2015, une année en demi-teinte
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L’an passé a été vécu entre douleur et jubilation. Avec l’affliction causée par la perte de gens aimés ou respectés dans le monde des arts et la réussite de certains compatriotes à l’étranger.
2015 a été une assez belle année pour la musique sénégalaise. Cheikh Ndigueul Lô a reçu le award de la world music expo (WOMEX). Un prestigieux prix que seuls de grands artistes au talent reconnus peuvent avoir. L’auteur de ‘’balbalou’’, l’album qui lui a valu cette distinction, a reçu son prix en octobre dernier à Budapest où se tenait une cérémonie à cet effet. Il a, ainsi, pu faire briller les couleurs du drapeau sénégalais à cette occasion.
A l’instar de Cheikh Lô, Faada Freddy a dignement aussi représenté le Sénégal à l’étranger. Même si son album ‘’gospel journey’’ n’est pas encore officiellement sorti au Sénégal, il lui vaut beaucoup de félicitations en Europe. D’ailleurs le journal ‘’Le Parisien’’ l’a plébiscité meilleur album international 2015. Et avec ce premier opus solo, le duettiste de Ndongo D a fait les plus grandes salles de la France et sera très bientôt au Zénith. Et au-delà de Freddy dont cet album est différent de son registre habituel le rap, ce genre a connu une année faste.
2015 est ce qu’on peut appeler une année pleine. Il y a eu beaucoup de sorties d’albums et de mixtapes. Et le plus intéressant est que des old school comme Kalif Undershif ont refait surface aux côtés de new school brillants comme PBS qui a gratifié les amoureux du hip-hop d’un très bon et bel album ‘’khatiim ak kalama’’. De jeunes talents ont aussi réussi à faire de grandes choses au cours de cette année comme Deep Dundu Guiss qui malgré sa jeune carrière a pu faire un concert de haute facture à Sorano. Alors qu’il y a quelques années, même les old school n’osaient pas se produire dans ces lieux et ceux qui en avaient le courage le faisaient rarement. Mais aujourd’hui, la nouvelle génération enclenche une nouvelle dynamique. Car il n’y a pas eu que Deep qui l’a osé et réussi en 2015, Elzo Jamdong aussi l’a fait.
Année macabre
Même si 2015 a été une année faste pour certains, elle a été assez douloureuse pour d’autres. Ils diront sans nul doute ciao, ciao 2015 avec plaisir. Bienvenue à 2016 en espérant qu’elle ne sera en aucune manière comme l’année qui vient de s’écouler pour eux. Des acteurs culturels espèrent sans nul doute que même si la faucheuse ne peut pas totalement les épargner qu’elle ne frappera pas comme elle l’a fait en 2015. En effet, ces 12 derniers mois ont été très douloureux pour les artistes. Une année macabre, lugubre et sinistre pour les artistes sénégalais.
En un temps record, la ‘’troupe’’ a vu beaucoup de ses ‘’soldats’’ tomber dans leurs rangs. Et ce ne sont pas que des ‘’première classe’’ ou encore des ‘’caporaux’’ qui sont tombés. Il y a eu plus de ‘’généraux’’ et de ‘’colonels’’ qui ont été touchés. Parmi ceux-ci le tambour major sénégalais Doudou Ndiaye Coumba Rose. Son départ est, entre autre, celui qui aura plus touché les Sénégalais. Non pas seulement à cause de la dimension de l’homme mais surtout aux circonstances de ce dernier. La veille de l’annonce de sa mort, beaucoup de Sénégalais l’ont vu dans les médias à l’enterrement d’un de ses amis et non moins ‘’général’’ du tam-tam, El hadji Vieux Sing Faye.
‘’Mbëj guewelou Ndakaru’’ est parti un matin du mois d’août passé. Venu l’accompagner dans sa dernière demeure l’un des plus grands ambassadeurs culturels du Sénégal Doudou Ndiaye faisait des témoignages sur son ami devant toutes les caméras de télévisions présentes. Et moins de 24h après cet évènement, est annoncé son décès. Ce qui a surpris plus d’un. A cela s’ajoute aussi le fait que quelques semaines avant, l’ambassade du Japon et celle des USA au Sénégal lui ont rendu un vibrant hommage en célébrant les 85 ans de l’homme. A cette occasion d’ailleurs, interrogé par EnQuête, il déclarait : ‘’que personne ne me rende hommage à ma mort’’. Il souhaitait juste qu’on lui dédie quelques versets du Coran.
Mais avant le rappel à Dieu de Doudou Ndiaye Coumba Rose, un grand nom du monde des arts plastiques avait tiré sa révérence. Il s’agit de l’homme aux doigts magiques, Pape Ibra Tall. Ancien directeur des manufactures des arts décoratifs de Thiès, il est décédé à l’âge de 82 ans des suites d’une courte maladie. Son collègue Amadou Sow n’a pas vu lui non plus 2015 finir. L’auteur du logo de la biennale de Dakar a rejoint Pape Ibra Tall et leur ‘’fils’’ Sidy Diallo qui a été lui aussi un des lauréats du dernier Dak’Art. Au moment où les Sénégalais pleuraient encore la mort brutale de Moussa Ngom. Le Sénégambien est passé de vie à trépas après un concert au Just for you. Son rappel à Dieu est aussi brutal que celui de Pacotille dont nul ne savait qu’il était malade.
2015, n’est pas une année qu’oublieront facilement les ténors de la musique sénégalaise. L’un des ‘’cinq majeurs’’ (ndlr Youssou Ndour, Thione Seck, Ismaïla Lô, Baaba Maal et Omar Pène), comme on les appelle, a été arrêté et écroué pour détention de fausses devises monétaires. Thione Balago Seck est d’ailleurs toujours dans les liens de la détention en attendant son jugement.
Une politique culturelle mal définie
Si ce n’est le partage du milliard du fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Fopica) entre 26 projets, le cinéma a connu des années bien meilleures que cette dernière. Même s’il a gagné quelques prix par ci et par là notamment avec ‘’mbeubeuss’’ de Nicolas Sawalo Cissé et ‘’sagar’’ de Pape Abdoulaye Seck. On espère que 2016 sera une année de belles sorties de films.
A noter aussi que c’est au cours de l’année écoulée qu’a repris le festival national des arts et des cultures (Fesnac) tenu cette fois-ci à Kaolack. Le ministère en charge de la culture a aussi organisé un festival dédié aux minorités. Hormis ces deux manifestations, la tutelle ne s’est presque pas signalée en 2015. C’est dire qu’elle semble ne pas avoir une politique culturelle bien définie. Sinon, elle n’est pas matérialisée.
BIGUE BOB