Pierre Ndiaye, un exemple pour la jeune génération de statisticiens
Un des brillants statisticiens sénégalais, planificateur et prévisionniste hors pair, courtois, humble et rigoureux, feu Pierre Adama Ndiaye, ancien Secrétaire général du ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération, a été cité, hier, en exemple pour la jeune génération de statisticiens, notamment ceux de l’Ecole nationale de la statistique et de l’analyse économique (Ensae) de Dakar, un établissement qui porte désormais son nom.
Il a été présent, l’année dernière, aux séances plénières lors des votes du Budget pour la gestion 2021, avant d’être brutalement arraché à l’affection de ses proches et de ses collaborateurs, des suites d’une courte maladie liée à la Covid-19. Au-delà, Pierre Ndiaye, ancien Secrétaire général du ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération, était au cœur de l’élaboration des politiques économiques pour faire face à la résilience et à la relance de l’économie nationale, dans un contexte de crise sanitaire.
‘’Nous avons particulièrement travaillé étroitement avec lui, l’année dernière, sur les plans de résilience et de relance Covid et post-Covid. Nous avons ensemble passé au peigne fin les options et les solutions pour que les partenaires du Sénégal puissent appuyer efficacement les plans du gouvernement afin d’atténuer l’impact de cette crise sanitaire et socio-économique qui nous a tous si durement touchés. C’est justement cette maladie Covid qui l’a arraché à ses proches, à la fin de l’année dernière, alors que serviteur de l’Etat dévoué et toujours sur le point, il continuait d’accomplir ses devoirs malgré les risques évidents de contamination. Il a toujours aimé et œuvré dans les domaines liés à la prévision, aux études, aux politiques économiques et à la planification’’, témoigne l’ambassadrice cheffe de délégation de l’Union européenne.
Irène Mingasson s’exprimait hier, lors de la cérémonie de dénomination de l’Ecole nationale de la statistique et de l’analyse économique (Ensae) qui porte désormais le nom de Pierre Adama Ndiaye. ‘’Travailleur infatigable, disponible, faisant toujours preuve de compétence et de courtoisie, efficace et discret, d’une gentillesse inoubliable, il était la personne sur laquelle nous savions pouvoir toujours compter. Acteur clé de la coordination des partenaires au développement réunis autour du groupe du G50, il participait très régulièrement à nos échanges. Dans ces discussions, il défendait toujours la position et l’intérêt du Sénégal et le faisait en faisant preuve d’une capacité d’écoute, d’une ouverture d’esprit qui nous permettaient, à chaque fois, d’enrichir nos discussions, nos propres positions, puis de nous entendre pour aller de l’avant’’, ajoute-t-elle.
Cette cérémonie voulue ‘’sobre’’, à l’image du défunt, est, d’après le ministre de l’Economie Amadou Hott, une matérialisation de la volonté du président de la République, Macky Sall, d’exprimer la reconnaissance de toute la nation envers l’un de ses ‘’plus illustres fils’’.
A ce titre, le chef de l’Etat a, par décret n°2020-2403 du 24 décembre 2020, donné le nom de Pierre Ndiaye à l’Ensae. ‘’Pierre Ndiaye, grand commis de l’Etat, a été arraché, sans bruit, comme il a vécu, à notre affection, le mercredi 23 décembre 2020. Il a été l’orfèvre de l’élaboration et du suivi de la mise en œuvre de la politique économique au cours de la dernière décennie au Sénégal. Le Plan Sénégal émergent (PSE) qui sert de cadre de référence des politiques publiques au Sénégal, reconnu par les partenaires au développement pour sa pertinence, porte son empreinte’’, renchérit M. Hott.
Pour le ministre, feu Pierre Ndiaye fut l’un des ‘’plus brillants statisticiens’’ sénégalais, un planificateur et un prévisionniste ‘’hors pair’’, ‘’capable de lire de manière précoce’’ les signaux afin d’engager le processus d’adaptation des politiques publiques. ‘’Il fut ainsi un des grands artisans du Programme de résilience économique et sociale (Pres) et du Plan d'actions prioritaires ajusté et accéléré (Pap2A). Pierre Ndiaye fut un élément essentiel du dispositif de l’ancien ministère de l’Economie, des Finances et du Plan et, plus tard, un des piliers phares du ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération (MEPC). Vous devez également cultiver, comme Pierre a su toujours le faire, des vertus cardinales qui fondent et valorisent notre société, à savoir : la discipline, la ponctualité, la rigueur dans la générosité, l’intégrité, la persévérance, mais aussi et surtout l’humilité’’, conseille le ministre de l’Economie aux étudiants de l’Ensae.
Une fierté pour son terroir
Digne fils de Louly Mbafaye dans la commune de Sandiara, l’ancien directeur de la Planification et des Politiques économiques (DPPE) a, selon ses proches, ‘’honoré’’ son village natal, son pays et son continent de par son expertise et son engagement pour un développement porteur d’un bien-être. ‘’Partout où Pierre est passé, de la BCEAO au ministère en charge de l’Economie, il a pu repousser l’ignorance et la paresse pour mettre en place la lumière de son intelligence, sa foi au travail, le culte de l’excellence avec un élan de générosité, de courtoisie et d’humilité jamais égalé’’, poursuit Amadou Hott.
