‘’Il n’y aura pas de dualité entre Mansour Sy et moi’’
Le Parti pour l’indépendance et du travail (PIT) vient de renouveler ses instances. A l’issue du dernier congrès, Samba Sy, qui était jusque-là le porte-parole, remplace Maguette Thiam à la tête du parti. Dans cet entretien accordé à EnQuête, le nouveau patron du PIT explique comment la nouvelle équipe qu’il dirige compte aborder son quinquennat. Il est aussi revenu sur certaines questions qui alimentent le débat national.
Vous venez d’être élu par vos camarades Secrétaire général du Parti de l’indépendance et du travail. Qu’est-ce qui a motivé votre candidature ?
Ma candidature a été en réalité décidée, voulue et imposée par les militants du Parti pour l’indépendance et du travail. Je suis ce candidat bizarre qui n’a pas battu campagne. Et qui n’avait pas dans son horizon de devenir le secrétaire général du parti. Je suis pourtant un militant de ce parti qui a cheminé dans cette organisation depuis plus de trois décennies. J’ai 35 ans de vie militante. Je crois que ce n’est pas peu. Mais je n’ai jamais envisagé de devenir le dirigeant principal du PIT.
A mon corps défendant, il y a un peu plus d’un an, des camarades de la direction sortante ont insisté pour me dire, au moment venu, de présenter ma candidature. Dans un premier temps, j’ai répondu que j’avais des réserves et que je pouvais aider dans le cadre d’un groupe. Mais je ne me voyais pas porteur du brassard de capitaine pour des raisons qui étaient multiples, à mes yeux. Ils n’ont pas cédé. Au fur et à mesure que les échéances se rapprochaient, ils sont devenus de plus en plus nombreux dans l’équipe sortante à me demander d’accepter. Les derniers à le faire sont les camarades de Rufisque. C’est comme ça que je suis devenu le Secrétaire général du PIT.
Quel bilan faites-vous du travail de l’ancienne équipe ?
Pour faire un bilan, il faut avoir des repères. Quels étaient nos objectifs fondamentaux en 2010 lors de l’avant-dernier congrès de Thiès. De ces assises, il est ressorti deux indications fortes. La première était de défaire le régime d’Abdoulaye Wade qui était au pouvoir à l’époque. La deuxième indication forte était de rassembler la gauche. Est-ce que Me Wade a été défait ? Oui ! Avons-nous été des acteurs majeurs de ce changement ? Je crois que oui ! Sans être forcément les plus nombreux, nous avons fait ce qu’il fallait pour créer la masse critique des Sénégalais déterminés à changer le cours des choses. Nous avons réussi à réaliser la deuxième alternance. Le PIT a dû payer un prix fort. Le second objectif que nous avions était de rassembler la gauche. Il existe aujourd’hui la Confédération pour la démocratie et le socialisme (CDS). Je pense que nous avons réussi à faire un certain nombre de choses. Tout n’a pas été fait. Mais ce bilan est satisfaisant. Et nous ne devons pas en avoir honte.
Qu’entendez-vous par payer un prix fort ?
J’entends par là que militer dans un parti tel que le nôtre, c’est opter pour des sacrifices, des privations, un ensemble de missions qui coûtent humainement. Ceux qui nous ont précédés dans le parti, dans la période de clandestinité, ont misé y compris leur liberté et leur vie. Certains présentent aujourd’hui des séquelles de ce militantisme engagé. Les gens qui ont un tel parcours méritent respect et considérations.
Quel regard portez-vous sur la situation actuelle du PIT ?
La situation actuelle de notre parti est très prometteuse. Nous avons fait un très grand Congrès. J’ai vu des jeunes déterminés, des femmes engagées, des anciens de notre parti dont le seuil d’engagement et la volonté d’agir pour la transformation sociale n’ont pas varié d’un iota depuis des décennies. Je rends hommage d’ailleurs au doyen Seydou Ndongo qui a 64 années de vie militante. Malgré son âge, quand vous le convoquez, il vient et ne rentre pas tant que la séance n’est pas terminée. En plus, il est à jour de ses cotisations. Nous avons donc des hommes et des femmes de foi et de conviction. Nous sommes persuadés qu’avec cette catégorie de Sénégalais que nous avons, il n’y a pas de raison que nous ne fassions pas la même chose.
