Publié le 6 Jul 2022 - 14:24
TABASKI

Moutons locaux inaccessibles, le Mali sauve les petites bourses

 

Les prix des moutons ont flambé au point de susciter de grandes inquiétudes auprès des pères de famille, jusqu’à l’arrivée des béliers venant du Mali. Une aubaine ! Mais malgré le défilé des potentiels acheteurs, les béliers s’écoulent au compte-gouttes. La faute  à des prix jugés ‘’exorbitants’’ par les clients. Une situation qui ne satisfait ni vendeurs ni acheteurs.

 

Dans moins d'une semaine, les fidèles musulmans vont  célébrer la fête de l’Aïd-El-Kébir. L’ambiance dans les maisons et dans les marchés en dit suffisamment long sur la dimension sociale de cet évènement religieux. Les bêlements de béliers se font entendre partout. Le grand jour approche à grands pas, mais la frustration semble être le sentiment le mieux partagé dans cette partie nord-est du pays.

Le marché de la ville de Matam est situé à un jet de pierre de la Mauritanie. Les Mauritaniens ont traversé le fleuve avec leurs troupeaux. Ils ont pris d’assaut la ruelle prolongeant la promenade Angle Fadel. Zayid est un Maure au teint bien clair qui comprend parfaitement le wolof. Il est venu vendre ses moutons. Mais jusque-là, le nombre de têtes vendues se compte du bout des doigts.

‘’Je suis ici depuis bientôt une semaine, mais je peux dire que nous ne vendons quasiment rien. Vous avez dû constater le défilé de clients. Mais la plupart viennent plus pour marchander que pour vraiment acheter. Les  prix de nos moutons ne sont pourtant pas chers. Mais vous voyez un client qui vient avec un budget de 50 mille, mais qui vise un gros bélier d’une valeur de 100 mille. C’est impossible. Nous avons des moutons pour toutes les bourses, mais on ne peut pas bazarder nos béliers. Nous payons des taxes, l’aliment de bétail, sans oublier les personnes qui nous accompagnent aussi. Pour le moment, ce n’est pas encore la grande affaire’’, déplora ce Mauritanien qui avait l’habitude de se rendre à Dakar sauf pour cette année. Une expérience qui est en train de prendre des allures de fiasco. ‘’C’est la première fois que je reste à Matam pour vendre mes moutons. Depuis plus d’une décennie, je me rends au marché Seras. Les deux dernières années, les choses avaient mal tourné pour moi. Il y avait une quantité importante de moutons invendus. Les pertes étaient énormes. Voilà pourquoi j’ai voulu expérimenter Matam, mais je dois avouer que ce n’est guère meilleur qu’à Dakar puisqu’ici les gens n’achètent pas, mais ils marchandent juste’’, a-t-il conclu.

Cette même désolation habite un autre compatriote à Zayid. Ould Mokhtar a le teint plus bronzé. En cinq jours, il n’a pas encore vendu plus de 10 têtes. Une situation qu’il explique par la préférence des populations pour les moutons élevés dans les maisons. ‘’J’espère que vous n’êtes pas venu marchander uniquement ? ‘’, lança-t-il dès qu’on s’est approché de lui avec un grand sourire. Les clients se font désirer, je n’ai vendu que huit béliers en cinq jours. Les gens viennent, nous font parler et en fin de compte, ils proposent un prix dérisoire. En réalité, ils préfèrent les moutons engraissés, élevés dans les maisons. Mais ces moutons sont hors de prix. Alors quand ils se rabattent sur nos moutons, ils refusent d’y mettre le prix. C’est la triste réalité du marché local’’, fait-il comprendre.

Il faut  au minimum 75 000 F CFA pour avoir un mouton

Dans un passé encore récent, le Fouta était un endroit où le prix du mouton était le plus bas du pays. Aujourd’hui, la tendance a changé. Les prix ont connu une hausse vertigineuse en un temps record. Selon Amadou Ball, les spéculations ont fait un grand mal aux populations locales. ‘’Avant, le mouton se vendait à de petits prix. Je me rappelle, il y a moins de sept ans, avec 40 mille francs, on avait un bon bélier. Mais aujourd’hui, les moutons qu’on nous vend à 75 mille francs présentent un aspect peu attractif. C’est terrible pour les petites bourses’’, dit-il dans l’espoir qu’il trouvera un à bon prix.

Les vendeurs ne se frottent pas encore les mains. Une situation qui devrait donner le sourire aux clients. Pas du tout. Si l’on se fie à Saidou qui n’a pas encore trouvé de mouton malgré un budget de 60 mille. ‘’J’ai de l’argent, mais je ne parviens pas à avoir un mouton. Les prix sont hors de portée pour les petites bourses. Je préfère les moutons qui sont élevés, mais d’après ce que j’ai vu, c’est impossible pour moi d’en trouver. Alors quand je vais chez les vendeurs mauritaniens, on me dit des prix exorbitants ou ils me proposent un mouton maigrichon pour 60 mille. Je ne suis pas prêt à mettre le prix qu’ils réclament. J’ai sué pour avoir cet argent’’, a-t-il fait savoir presque emporté par la colère.

En effet, le tour que nous avons effectué dans les points de vente nous a permis de connaitre la réalité des prix. Les coûts semblent excessifs pour la plupart des habitants. C’est parce que des opérateurs quittent la capitale et viennent acheter les moutons engraissés pour les revendre à Dakar à un prix presque doublé. Aujourd’hui, le prix minimum d’un bélier tourne autour de 75 mille francs. Ce que confirme M. Thiam, enseignant de son état. ‘’Je suis revendeur de moutons. Je pars dans les villages reculés pour y acheter des moutons. Mais maintenant, les prix qu’on trouve là-bas sont même plus excessifs que dans les villes. Je pense que cela est dû à la hausse du prix du sac de foin’’

Finalement, à moins d’une semaine, le marché du mouton est encore calme. Une situation qui ne fait ni l’affaire des vendeurs encore moins  celle des clients.

Djibril Ba

 

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