La lutte contre les produits contrefaisants à l’épreuve de la riposte contre la covid-19
Depuis l’apparition de la pandémie de la Covid 19 au Sénégal au mois de mars 2020, on constate une entrée importante de produits de désinfection et de matériels de protection contre la maladie grâce à des mesures d’allégement des procédures d’attribution de marchés et d’acquisition de ses matériels prises par les plus hautes autorités de ce pays.
Ceci a permis de disposer à temps et en quantité suffisante de matériel nécessaire dans toutes les régions du pays pour parer à la pandémie mais a malheureusement occasionné l’entrée sur le marché intérieur sénégalais de plusieurs produits contrefaits et par devers son corollaire de dangers.
C’est toute la pertinence de la problématique de ce sujet : « la lutte contre les produits contrefaits au Sénégal à l’épreuve de la riposte contre la Covid 19 »
La contrefaçon est une infraction qui consiste à porter atteinte illégitimement aux droits découlant d’un titre de propriété intellectuelle (marque, droit d’auteur, brevet etc.). Toutefois, on conçoit traditionnellement deux types de contrefaçon : la contrefaçon par reproduction et la contrefaçon par imitation.
L’analyse de cette question serait impertinente si l’on faisait fi à l’Accord de Bangui du 02 mars 1977 instituant l’Organisation Africaine de la Propreté Intellectuelle (OAPI) et dont le Sénégal est signataire.
Sur le plan pratique, l’étude de ce sujet revêt un intérêt considérable. En effet elle renseigne sur la récurrence du phénomène dans ce contexte de lutte contre la Covid 19, sur l’ampleur ses dangers et la pertinence des moyens de lutte contre ce fléau.
Aussi, conviendrait-il de s’interroger sur la recrudescence de la contrefaçon et les moyens de lutte contre ce phénomène.
Pour aborder un tel thème nous nous proposerons d’étudier d’une part le contenu de la contrefaçon (I) avant d’examiner d’autre part les mécanismes d’éradication d’un tel fléau (II).
I. LA CONTREFAÇON, UN FLEAU MONDIAL REVIGORE EN CES PERIODES DE COVID 19.
La contrefaçon est devenue une véritable « industrie » dotée de sites de production et d’importants réseaux de distribution, notamment dans ces périodes de pandémie où il est rare d’effectuer toutes les vérifications d’origine et de qualité. De ce fait, elle a connu une expansion rapide (A) et a entrainé aux dangers gravissimes (B).
- L’EXPANSION DU TRAFIC DE CONTREFAÇON
Le trafic de contrefaçon n’épargne aucun pays du monde. Toutefois, en ce qui concerne les produits de luxe, le continent asiatique reste la région productrice.
La contrefaçon touche désormais tous les domaines de la consommation notamment le secteur de l’habillement, les accessoires de mode et les parfums.
Cependant, le continent africain demeure naturellement la principale victime en raison de sa position de marché mondial où tous les produits de faible qualité s’écoulent facilement.
En effet, porter des chaussures de marque Nike, Adidas, Timberland n’a jamais été aussi accessible au consommateur sénégalais, depuis que la contrefaçon asiatique a étendu ses tentacules dans les artères dakaroises.
En outre, manipuler une réplique de cellulaire Samsung, Nokia ou Huawei est devenu plus que banal.
Quant à disposer de gadgets électroniques, de bidules à durée très limitée, d’accessoires de mode comme les ceintures, les chaussures, c’est devenu littéralement un jeu d’enfants.
Enfin, dans ce contexte particulier de Covid 19, les contrevenants ont profité de la situation pour jeter leur dévolu sur les masques de protection, les gels hydro-alcooliques et autres moyens de protection ou de désinfection en reproduisant ou imitant des milliers de produits médico-sanitaires.
Les produits contrefaisants sont distribués via des réseaux de distribution implantés dans tous les pays. Internet est devenu le canal privilégié de distribution de produits contrefaits en facilitant l’accès à un plus grand nombre grâce à des relais que constituent les marchands ambulants.
Cette distribution de masse peut engendrer des dangers énormes pour le Sénégal.
- LES DANGERS DU TRAFIC DE CONTREFAÇON
Acheter de la contrefaçon n’est pas un acte anodin. Il implique des dangers gravissimes qui méritent d’être connus par les consommateurs.
1. D’abord, c’est prendre un risque pour sa santé surtout en ces périodes de pandémie. En effet, les produits contrefaits échappent à toute norme de sécurité, à tout contrôle de qualité.
2. Ensuite, c’est soutenir les réseaux mafieux et criminels : la contrefaçon a souvent des liens avec les réseaux mafieux et criminels (drogue, travail clandestin, criminalité organisée, voire terrorisme.)
3. Enfin, c’est mettre en péril notre industrie et par devers notre économie. En effet, la contrefaçon fait planer sur notre économie le spectre d’un « pillage industriel », qui à terme, menace sa sécurité et sa stabilité.
Au regard de la menace que constituent les articles contrefaits qui inondent le marché sénégalais, il urge de se pencher sur les mécanismes d’éradication d’un tel fléau.
II. LA CONTREFAÇON, UN FLEAU A PLUS QUE JAMAIS COMBATTRE.
D’emblée, il faut préciser que les pouvoirs publics sont les premiers à intervenir en matière de lutte contre la contrefaçon. Il s’agit notamment de la Douane, la Police, la Justice etc.