En tant que nouveau secrétaire général du PIT, quel est votre agenda ?
Je n’ai pas un agenda personnel. Parce qu’être secrétaire général, c’est être porteur d’un brassard de capitaine. Mais un capitaine ne constitue pas tout seul une équipe. Si on est à la fois le capitaine, le seul joueur, le gardien de but et l’entraîneur, la mission devient impossible (rires). Je ne suis qu’un rouage dans une machine qui doit être performante. Notre agenda a été fixé par le dernier Congrès. Nous avons une résolution générale et des rapports d’orientations et de programmes. Nous voulons aussi que les richesses du pays soient partagées par toutes les filles et les fils du Sénégal afin qu’il n’y ait pas de Sénégalais de seconde zone. Que de toutes les contrées du pays, nous ayons accès à l’eau, à l’électricité et à l’éducation, à la santé, etc. Voilà le cap global que le Congrès a fixé.
Que comptez-vous faire pour relancer le PIT ?
Notre parti est attractif. Nous croyons et mettons en avant des valeurs, la liberté, l’indépendance nationale. Nous disons aux gens : si vous êtes respectueux de vous-mêmes, venez avec nous. Nous ne distribuons pas de riz ni de prébendes. Mais pour le labeur, pour le collectif et la transfromation sociale, le PIT est rempli de gens qui ont ces valeurs. A toutes ces personnes, nous leur tendons la main et nous leurs disons : organisons nous dans le PIT et les autres partis qui pensent comme notre parti pour que le pays aille de l’avant.
Quels sont vos chantiers prioritaires ?
En tant que groupe dirigeant, notre objectif est de renforcer le camp de notre parti pour le Sénégal. Nous avons envie d’un pays qui fasse partie des plus grandes Nations du monde. Mais pour réussir, c’est ensemble qu’il faut y travailler, en ayant une gestion plus droite de la cité, d’équité dans la répartition des ressources, le souci de la reddition des comptes. C’est ce qui explique notre présence dans la coalition Benno Bokk Yaakaar.
Parlant justement de cette coalition, comment jugez-vous votre compagnonnage avec Benno Bokk Yaakaar ?
Il n’est pas anodin que depuis 2012, nous soyons ensemble. Nous gardons nos identités remarquables et nous disons quelle part de chemin nous pouvons faire ensemble. Globalement, le président de la République fait montre d’un très grand respect avec ses partenaires. Tant qu’on est dans le chemin de la préservation de l’intérêt national, pour une gestion orthodoxe des deniers publics, pour la reddition des comptes… oui, nous pouvons aller de l’avant. Il va de soi que tout ne va pas dans le meilleur des mondes. Il y a encore des choses qu’il faut régler. Certains bruits ne sont pas toujours agréables à entendre. Parce qu’être avec les autres, c’est tenir compte de leurs présences et de leurs apports.
Est-ce que cela veut dire que vous allez procéder à une évaluation de ce compagnonnage ?
Nous l’avons fait à l’occasion du dernier Congrès. Nous allons rigoureusement évaluer ce compagnonnage à chacun des moments d’inflexion du parcours national. Qu’est-ce que nous voulions faire ? Qu’est-ce que nous avons réussi à faire jusque-là ? Est-ce que le bilan que nous avons réalisé ensemble autorise qu’on continue le chemin ? Cette évaluation, nous la faisons régulièrement et nous continuons à la faire.
Qu’avez-vous conclu ?
Pour l’instant, nous avons fait de grandes avancées ensemble et qu’il est possible d’aller de l’avant en nous surveillant de plus près les uns et les autres. Chacun doit se dire que ce qui nous unit est plus important que ce qui nous sépare. De ce point de vue, il ne faudrait pas qu’on demande l’impossible. Notre alliance requiert la synergie des intelligences, des forces. Nous sommes assez nombreux dans BBY à être imbus de cette exigence, c’est pourquoi notre alliance tient jusqu’à présent.
A l’issue du dernier Congrès, l’actuel ministre du Travail, Mansour Sy, a été aussi promu président du PIT. Et vous, vous êtes en même temps le Secrétaire général. Ne craignez-vous pas un bicéphalisme à la tête du parti ?
