Publié le 11 May 2016 - 22:24
SEDHIOU - PLANTATION DE SOUMBOUDOU

Quand la banane fait le bonheur des populations de sept villages 

 

La filière de la banane à de beaux jours dans la commune d’Oudoucar dans la région de Sédhiou. Elle y est la première pourvoyeuse d’emplois. 165 propriétaires apportent leurs savoir-faire dans la gigantesque bananeraie de Soumboudou qui produit, par an, 400 à 600 tonnes de bananes. Créée en 1988, elle s’est imposée comme un créneau porteur et un excellent frein à l’exode rural et à l’émigration clandestine. Elle contribue aussi à l’amélioration de la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté. EnQuête est allé à la découverte de cette plantation.

REPORTAGE

Soumboudou est un village de la commune d’Oudoucar dans la région de Sédhiou. Il faut braver 58 kilomètres, en partance de Kolda, pour s’y rendre. Dans cette localité prospère, les populations exploitent avec bonheur la terre, depuis plusieurs générations.  Ici, la spécialité, c’est la banane. Une gigantesque bananeraie de 16,5 hectares de terre singularise le village. Et en cette matinée, les activités y vont bon train. Dans un bâtiment en forme de hangar se trouvent, d’un côté, un groupe de commerçantes qui marchandent avec les propriétaires de la plantation, de l’autre, des employés en tenue de travail. Ils sont chargés de la coupe des régimes de bananes qui sont superposées à même le sol, en attendant d’être conditionnées. Dans la localité, ce ne sont pas les occupations qui manquent. En termes d’emplois, les jeunes ne se plaignent pas. Pas besoin donc de braver l’océan ou le désert pour rallier l’Europe.

Une visite de la plantation permet de conforter la première impression : elle est très grande. Dans un coin est implantée une machine qui extirpe l’eau des entrailles du sol pour arroser la plantation. Chaque jour, 250 litres de gasoil sont utilisés, selon le pompiste Lamine Camara. « Chaque matin, je mets 100 litres de gasoil et j’arrose jusqu’à midi. Le soir, je mets aussi 100 litres, j’arrose jusqu’à minuit, avant d’augmenter 50 autres litres de gasoil qui vont jusqu’au petit matin et j’arrête la machine », renseigne-t-il. Lamine Camara ajoute qu’ils disposent d’une réserve de 5 000 litres de carburant qu’un camion-citerne vient de livrer. En effet, dans le magasin, une dizaine de fûts remplis de gasoil sont visibles. La plantation dispose d’un grand bassin de distribution d’eau qui permet d’arroser l’ensemble du périmètre, à travers 5 canaux qui desservent chacun 33 parcelles.

La production varie selon l’entretien de la parcelle

La bananeraie est gérée par le GIE Soumboudou Pakao. Trouvé dans sa parcelle, Boubacar Cissé explique qu’il est en train de superviser l’arrosage de sa parcelle. Il ne s’en arrête pas là. ‘’Je suis en train de refaire les piquets mal placés de la clôture.’’ Il lui arrive aussi de colmater les trous sur le canal pour que sa terre soit bien arrosée. En dehors de cela, il ne s’en sort pas mal. ‘’Je produits 4 à 5 tonnes par an.’’ Le GIE compte 165 membres. Chaque hectare est occupé par quatre membres du GIE.

La visite se poursuit. Le guide, Lamine Darry, secrétaire général du GIE Soumboudou Pakao, de préciser que « La production de la parcelle de banane dépend du travail abattu par le propriétaire. S’il met beaucoup d’engrais, il gagne beaucoup, dans l’année’’. Selon ses explications : ‘’La coupe des régimes se fait deux fois par mois, selon les besoins des bana-bana (commerçantes). Le président du GIE demande à chaque membre de couper au plus 10 régimes, pour qu’il n’y ait pas d’excédents’’. Pendant cette période, le partage se fait dans les règles de l’art, renseigne-t-il.

