Publié le 3 Sep 2024 - 13:02
SUPPRESSION HCCT - CESE

Revers pour Diomaye

 

Démarche cavalière, motifs ‘’fallacieux’’, refus du Premier ministre de faire sa déclaration de politique générale. Voilà, entre autres, les arguments avancés par les députés de la coalition Benno Bokk Yaakaar pour rejeter le projet de loi portant suppression du HCCT et du Cese, avec une majorité de 83 voix contre 80 voix favorables au projet de Diomaye.

 

Benno fait bloc. Dans un élan unitaire, républicains, socialistes, progressistes, libéraux de Rewmi, hommes de gauche, tous ont oublié rancœurs et frustrations pour dire non au projet de Bassirou Diomaye Faye de dissoudre le HCCT et le Cese. Au-delà des questions de fond, beaucoup ont surtout dénoncé la forme et la démarche empruntées par le pouvoir actuel.

De l’avis du député Mamadou Cissé (BBY), le président Diomaye aurait pu trouver une solution, s’il s’était concerté avec le président de l’Assemblée nationale. Il peste : ‘’Nous ne sommes pas des députés nihilistes. Nous avons un grand respect pour les institutions de la République. Si vous nous proposez des projets allant dans le sens des intérêts des populations, nous allons les voter. Si vous nous apportez un budget, nous allons aussi le voter, parce que nous le faisons pour les Sénégalais.’’

Dans le même sillage, Ndèye Lucie Cissé du PIT (groupe BBY) a également fustigé la méthode jugée cavalière qui a été utilisée par le chef de l’Exécutif. Selon elle, le régime actuel doit apprendre à discuter avec les autres camps politiques. Embouchant la même trompette, le député de Saly, Ousmane Guèye, affirme : ‘’Moi, je connais bien le président Bassirou Diomaye Faye. Je connais sa famille. C’est un homme bien et discipliné. Il doit aussi savoir que le président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, est aussi très discipliné. Je pense qu’il doit apprendre à discuter avec lui. Qu’il sache qu’il est le président de tous les Sénégalais. Pas seulement des deux millions qui ont voté pour lui.’’

Il faut noter que les députés de BBY n’ont pas été les seuls à dénoncer la démarche utilisée dans la préparation de cette loi. Députée responsable au Parti démocratique sénégalais (PDS), Nafissatou Diallo a également fustigé le manque d’inclusion. ‘’On regrette la démarche. On pense qu’on aurait pu en discuter en amont. Nous l’avons appris en même temps que tout le monde et ce n’est pas normal. Aujourd’hui, je vais juste voter pour respecter la ligne de mon parti, mais aussi pour rester fidèle à mes convictions, parce que j’ai toujours demandé cette suppression. N’eût été ces raisons, je n’aurais pas voté, parce que je n’aime pas la démarche.’’ 

La crainte d’une crise institutionnelle

Parmi les députés de Benno, ils ont été nombreux à alerter sur les dangers qui guettent, si Pastef ne change pas ses méthodes. Pour Malick Fall (député BBY de Diourbel), l’absence de dialogue pourrait sérieusement entamer la marche des institutions. ‘’Certains craignent des blocages qui pourraient être préjudiciables aux institutions. Nous devons tous travailler pour l’éviter. Une crise n’arrange personne. Nous avons besoin que toutes les institutions fonctionnent. Le président de l’Assemblée est très correct. Le président de la République n’a qu’à le respecter et l’associer à certaines décisions majeures. Qu’il l’appelle pour ouvrir des discussions sur ces réformes relatives aux institutions. Il est bien possible de trouver des consensus. Il faut diminuer la politique et promouvoir l’intérêt de la population’’, a-t-il plaidé.  

Le Dr Malick Diop ne dit pas le contraire.  Selon lui, la crise s’installe déjà ; lentement, certes, mais sûrement. ‘’Aujourd’hui, ce qui se pose, c’est le problème de la crédibilité des hommes politiques et des députés. Les prémices de la crise sont là : on l’a vu avec la DPG qui n’a toujours pas été faite. Avec ce nouveau projet de loi, nous sommes à nouveau dans l’impasse. Il faut immédiatement initier une rencontre pour régler les problèmes majeurs’’.

Parmi ces problèmes, il y a le contrôle de l’exécution du budget, le vote de la loi de finances rectificative. ’’Aussi, alerte le Dr Diop, si les législatives doivent se tenir en 2024, il faut une loi pour le faire. C’est des questions qui doivent être prises en charge’’. 