Les camarades ont décidé qu’il y ait un président du parti. Ce n’est pas nouveau. Mais c’est maintenant que nous venons d’intégrer formellement ce poste dans les statuts du parti. Lorsqu’Amath Dansokho a été élu au poste de Secrétaire général, celui qui l’a précédé, en l’occurrence Seydou Cissokho, a été élevé au rang de président du parti. Cette fois-ci, les camarades ont décidé de faire de Mansour Sy le président du parti. Mais ce dernier, lui-même, a bien expliqué lors de son allocution après son élection que la personne morale du PIT est le Secrétaire général. C’est celui qui occupe ce poste qui est porteur du brassard. Il n’y aura pas de dualité, ni de guerre de positionnement ou de poste. Il y aura plutôt des gens qui marchent en rangs sérés pour réaliser un objectif clairement circonscrit et déterminé. Parce que les statuts reconnaissent les attributions du Secrétaire général. Le président et les autres vont aider à aller de l’avant. Il n’y aura pas de dyarchie ou de bicéphalisme.
Quelle lecture faites-vous de la suspension de l’inspecteur des Impôts et des Domaines Ousmane Sonkho et le remplacement de Nafi Ngom Keïta à la tête de l’Ofnac ?
Il y a au-delà des contingences et du présent ou de l’instantané la lame de fond et les lignes de forces. Qu’est-ce qui est le plus important ? Si on me demande de me prononcer sur ce qui se passe à la tête de l’Ofnac, je dis que ce n’est pas anodin. Parce que de cette institution, il est attendu une surveillance de la gestion des ressources publiques pour que tous ceux qui confondent le bien collectif avec celui privé soient remis à l’endroit. Mais le bien commun doit aider à résoudre des problèmes collectifs. L’existence d’un tel instrument est quelque chose qui indique la bonne direction. Confortons cela, insistons ensemble pour ce qui ne marche pas puisse aller de l’avant.
On évoque l’obligation de réserve…
Il y a deux éthiques qui s’entrechoquent. L’éthique de responsabilité et celle de conviction. Sans être antagonistes, celles-ci doivent être rigoureusement conjuguées pour que l’individu fasse le meilleur choix. Je ne vais pas juger l’ancienne patronne de l’Ofnac, ni l’inspecteur des Impôts. C’est une prise de responsabilités. De toute façon, l’existence de gestion droite de la cité est une exigence qui s’impose et qui s’imposera de plus en plus à nous tous. Nous sommes aussi dans une société de l’information où, même si tout ne peut être mis sur la place publique, tout va être public. Cela ne veut pas dire que quelqu’un d’entre nous, situé à tel ou tel échelon de l’administration, peut se permettre d’agir de manière irréfléchie. Entre les deux, je pense qu’il y a un équilibre à créer.
L’Etat, à travers le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Sidiki Kaba a annoncé son intention de relancer la traque des biens dits mal acquis. Quelles appréciations vous en faites ?
Le Sénégal ne veut plus que ses ressources soient distraites par des individualités privées. Il faudrait que nous soyons respectueux de ce qui appartient à tout le monde. Il ne faut pas que quelqu’un s’empare des ressources publiques et que l’on dise qu’il faut le passer à pertes et profits. C’est injuste ! Ces ressources dont on parle auraient pu aider à résorber la misère dans notre pays. Il y a des vertus que nous devons cultiver ensemble. Il faut faire de telle sorte que tout ce qui est récupérable et qui appartient au collectif revienne au peuple parce que notre pays a besoin de ressources pour se construire.
Les discussions entre mouvance présidentielle et opposition sur la refonte du fichier électoral n’ont pas abouti à un consensus général. Et le gouvernement a décidé malgré tout d’adopter le texte, par procédure d’urgence, à l’Assemblée nationale…
(Il coupe). C’est un débat. Nous avons une contradiction sur cette question, en tant qu’acteurs politiques. Mais nous sommes d’accord sur de nombreux points. Beaucoup de personnes inscrites sur les listes électorales ne se sont pas manifestées à l’occasion des dernières élections. Il y a, à mon sens, un travail d’épuration à faire. Maintenant, ce travail, il faut le faire de manière concertée pour que nous parvenions à des accords. N’oublions pas que les contentieux parfois les plus lourds viennent trop souvent des élections. Nous pensons qu’il faut effectuer cette refonte et qu’il n’y ait pas seulement des arguments pour gêner l’autre.
Par MAMADOU DIALLO