Crépues, et alors ?
Parti du monde anglo-saxon, le mouvement "nappy" gagne l'Afrique. Le principe : cesser de se défriser à grand renfort de produits chimiques et arborer fièrement ses cheveux naturels.
Quand elle a ouvert le premier salon de coiffure de Dakar spécialisé dans les cheveux naturels, en juillet 2010, Minielle Tall n'aurait jamais pensé qu'il aurait un tel succès. « On a de plus en plus de clientes », témoigne-t-elle. Situé dans le quartier chic des Almadies, l'espace Elle Émoi est devenu l'une des adresses tendance du moment. La jeune entrepreneuse explique avoir comblé un manque. « À chaque fois que je me présentais dans un salon classique, les coiffeuses poussaient de grands soupirs, et celles qui étaient disposées à me coiffer commençaient par prendre un petit peigne et un séchoir : deux ennemis jurés pour une crinière naturelle », raconte-t-elle.
Depuis 2006, Minielle est une « nappy », une femme heureuse avec ses cheveux naturels - le terme est né de la contraction des deux mots anglais « natural » et « happy ». Autrement dit, elle a renoncé à défriser et à lisser ses cheveux naturellement crépus avec des produits chimiques et n'utilise plus aucun cosmétique susceptible de nuire à leur bonne santé.
Blogs
La tendance nappy est apparue dans les pays anglo-saxons (aux États-Unis et en Angleterre) au début des années 2000, avant d'être amplifiée par internet et les réseaux sociaux, où les femmes échangent informations et conseils. Journalnappygirl .com, blackbeautybag.com ou transitioningmovement.com sont parmi les sites les plus connus sur le sujet.
Le phénomène a traversé les frontières pour gagner l'Afrique, et les Sénégalaises, en particulier dans la capitale, sont en tête du mouvement. « C'est grâce aux blogs que j'ai su comment m'occuper de mes cheveux dans leur état naturel, explique Téclaire, nappy et blogueuse dakaroise. Leur influence est grandissante, et leur rôle, inestimable. » Juliette Sméralda, sociologue et auteure de Peau noire, cheveu crépu : l'histoire d'une aliénation (paru en 2005), constate que, « cette fois, ce sont les diasporas qui ont donné le ton. D'habitude c'est plutôt le contraire ».
Khadija, étudiante en marketing, vit dans le quartier populaire des Parcelles-Assainies, au nord-est de Dakar. En avril 2010, elle a décidé de « passer au naturel » et a coupé ses cheveux, qui avaient été défrisés. Cette étape, essentielle, est celle du big chop. « Quand je suis arrivée dans le quartier avec mes cheveux courts et crépus, se souvient Khadija, les gens disaient tout de suite que je n'étais pas d'ici. Aujourd'hui, cela les choquerait moins car on voit de plus en plus de filles avec des coupes afro ou totalement rasées. »
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