Toujours, selon Boubacar Cissé, planter un bananier obéit à certaines règles. Il faut un trou d’un mètre de profondeur et 80 centimètres de large et y mettre beaucoup de fumier ou d’engrais. Après l’avoir refermé, il faut beaucoup arroser pour ‘’refroidir’’ l’engrais ou le fumier. « Si vous n’arrosez pas, il va se dégager une chaleur qui va causer une maladie à la jeune plante qui va mourir. Les plantes sont disposées en forme de triangle, séparées de deux mètres. C’est pour empêcher qu’elles se touchent. Si c’est le cas, la production sera moindre ». Deux variétés de banane sont produites : dessert et plantain. ‘’La variété la plus connue au Sénégal est le plantain. Le bananier est une plante herbacée géante appartenant à la famille des monocotylédones. Un méristème apical produit d’abord les feuilles, puis une induction florale transforme ce méristème en bourgeon floral, appelé popote, qui donnera l’inflorescence. « Au cours de la croissance du bourgeon, les spathes vont se recourber et plus souvent tomber au sol, laissant apparaître les fleurs puis les bananes. La récolte du régime doit se faire avant maturité complète de la banane’’, souligne le guide.

Les maladies et parasites des bananiers

A en croire Lamine Darry, les bananiers, bien que peu sensibles aux maladies et parasites, souffrent généralement des températures trop basses. Dans ces cas, un courant d’air froid aggrave la situation. Le début de pourriture du rhizome se manifeste par les jaunissements du feuillage, y compris les jeunes feuilles, puis par un brunissement. Dans ces cas-là, il faut stopper les arrosages et mettre la plante au chaud pour favoriser l’évaporation de l’eau en excès. « Les bananiers peuvent également être attaquées par les cochenilles farineuses qui sont facilement identifiables par de petits amas blancs aux revers des feuilles. Si elles sont peu nombreuses, vous pouvez les retirer à la main avec un papier humide. Sinon, il faut pulvériser un anti-cochenille sous forme huileuse afin de les asphyxier définitivement », indique-t-il, avant de conclure : « Plus rarement, les bananiers peuvent être attaqués par les araignées qui tissent des toiles à l’intérieur des pétioles. Un acaricide en vient généralement à bout. Mais il est préférable de prévenir l’apparition de ces redoutables insectes, en augmentant l’humidité ambiante et en bassinant très régulièrement le feuillage. Des taches jaunes ou brunes sont généralement dues parfois à des brûlures par les rayons directs du soleil. Dans ce cas, il faut penser à ombrager légèrement la plante. »

La production varie entre 400 à 600 tonnes par an

La production varie entre 400 à 600 tonnes par an. « Si la plantation ne rencontre pas de problèmes, notamment une panne de la pompe ou attaquée par certaines maladies, nous pouvons récolter 600 tonnes par an. Mais s’il se trouve que la plantation a des problèmes, nous récoltons 400 à 500 tonnes par an », confie le secrétaire général du GIE Soumboudou Pakao. Avec 600 tonnes à 175 francs CFA le kilogramme, ils obtiennent la bagatelle de 105 millions par an. « Après avoir enlevé ses dépenses, un membre du GIE peut se retrouver avec 350 000 à 600 000 francs par an. Dans notre compte bancaire, nous gardons jusqu’à sept millions, en dehors des dépenses destinées à l’achat du gasoil, la réparation des canaux, les pièces de la pompe et tant d’autres choses », révèle Lamine Darry.

