Guy Marius Sagna, le trublion qui bouscule le statu quo
Guy Marius Sagna, député sénégalais du parti Pastef, a récemment fait irruption sur la scène politique ouest-africaine avec une force et une ferveur qui ne laissent personne indifférent. Ses interventions au Parlement de la CEDEAO ont non seulement réveillé cette institution souvent critiquée pour son inertie, mais ont aussi braqué les projecteurs des médias sur cette arène politique jusque-là négligée. Si certains de ses détracteurs cherchent à le discréditer, d’autres le défendent ardemment, tandis qu'une troisième faction le remercie pour ses prises de position courageuses.
Depuis son entrée au Parlement de la CEDEAO en 2022, Guy Marius Sagna a insufflé un nouveau ton et une dynamique énergique. Ses interventions incisives et ses critiques acerbes envers certains dirigeants ouest-africains ont attiré l'attention des médias et des citoyens de la sous-région. Ses cibles principales incluent les présidents Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Patrice Talon du Bénin, Faure Gnassingbé du Togo et Mamady Doumbouya de la Guinée.
La polémique autour des diatribes de Sagna
Les discours de Guy Marius Sagna contre ces régimes ont provoqué un débat intense, aussi bien au sein du Parlement qu'en dehors. Sur les réseaux sociaux, les partisans et les opposants de la CEDEAO s'affrontent, exacerbant les tensions déjà existantes. Les critiques de Sagna à l'encontre du président Embaló de la Guinée-Bissau, qu'il accuse d’avoir perpétré un "coup d’État constitutionnel", sont particulièrement notables.
Selon M. Sagna, la dissolution de l'Assemblée nationale bissau-guinéenne par Embaló, seulement six mois après son installation, constitue une violation claire des dispositions constitutionnelles du pays.
Ces interventions ont souvent irrité ses collègues parlementaires. Par exemple, lors d'une séance, le 17 juillet 2024, il a attaqué les chefs d'État de la sous-région, accusant certains d'entre eux d'être responsables de "l'appauvrissement" de leurs pays. Cet échange houleux avec le député Traoré, qui l'a accusé de manquer de respect aux dirigeants, a conduit à la suspension temporaire de la séance.
Malgré ces tensions, M. Sagna a reçu le soutien de collègues sénégalais comme Abdoulaye Wilane, qui a rappelé aux parlementaires qu'ils représentent le peuple et non les chefs d’État.
Soutien et réactions
Les positions incisives de cet assistant social de profession ont également suscité des soutiens importants. Alioune Tine, fondateur d'Afrikajom Center, a exprimé son admiration pour le député, affirmant que Guy Marius Sagna "fait bouger les lignes à la CEDEAO".
Selon M. Tine, la CEDEAO, immobile depuis 50 ans, a besoin de s'adapter à un monde en mouvement et Sagna injecte un sens et un sang neuf dans l'institution. Le même jour, Seydi Gassama, un autre soutien influent, a souligné que les députés de la CEDEAO représentent les peuples de la communauté et doivent donc parler franchement des maux de la région. Son message sur X réitère l'importance de la mission des parlementaires de défendre les intérêts et les droits des peuples, plutôt que de se comporter comme des diplomates.
Les réactions de la société civile
Les organisations de la société civile togolaise ont également exprimé leur soutien à Guy Marius Sagna. Lors d’une session parlementaire, ces organisations ont salué le courage du député sénégalais, pour avoir dénoncé les dysfonctionnements de la CEDEAO. Ce soutien démontre l'influence croissante de M. Sagna et la reconnaissance de son engagement en faveur de la démocratie et des droits humains.
Créé en 1993, le Parlement de la CEDEAO a pour mission de représenter les intérêts des citoyens de la sous-région. Composé de 120 sièges, le Parlement peut se saisir de toute question intéressant la communauté, notamment en matière des Droits de l’homme, et faire des recommandations aux institutions et organes de la communauté. Les députés sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, mais des réformes sont en cours pour renforcer le mode de désignation des députés et accroître les compétences législatives du Parlement.
Les réformes nécessaires
Des réflexions sont en cours concernant le mode de désignation des députés de la CEDEAO. Si la réforme aboutit, les députés de la CEDEAO seront directement élus par les citoyens de la communauté. Selon de nombreux observateurs, cette démarche est nécessaire pour accroître l'influence de la CEDEAO, à l'instar de l'Union européenne où des élections se tiennent tous les cinq ans.
Pour rappel, le Parlement, dont le siège est fixé par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, comprend 120 sièges. Chacun des 16 États membres dispose d’un minimum de cinq sièges et les 40 sièges restants sont répartis au prorata de la population de chaque pays.
Toutefois, en cas de besoin, cette répartition des sièges peut être réexaminée par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement ou sur proposition du Parlement lui-même.
Concernant ses compétences, le Parlement de la CEDEAO peut se saisir de toute question intéressant la communauté, notamment en matière de respect des Droits de l’homme et des libertés fondamentales et faire des recommandations adressées aux institutions et organes de la communauté. Il peut également être saisi pour émettre des avis sur des questions touchant les affaires de la communauté. Les députés et leurs suppléants sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, par les citoyens des États membres.
Dans ce contexte de réforme, le Parlement et la Cour de justice de la CEDEAO pourraient voir leurs pouvoirs et leur marge de manœuvre renforcés. Il est important de noter que de nombreux citoyens s'intéressent à ces juridictions, particulièrement lors de procès politiques comme ceux opposant Ousmane Sonko à l'État du Sénégal ou Karim Wade.
Le parlementaire Guy Marius Sagna incarne un vent de changement au sein du Parlement de la CEDEAO. Ses prises de position courageuses et son engagement en faveur des droits humains et de la démocratie font de lui une figure emblématique. Si ses interventions divisent, elles ont au moins le mérite de susciter un débat essentiel sur le rôle et l'avenir de la CEDEAO dans une région en quête de stabilité et de progrès.
AMADOU CAMARA GUEYE