En tout cas, à entendre le président du groupe parlementaire BBY, les choses risquent de s’aggraver. ‘’Dès demain (aujourd’hui), souligne Abdou Mbow, à la première heure, je vais déposer une motion de censure pour faire tomber le gouvernement. Ce gouvernement dirigé par un incompétent ne peut pas continuer à faire ce qu’il veut. Je vais déposer une motion de censure. Nous allons destituer le gouvernement’’.

YEWWI SUR LE DIALOGUE ET LE MANQUE DE RESPECT

Face aux accusations de BBY, les députés de Yewwi Askan Wi ont réagi en rejetant en bloc. Selon le président du groupe parlementaire Ayib Daffé, on ne peut accuser le président Diomaye de manque de courtoisie et d’élégance. Une affirmation réitérée par la plupart des députés issus de Pastef. ‘’Le président a de l’égard pour le président de l’Assemblée nationale et pour les députés. C’est pourquoi il a saisi l’Assemblée pour ce projet de loi. Il avait d’autres moyens de le faire, mais il ne l’a pas fait’’, a ajouté Fatima Mbodj, députée Pastef du département de Mbacké.

Bara Gaye, quant à lui, a estimé que ceci serait un faux débat. ‘’On ne peut pas reprocher au président Diomaye de n’avoir pas discuté avec les autres institutions. Chacun a son approche. Ce qui est clair, c’est que chaque président qui arrive à sa vision et il se donne les moyens de la matérialiser. Vous n’avez pas le droit de refuser au président Diomaye ce que les enfants de Wade n’avaient pas refusé à Macky Sall’’.

Par ailleurs, les députés de BBY ont également remis en cause la volonté du régime de rationaliser les institutions. À leur avis, si c’était vraiment la volonté, le nouveau régime allait aussi prendre en compte les fonds politiques, la suppression de certaines agences…

Pour Wilane, ce que Pastef est en train de faire, ce n’est ni plus ni moins que du ‘’tapale’’, de la ‘’ruse’’. Le député socialiste d’ajouter : ‘’La ruse, ça s’use et la ruse use. La ruse peut fonctionner à un moment, mais pas tout le temps. Nous attendons de vous de construire ce pays, pas de le déconstruire.’’ Le président du Conseil départemental de Kaffrine a également invité Pastef à moins de violence. ‘’Ce n’est pas par la violence que l’on conquiert et exerce le pouvoir. Ce qui est écœurant, c’est que tout ce que vous faites, vous le faites dans la violence. Nous sommes là pour faire face’’, a-t-il insisté.  

Mais s’il y a quelque chose qui est vraiment resté en travers de la gorge des députés de BBY, c’est le ‘’refus’’ par le Premier ministre de faire sa déclaration de politique générale. Ils ont été nombreux à dénoncer un ‘’précédent dangereux’’. De l’avis des parlementaires de BBY, le Premier ministre manque de courage pour venir faire face à la représentation nationale. Pour eux, il est en violation avec les dispositions de la Constitution.

Pape Djibril Fall a surtout insisté sur la nécessité de bien mûrir les projets et de ne pas faire la même chose que les précédents régimes qui, après avoir supprimé des institutions, les remettent.  ‘’On doit stabiliser définitivement. On ne doit pas supprimer pour supprimer. Le grand chantier, c’est la réconciliation. Réconcilier les Sénégalais entre eux. Réconcilier les Sénégalais avec les institutions’’.   

Lors de la séance d’hier, le groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar s’est montré très soudé. Elle a pu faire le plein de voix en obtenant 83 voix, lors du vote du projet de rejet de la loi constitutionnelle introduite par le président Bassirou Diomaye Faye. Pastef et ses alliés n’ont pu glaner que 80 voix. Ils en ont perdu deux, dont les auteurs ont fait des délégations qui n’étaient pas conformes.

La séance a cependant perturbé les schémas qui étaient en train de se construire entre le Parti socialiste originel et Taxawu Sénégal. Lors de la plénière, les piques du député socialiste Cheikh Seck ont mis les partisans de Khalifa Sall hors de leurs gonds. S’en est suivi une véritable passe d’armes, notamment entre Abba Mbaye et Yeya Diallo. À l’origine, M. Seck a sommé Taxawu de ne pas voter en faveur de la suppression du HCCT dirigé par leur leader, s’ils veulent une réconciliation conformément à la volonté de Khalifa Sall. Les partisans de Khalifa ont, à l’arrivée, voté en faveur de la loi introduite par Bassirou Diomaye Faye.

MOR AMAR

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