pour réussir la reprise de leur activité.
MATAM - LEVEE D’INTERDICTION DU TRANSPORT INTERURBAIN La libération du sourire L’annonce de la levée de l’interdiction du transport interurbain était épiée par une très grande partie de la population de la région de Matam, tant le nombre de personnes bloquées sur place était important. Entre celles qui étaient venues pour des cérémonies familiales et d’autres qui cherchaient à fuir la rigueur de la canicule dans le Nord-Est, le soulagement est palpable sur les visages. Cependant, une minorité affiche son inquiétude et annonce une explosion de cas positifs dans la 11e région. La gare de Ourossogui, la ville-carrefour de la région, avait perdu son charme, avec la mesure interdisant les voyages interurbains. Les cris des maraudeurs et les bousculades des apprentis ont laissé la place aux ronronnements des quelques voitures qui assurent la desserte entre les petites villes. Ndiaga est un vieux ‘’coxeur’’ originaire de Richard Toll. Accroupi sous un hangar, un chapeau sur la tête, il n’attendait plus la levée des restrictions, mais il la désirait ardemment. ‘’Si le président avait retardé la fin de cette interdiction d’une semaine, on serait chassé de nos chambres.
On serait dans la rue pour quémander de quoi nous nourrir. On a souffert avec l’immobilisation des bus. Nous ne sommes ni chauffeurs ni apprentis, mais c’est de ces bus que nous tirons notre gain journalier’’, lâche-t-il dans un rictus laissant voir des dents colorées par une forte consommation de cigarettes. ‘’Avant la pandémie, je rentrais tous les soirs avec au minimum 3 000 F et parfois même, il m’arrivait de rentrer chez moi avec 10 000 F dans ma poche. Aujourd’hui, à moins que tu me donnes quelque chose, je n’ai rien à amener à ma famille et c’est ainsi depuis plus de deux mois.’’
Ce sexagénaire n’est pas plus malheureux que Khouma, un chauffeur de bus qui roule sur l’axe Dakar - Waoundé. ‘’Je suis un chômeur depuis quasiment trois mois. Je ne sais rien faire d’autre à part conduire. Quand on nous a interdit de nous déplacer entre les régions, j’ai garé le bus. Ce n’est pas le coronavirus qui m’a rendu misérable, mais ce sont les mesures impopulaires prises qui m’ont précipité dans la précarité. Chaque matin, je suis obligé de venir poiroter à la gare pour espérer qu’un chauffeur de ‘clando’ me laisse faire un aller-retour pour moins de 1 000 F. Que peut-on faire avec cette somme, pour quelqu’un qui a une femme et des enfants ? Pourquoi attendre le dimanche pour appliquer la mesure ? C’est tout de suite qu’il faut rendre effective la levée de l’interdiction. On est mort’’, balance-t-il.
La mesure restrictive du transport n’était pas seulement maudite par les personnes dont les activités gravitaient autour du transport, celles qui ne pouvaient plus se déplacer étaient au bord de l’explosion, à l’image de Siley Diallo, un jeune maitre tailleur venu à Thilogne pour l’enterrement de son grand frère et bloqué par l’entrée en vigueur de l’interdiction de déplacement interurbain. ‘’J’ai fermé mon atelier de tailleur à Dakar depuis bientôt 3 mois. Je veux retourner, mais je ne trouve pas le moyen. C’est difficile. Je ne fais rien de mes journées, à part prendre du thé dans les grand-places. La Tabaski se profile et il était temps d’ouvrir les frontières régionales. J’ai poussé un grand ouf de soulagement, en sachant que je peux retourner travailler’’, confie-t-il.
Inquiétudes
Le ministre de l’intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, va lever l’interdiction de transport interurbain le dimanche prochain. Une mesure incomprise par Hamady Wane, enseignant de son état. ‘’C’est un suicide, martèle-t-il. Comment peut-on alléger les restrictions, alors que le coronavirus continue de gagner du terrain ? Notre région était la dernière à résister à la Covid-19 et voilà qu’on nous annonce ce matin 3 cas communautaires. Au même moment, le président de la République veut libérer le transport interurbain. Où est la logique ? J’ai vraiment peur’’.
Abondant dans le même sens, Adjaratou, gérante d’un multiservice à Ourossogui, est catégorique : ‘’Si on lève cette mesure d’interdiction, on va tous mourir à Matam. Les gens de Dakar vont fuir le virus là-bas. Ils viendront par centaines nous contaminer. On n’a pas de structure sanitaire adéquate pour faire face à ce virus. Ce n’est pas trop tard pour revenir sur cette décision’’, conseille-t-elle.
Djibril Ba
|
GAUSTIN DIATTA (THIES)