A sa commune, son ami d’enfance et camarade de promotion a fait savoir qu’il a donné des écoles, de l’eau, notamment à son village de Louly Mbafaye. ‘’Il était une fierté pour son terroir. Je l’ai connu un jour d’octobre 1968 à l’école primaire publique de Sandiara. Il est connu d’abord pour son intelligence qui l’a promu dans les plus grandes écoles d’Afrique d’abord, comme l’Ensae d’Abidjan, ensuite à l’Ensae de Paris où on s’est retrouvé encore pendant nos études. Pour les étudiants, c’est un exemple à suivre, d’abord de par sa compétence, son patriotisme, pour le service rendu à sa communauté de Sandiara’’, indique le ministre-conseiller du président de la République et maire de Sandiara, Serigne Guèye Diop.
Ce dernier rapporte que son ami voulait faire de Sandiara une commune développée, industrialisée. ‘’La perte que nous avons est incommensurable. Mais nous allons essayer de nous relever, de voir les défis que Pierre voulait relever, qui lui tenaient à cœur, pour d’abord sa communauté, le pays et les relever ensemble. Cette perte, c’est encore une occasion de nous relever, de foncer vers le futur, vers le développement, de faire en sorte qu’on puisse honorer sa mémoire en honorant ses envies pour le Sénégal’’, dit M. Diop.
Sa dévotion pour sa communauté et son pays ont fait dire à l’actuel directeur du Port autonome de Dakar, Aboubacar Sédikh Bèye, que Pierre était un homme ‘’généreux’’, un ‘’capacitant’’. ‘’Quand on est autour de lui, on atteint son potentiel. Il nous pousse à être le meilleur de nous-mêmes. Quand il est en réunion, il écoute et son objectif principal, c’est de trouver le consensus. Pierre ne faisait pas quelque chose deux fois. Il était un modèle de précision. (…) Le président de la République a été très inspiré de nommer l’Ensae Pierre Adama Ndiaye. Puisque huit années après le Bac, toutes les années se sont passées dans une école statistique’’, raconte l’ancien DG de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) qui a eu à côtoyer Pierre Ndiaye depuis leur première rencontre à Abidjan, en 1988.
Aboubacar Sédikh Bèye indique que de 1982 à 1986, il était ingénieur des travaux statistiques à l’Ensae d’Abidjan, d’abord en 1986. En 1987, il prépare le concours. En 1988, il le réussit et repart à Abidjan pour le cycle ingénieur statisticien économiste. 1988-1991, major de leur promotion, il bénéficie d’une bourse pour une année à l’Ensae de Paris pour des études pour la modélisation statistique. ‘’Depuis lors, au service d’abord de la Banque mondiale, dans un premier temps dans un projet de la Banque mondiale, ensuite la Banque centrale et puis au ministère de l’Economie, des Finances et du Plan devenu ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération. Il n’y a pas une politique économique qui est conçue après les programmes d’ajustement structurel qui n’ait pas l’empreinte de Pierre Adama Ndiaye’’, informe-t-il.
Un agent de la BCEAO porteur des valeurs cardinales de l’institution
Il convient de relever que l’ancien secrétaire général du ministère de l’Economie n’a pas été uniquement au service du pays. Il a aussi travaillé pour les pays de la sous-région en tant qu’agent de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). ‘’Cette décision du chef de l’Etat honore un homme, un commis de l’Etat, un agent de la BCEAO porteur des valeurs cardinales de notre institution depuis son recrutement en avril 1997. Cadre supérieur au service de la recherche et de la statistique, puis au service des études de l’agence principale de Dakar, il fut nommé successivement au Service des outils et de la statistique, chef de Service des établissements de crédit et de microfinance, contrôleur des opérations’’, certifie le directeur national de la BCEAO pour le Sénégal, Ahmadou Al Amine Lo.
Ainsi, au regard de son profil de ‘’brillant’’ statisticien et économiste, M. Lo relève que le gouvernement du Sénégal a sollicité sa mise en position de détachement au ministère de l’Economie, des Finances et du Plan le 1er mai 2010. ‘’Il a servi avec abnégation la nation sénégalaise aux travers des postes de responsabilité occupés d’abord au ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, puis au ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération. Jusqu’en sa disparition le 23 décembre 2020, soit à moins de deux mois de jouir de ses droits à la retraite, en sa qualité d’agent de la BCEAO. Je m’apprêtais à lui organiser sa cérémonie de départ avec un autre collègue, mais Dieu en a décidé ainsi’’, narre-t-il.
Pour le patron de la BCEAO au Sénégal, M. Ndiaye était ‘’empreint’’ des valeurs cardinales inculquées par la Banque centrale à tous ses agents, à savoir la solidarité dans la réalisation des niches dans un cadre professionnel. ‘’Deuxièmement, le professionnalisme, c’est-à-dire l’excellence dans le travail afin de servir de référence aux générations futures. Troisièmement, le sens des responsabilités, à savoir la rigueur, la conscience professionnelle, la probité, la vigilance et enfin la loyauté et l’intégrité. Il nous faut des serviteurs loyaux et intègres de la cause communautaire pour mériter davantage la confiance de notre Banque centrale et dépositaire de la part des Etats membres, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Pierre a incarné toutes ces valeurs au quotidien’’, conclut-il.
MARIAMA DIEME