Les mécanismes d’éradication de la contrefaçon peuvent se présenter sous deux formes : les mesures préventives et les mesures répressives.
Dans le cadre de ce travail, nous insisterons plus sur les mesures coercitives, qui nous semble plus efficaces, et à ce sujet nous verrons d’abord les modes d’identification des articles contrefaits (A) et ensuite la sanction réservée au délit de contrefaçon en droit pénal sénégalais (B).
- LES MODES D’IDENTIFICATION D’UN PRODUIT CONTREFAIT
Plusieurs indices peuvent permettre aux pouvoirs publics et aux consommateurs de distinguer un produit authentique d’une copie.
- Le prix du produit
Le critère déterminant d’une contrefaçon reste avant tout son prix. L’acheteur doit donc se montrer attentif aux offres de prix anormalement basses. Si le prix est trop attrayant, il s’agit probablement d’un produit contrefaisant.
- Le lieu de vente
Les marques de luxe sont vendues exclusivement par les magasins de la marque, les revendeurs agréés et les sites officiels des maisons qui distribuent par Internet.
- L’emballage
L’emballage des produits contrefaisants est la plupart du temps de mauvaise qualité, contrairement aux emballages de produits authentiques. L’acheteur devra prendre soin d’examiner la qualité d’impression avec les éventuels défauts qui pourraient surgir (lignes moirées, impressions floues, mauvaises combinaisons de couleur).
- Les étiquettes
Elles constituent également un indice important. Il convient de se montrer vigilant quant à l’orthographe de la marque et des noms de société. Elles permettent aussi à l’acheteur de vérifier la conformité du produit aux normes, les certificats d’authenticité, les conditions de garantie et le service après-vente proposé.
- L'argumentation des vendeurs
Certains vendeurs avancent souvent que leurs produits ont été fabriqués légalement dans tel pays d’origine. Toutefois, cette information ne permet pas d’en déduire l’authenticité du produit ni même que le produit a été légalement importé en France. Les acheteurs pourront demander des renseignements auprès de la société fabriquant les produits authentiques et/ou des organismes officiels de lutte anti-contrefaçon.
- La forme de la transaction
La plupart de temps, les contrefacteurs contournent les exigences d’un commerce loyal avec les acheteurs. Les internautes ont donc tout intérêt à éviter les transactions sur Internet qui ne seraient pas sécurisées.
Toutefois, il ne suffit pas tout simplement de pouvoir déceler un article contrefait pour lutter contre la contrefaçon, encore faudrait-il aussi réprimer sévèrement l’acte délictuel.
B. LA SANCTION AU DELIT DE CONTREFAÇON EN DROIT PENAL SENEGALAIS
Le délit de contrefaçon est aujourd’hui sanctionné civilement et pénalement. Un particulier peut faire l’objet d’un contrôle douanier aux frontières mais également sur le sol sénégalais.
En effet, aux termes de l’article 397 du code pénal sénégalais, « toute édition d'écrits, de composition musicale, de film, de dessin, de peinture ou de toute autre production imprimée, enregistrée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon ; et toute contrefaçon est un délit. La contrefaçon, sur le territoire sénégalais, d'ouvrages publiés au Sénégal ou à l'étranger, est punie d'une amende de 50.000 à 300.000 francs. »
Cette sanction sera beaucoup plus sévère s’il est avéré que le coupable est un récidiviste. En effet, l’article 399 du code pénal stipule que : « la peine sera de trois (03) mois à deux (02) ans d'emprisonnement et de 50.000 à 500.000 francs d'amende, s'il est établi que le coupable s'est livré, habituellement, aux actes visés aux deux articles précédents. »
Quant au champ d’application rationae personae de la contrefaçon c’est-à-dire les personnes pouvant être poursuivis pour ce délit, l’article 58 de l’Accord de Bangui vise non seulement les personnes qui exploitent les objets brevetés, celles qui en font du recel, mais aussi celles qui les vendent ou exposent en vue de les vendre ou plutôt les exportent sur un autre territoire d’un Etat Partie.
Sur ce, le législateur pénal sénégalais prévoit à l’article 397 in fine du code pénal que « seront punis des mêmes peines le délit, l'exportation et l'importation des ouvrages contrefaits. »
En outre, l’article 400 du code pénal prévoit que « dans tous les cas prévus aux articles 397,398 et 399 du même code, les coupables seront, en outre, condamnés à la confiscation par des sommes égales au montant des parts de recettes produites par la reproduction, la représentation ou la diffusion illicite ainsi qu'à la confiscation de tout matériel spécialement installé en vue de la reproduction illicite et de tous les exemplaires et objets contrefaits. »
Sur le plan civil, la victime pourra demander des dommages et intérêts en fonction du préjudice subi et du trouble commercial.
CONCLUSION
Au terme de notre analyse, nous pouvons retenir que la contrefaçon est perceptible dans tous les domaines de l’activité commerciale mais que la pandémie de la Covid 19 a considérablement boosté.
Ainsi, on peut considérer que plus le flux commercial est dense, plus le risque de délit de contrefaçon est grand en raison de la vigilance réduite dans le contrôle des importations.
Il convient alors de renforcer le dispositif de lutte contre les articles contrefaits au Sénégal afin que la riposte contre la Covid 19 ne nous laisse pas d’autres fléaux aussi graves que cette pandémie.
Mouhamadou al Amine
Juriste d’affaires,
Technicien Supérieur en Transit.