Publié le 4 Mar 2025 - 21:50
STANDARD & POOR’S ABAISSE LA NOTE SOUVERAINE DU SÉNÉGAL DE B+ À B, AVEC UNE PERSPECTIVE NÉGATIVE

Une alerte économique majeure

 

Dans un contexte économique mondial marqué par des incertitudes croissantes, le Sénégal vient de subir un nouveau coup dur, avec la dégradation de sa note souveraine par l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P). Elle passe de B+ à B, avec une perspective négative. Cette décision intervient après une série d’avertissements lancés par des économistes et des institutions financières internationales, dont Ndongo Samba Sylla, qui avait déjà tiré la sonnette d’alarme en juin 2024. Cette dégradation soulève des questions cruciales sur la gestion des finances publiques sénégalaises et ses implications pour l’avenir du pays.

 

La décision de S&P fait suite à la publication d’un rapport accablant de la Cour des comptes du Sénégal, rendu public le 12 février 2025. Ce document révèle que la dette publique du pays atteint désormais 99 % du PIB, un chiffre bien supérieur aux estimations officielles précédentes.

En outre, les déficits budgétaires cumulés entre 2019 et 2024 sont deux fois plus élevés que ce qui avait été annoncé par les anciennes autorités. Ces révélations ont jeté une lumière crue sur les lacunes de la gestion financière du pays, exacerbant les inquiétudes des investisseurs internationaux.

Concernant la soutenabilité de la dette, il faut souligner que les charges d’intérêt (des dettes et les emprunts financiers) devraient représenter 20 % des recettes en 2025, contre 14 % en 2024, ce qui limite considérablement la marge de manœuvre budgétaire du gouvernement.

Pour les risques de mise en œuvre, le plan d’assainissement budgétaire présenté par les autorités sénégalaises, visant à réduire le déficit à 3 % du PIB d’ici 2027, est jugé ambitieux, mais difficile à réaliser, notamment en raison des incertitudes liées à la croissance économique.

En outre, les investissements non déclarés et les prêts hors budget ont contribué à une sous-estimation significative de la dette publique, érodant la confiance des créanciers internationaux.

Conséquences immédiates et à long terme

La dégradation de la note souveraine du Sénégal aura des répercussions majeures sur l’économie du pays. En premier lieu, le coût des emprunts sur les marchés internationaux va augmenter, obligeant le gouvernement à payer des taux d’intérêt plus élevés pour financer ses besoins. Cela risque d’aggraver encore la charge de la dette, déjà insoutenable.

En outre, cette décision pourrait décourager les investisseurs étrangers, essentiels pour soutenir la croissance économique du pays. Les projets d’infrastructures et les initiatives de développement pourraient être retardés ou annulés, faute de financements suffisants. Enfin, la perspective négative associée à la note B indique que S&P pourrait procéder à une nouvelle dégradation, si les efforts d’assainissement budgétaire ne donnent pas les résultats escomptés.

Les mises en garde de Ndongo Samba Sylla

Depuis juin 2024, l’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla n’a cessé d’alerter sur les risques liés à la politique d’endettement du Sénégal. Dans une série d’analyses et d’interventions publiques, il a critiqué la dépendance excessive du pays aux euro-obligations et aux prêts en devises étrangères qui exposent l’économie à des risques de change et de refinancement. Monsieur Sylla a également souligné le manque de transparence dans la gestion de la dette publique, pointant du doigt les investissements non déclarés et les prêts hors budget qui ont contribué à la situation actuelle.

Selon lui, le Sénégal doit revoir en profondeur sa stratégie de financement, en privilégiant des sources de financement locales et en renforçant les mécanismes de contrôle budgétaire.

Le plan du gouvernement : un défi de taille

Face à cette crise, le gouvernement sénégalais a présenté un plan d’assainissement budgétaire visant à réduire le déficit à 3 % du PIB d’ici 2027. Ce plan repose sur plusieurs piliers, dont l’augmentation des recettes fiscales.

En effet, le gouvernement prévoit de relever les impôts et de réduire les exonérations fiscales pour accroître les recettes. Il est également souligné la réduction des dépenses avec un examen approfondi des dépenses d’investissement qui est en cours pour identifier les projets qui pourraient être annulés ou reportés. Aussi, des mesures sont-elles prévues pour renforcer les contrôles budgétaires et améliorer la transparence.

Cependant, S&P reste sceptique quant à la capacité du gouvernement à atteindre ces objectifs. L’agence met en avant les risques de mise en œuvre, notamment les tensions sociales potentielles liées à l’augmentation des impôts et les incertitudes liées à la croissance économique.

Le Sénégal à la traîne en Afrique

La dégradation de la note souveraine du Sénégal contraste fortement avec la situation de ses voisins de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le Bénin et la Côte d’Ivoire, par exemple, ont vu leurs notes souveraines rehaussées récemment, grâce à des réformes structurelles et une gestion budgétaire rigoureuse. Noté BB- par S&P, le Bénin a mis en œuvre une série de réformes pour améliorer son environnement des affaires et renforcer sa discipline budgétaire. Son taux d’endettement est de 54,91 % du PIB, bien inférieur à celui du Sénégal.

Avec une note de BB-, la Côte d’Ivoire continue de rassurer les investisseurs grâce à une croissance économique robuste (7,2 % en 2023) et une gestion prudente de sa dette. Ces comparaisons soulignent les défis auxquels le Sénégal est confronté pour regagner la confiance des marchés internationaux.

La perspective négative associée à la note B reflète les doutes de S&P quant à la capacité du Sénégal à mettre en œuvre son plan d’assainissement budgétaire. Les prochains mois seront déterminants pour évaluer la viabilité de la dette du pays et sa marge de manœuvre en matière de liquidités.

Cependant, des opportunités existent. Les nouveaux gisements de pétrole et de gaz, dont la production devrait commencer en 2025, pourraient stimuler la croissance économique et générer des recettes supplémentaires. Par ailleurs, un accord avec le FMI pour un nouveau programme de financement pourrait rassurer les investisseurs et stabiliser la situation financière du pays.

 

Amadou Camara Gueye

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