Village électrifié, école construite

Le succès de la plantation de bananeraie de Soumboudou Pakao surprend tout visiteur. Les revenus ont permis aux populations d’électrifier leur village, de construire une école  préscolaire et de recruter deux enseignants. « Avant la création de cette plantation, nos enfants abandonnaient leurs études et partaient en Europe ou à l’intérieur du pays. Mais depuis la création de ce périmètre, nous parvenons à gagner aisément notre vie », se réjouit le président des parents d’élèves, Koukéta Biaye. « Grâce à cette bananeraie, nos enfants poursuivent leurs études sans problèmes. Parce que les moyens financiers sont disponibles. Nous avons acheté des vélos et des motos pour faciliter l’aller et retour des élèves qui parcourent des kilomètres pour rallier leurs établissements dans le moyen et le secondaire. Une dizaine d’autres poursuivent leurs études à l’université de Dakar, de Ziguinchor et de Saint-Louis. »

Grâce aux fonds du GIE, ils ont pu construire une école préscolaire d’une valeur de 600 000 francs CFA et recruter deux enseignants natifs du village. Concernant l’école élémentaire, les villageois débloquent, chaque année, 600 mille francs pour assurer les petites dépenses de la cantine. « L’Etat ne donne que le riz et l’huile. Pour le reste, il faut se débrouiller », explique Koukéta Biaye, avant d’assurer que « le GIE va continuer sur cette lancée afin de donner la chance aux enfants de bien poursuivre leurs études. Car le monde d’aujourd’hui appartient aux intellectuels ». Lamine Darry d’ajouter : « Notre village a été électrifié par nos propres moyens. Le GIE avait débloqué 800 mille francs pour l’abonnement. Maintenant, le paiement de la facture est individuel. »

Les problèmes ne manquent pas

Malgré toutes ces bonnes nouvelles, les difficultés ne manquent pas. Lamine Darry, secrétaire général du Groupement d’intérêts économiques (GIE), renseigne que la pompe consomme 25 000 litres de gasoil par an pour arroser le périmètre. Il leur faut aussi 16 000 cartons pour écouler la marchandise.  « Les cartons vides coûtent 550 francs CFA la pièce. Il faut y ajouter leur transport et celui de la banane. D’ailleurs, nous venons de débloquer 550 000 francs CFA, par camion, pour transporter la banane de Soumboudou à Dakar. La campagne de banane dure neuf (9) mois. Nous avons jusqu’à 15 camions qui assurent le transport de la banane. Il s’y ajoute les problèmes de dépannage et d’écoulement de la banane », explique le guide.

« Pendant la saison des pluies, les camions s’embourbent, parce que la route n’est pas bonne. Nous demandons à l’Etat de goudronner cette piste qui fait deux kilomètres. Car il arrive que la banane pourrisse en cours de voyage. Notamment à cause des problèmes avec la Gambie. La distance qui sépare Soumboudou de Dakar, via Tambacounda, est longue. La chaleur est aussi un facteur. Quand la banane noircit, les clients n’achètent pas. Parce qu’ils disent que c’est pourri. Donc, il y a un problème de conservation de la banane’’, renchérit Koukéta Biaye, un des membres du GIE. Qui espère que cette question sera bientôt un vieux souvenir. ‘’Il y a un projet de se doter d’un camion frigo. Mais cela ne suffit pas. Parce que si le camion frigo part à Dakar et qu’il y a de la banane qui reste, nous serons obligés de prendre un autre camion’’. Il s’y ajoute la question des intempéries, et le gaspillage d’eau. ‘’Pour le moment, le système d’arrosage que nous utilisons induit des pertes. Nous demandons à l’Etat de nous aider à disposer d’un système de goutte-à-goutte. Ça nous permettra d’avoir de l’eau en continu au niveau des parcelles et d’éviter le gaspillage de l’eau.’’

Hormis ces problèmes, dans le village de Soumboudou, les rendements de la plantation de bananeraie ont contribué à l’amélioration de la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté. Les populations y font preuve de solidarité. D’où l’appel du secrétaire général du GIE, Lamine Darry, aux populations des autres localités, à éviter les querelles intestines et à investir dans la terre. 

EMMANUEL BOUBA YANGA (SEDHIOU)

 

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