Wade, maître du jeu
Malgré son âge avancé, l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, a démontré au cours de l’année 2014 qu’il restait le maître incontesté du jeu politique au Sénégal.
2014 aura été très politique. Et l’un des acteurs qui aura marqué les esprits cette année, c’est sans conteste Abdoulaye Wade. Absent du pays pendant deux ans après sa défaite en 2012, l’ancien président de la République fera un retour triomphal. Plus qu’une retrouvaille avec ses militants, ce retour était ‘’hautement politique’’ pour le pape du Sopi qui entendait ‘’reconquérir le cœur’’ des Sénégalais. Mais le retard (provoqué ou pas) du vol qui devait transporter Wade aura tenu en haleine le pays durant 3 jours. Arrivé finalement à Dakar, le 23 avril 2014, le leader du PDS sera accueilli par une marée humaine. Malgré l’heure tardive, le prédécesseur de Macky Sall va s’offrir un bain de foule.
Wade en croisade contre les Sall
Dopé à bloc, Wade, en vieux briscard de la politique, s’en était pris à son successeur. ‘’Tout président intelligent doit savoir décoder le message de ce peuple. Sinon le réveil sera brutal", avait-il prévenu.
Très remonté contre Macky Sall qui ‘’s’est acharné sur ses anciens ministres et a mis Aïda Ndiongue, Ndèye Khady Guèye, Karim Wade et ses autres proches en prison’’, Wade compte ‘’mener le combat’’ personnellement. Car, dit-il, ‘’le problème de Macky Sall, c’est qu’il obéit au doigt et à l’œil à des personnes sans valeur, qui l’entourent et lui donnent de mauvais conseils". Ce combat, le secrétaire général du PDS va finalement l’engager plusieurs mois plus tard après une accalmie bien calculée.
Face à la presse, le 28 novembre dernier, le pape du Sopi soulève deux affaires brûlantes: Arcelor Mittal et Petro-Tim. Dans la première affaire, Wade accuse Macky Sall d’avoir fait subir au Sénégal un ‘’énorme préjudice’’ en acceptant, dit-il, d’empocher 75 milliards F CFA, à la place de 2 500 milliards F CFA qui étaient réclamés à Arcelor Mittal par le gouvernement sénégalais en guise de dommages et intérêts. Dans le dossier Petro-Tim, le pape du Sopi accuse le président de la République d’avoir ‘’injustement’’ cédé à son jeune frère 30% des actions de la société spécialisée dans l’exploration du pétrole. Qualifiant Aliou Sall de ‘’voleur’’, Wade a exigé la revalorisation des parts (10%) accordée à l’Etat du Sénégal.
La réplique du mis en cause n’a pas tardé. Par l’intermédiaire de ses avocats, Aliou Sall décide d’engager des poursuites judiciaires contre Wade, avant d’y renoncer. Pour autant, l’affaire n’est pas close. Du moins, si l’on en croit l’ancien président qui menace de porter plainte contre le régime de Macky Sall devant les juridictions françaises.
Autre événement qui aura marqué l’année, c’est le meeting du Front patriotique pour la défense de la République (FPDR) organisé le 21 novembre 2014. Interdite de manifestation à plusieurs reprises, l’opposition avait décidé, contre vents et marées, de tenir son rassemblement à la Place de l’Obélisque. Mais le pouvoir, avançant l’argument du sommet de la francophonie, avait d’abord opposé son refus avant de finir par autoriser la manifestation suite à la pression des organisations de défense des droits de l’Homme.
Les locales
2014, c’est aussi une année électorale. Les élections législatives du 29 juin 2014 auront cristallisé toutes les attentions à cause des enjeux politiques qu’impliquait l’acte 3 de la décentralisation. Si pour l’Etat, l’objectif de ces réformes est de mettre un terme aux ‘’inégalités qui existent entre zones urbaines et zones rurales’’, d’autres y ont plutôt vu une volonté de combattre de potentiels adversaires (Khalifa Sall, Idrissa Seck, Abdoulaye Baldé, Malick Gackou) à la prochaine présidentielle. A Grand Yoff, la campagne aura été très épique car, mettant aux prises le maire de Dakar et l’ex-Premier ministre. Tête de liste de la coalition Benno Bokk Yaakaar, Aminata Touré sera laminée par Khalifa Sall, tête de liste de Taxawu Dakar. Cette défaite lui a valu d’ailleurs son fauteuil. Limogée le 4 juillet, Mimi Touré sera remplacée par Mahammad Dionne.
A Podor, les résultats du scrutin avait fait l’objet de controverses. Déclarée vainqueur dans un premier temps, l’édile de Podor, Aïssata Tall Sall verra sa victoire remise en cause par le premier président de la Cour d’appel de Saint-Louis, Tayfour Diop, suite au recours en annulation introduit par le candidat de la coalition ‘’And liguéyeul Podor’’, Racine Sy. Les avocats de la responsable socialiste avait alors accusé le juge de ‘’corrompu’’. Après plusieurs jours de suspense, la Cour d’appel de Saint-Louis va trancher en faveur de l’homme d’affaires. Ce verdict sera contesté par Me Sall dont les conseils vont saisir la Cour suprême. Celle-ci infirme la décision de la Cour d’appel de Saint-Louis et remet l’avocate dans son fauteuil. Cet épisode judicaire va plus tard emporter le juge Tayfour Diouf, affecté à l’administration centrale du ministère de la Justice.
Par ailleurs, la majorité présidentielle aura été secouée par moments, du fait des divergences entre alliés. La dernière en date, c’est celle opposant l’Alliance pour la République et le Parti socialiste dont la démission de ses ministres est réclamée par certains responsables du parti au pouvoir. ‘’Il est temps d’achever les consultations, de poser des actes pour mettre en place la coalition Macky 2035. On ne peut pas travailler avec quelqu’un, participer à son bilan et se retrouver contre lui’’, avait déclaré Mahmout Saleh, directeur de cabinet politique du président de la République.
Réplique du secrétaire général du Ps, Ousmane Tanor Dieng : ’’Lorsqu’on crée un parti, c’est pour concourir à la gestion du pouvoir. Nous étions au pouvoir, nous l’avons perdu et nous nous préparons pour le reconquérir’’. Si la rupture entre ces deux alliés n’a jusque-là pas eu lieu, d’autres alliés ont préféré quitté la mouvance très tôt. C’est le cas de Moubarack Lo. Ancien directeur de cabinet adjoint du président Macky Sall, l’économiste a dû claquer les portes du… Palais pour, dit-il, ‘’manque de considération’’. Les mêmes raisons auraient expliqué aussi le départ de l’ancien directeur général de la FAO, Jacques Diouf, ancien ministre conseiller.
DAOUDA GBAYA