Suite au tragique incident survenu à Ngaparou au cours d’une sortie du Kankourang, qui a vu le nommé Seyni Mané, portant le masque du Kankourang, y perdre la vie, la collectivité mandingue du département de Mbour affirme avoir déjà tiré la sonnette d’alarme. Lors d’une conférence de presse tenue ce lundi à son siège social, au quartier Diamaguène 1, son secrétaire général, Mamadou Aïdara Diop, a insisté : des risques liés à une organisation « non maîtrisée » de cette tradition avaient été signalés dès le mois de juin.

Le 3 juin 2025, rapporte M. Diop, un courrier officiel a été adressé au préfet, avec copies à la Présidence de la République, au Premier ministre, au ministère de l’Intérieur, au ministère de la Culture, au gouverneur de Thiès, au procureur et aux maires concernés. Dans ce document, rappelle-t-il, la collectivité mandingue alertait sur la prolifération anarchique des « leul » (cases d’initiation) et la banalisation de certaines pratiques jugées dangereuses, susceptibles de perturber l’ordre public.

Le Kankourang, élément culturel vieux de 121 ans à Mbour, reconnu patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO depuis 2008, s’est longtemps déroulé selon des rites et dans un cadre réglementé. « Depuis 1904, seuls deux cas de morts d’hommes ont été recensés. Ce qui prouve que notre expérience et notre encadrement ont permis de préserver la dimension culturelle, éducative et sociale du Kankourang », a rappelé Diop.

Selon lui, les violences survenues ces dernières années ne sont pas l’œuvre du Kankourang traditionnel de Mbour, mais résultent de manifestations mal encadrées, souvent dans des localités où cette tradition ne bénéficie pas d’un enracinement profond. Il appelle à l’implication systématique des sages de la communauté mandingue pour toute organisation du Kankourang en dehors de Mbour, afin de garantir le respect des valeurs, des rituels et des limites inhérentes à cette pratique.

Face à cette tragédie, la collectivité mandingue ne veut pas se limiter à la dénonciation. Elle annonce des démarches pour obtenir une loi spécifique de protection de ses pratiques culturelles. « Ce patrimoine fait partie de notre identité. Il mérite d’être respecté et encadré juridiquement », a plaidé M. Diop.

Au-delà de l’aspect culturel, il a souligné la portée économique de cet événement pour la ville de Mbour. « Le septembre mandingue attire chaque année des milliers de personnes venues de toutes les régions du Sénégal et de la diaspora. Il génère des retombées importantes pour l’économie locale », a-t-il rappelé.

Enfin, il a insisté sur l’esprit d’ouverture qui caractérise la communauté mandingue : « Nous partageons notre culture avec nos voisins, nos épouses, nos maris. Le Kankourang, ce n’est pas l’exclusion, c’est la transmission. »