Publié le 22 Jan 2013 - 20:00
THIERNO LO, EX-MINISTRE DU TOURISME SOUS WADE

''Abdoulaye avait bouleversé le socle de nos institutions''

 

 

Dans la suite de l’entretien accordé à EnQuête, l’ex-ministre du Tourisme, Thierno Lo, revient sur les tripatouillages de la constitution ainsi que le comportement de Abdoulaye Wade au Palais de la République.

 

 

Abdoulaye Wade avait ''dévoyé les institutions''. C'est le sentiment de Thierno Lo, ex-ministre du Tourisme et de l’Artisanat. Dans la suite de l'entretien qu'il a accordé Enquête, l'ancien collaborateur note que Abdoulaye Wade avait ''bouleversé le socle de nos institutions. Il avait tripatouillé la Constitution, il disait qu'un gouvernement c'est pour venir apprendre''.

 

Évoquant son comportement au Palais, il dit : ''Abdoulaye Wade dialoguait avec 80% des Sénégalais. La journée, il reçoit en audience, la nuit, ce sont les citoyens sénégalais qu’il reçoit. Il était en relation avec les lutteurs, les familles religieuses, les commerçants. Pour chacun de ces secteurs, Abdoulaye Wade avait réservé un tiroir.'' Ainsi, poursuit-il, s’il y a quelque chose que Macky Sall a fait ''d’extraordinaire, c’est d’avoir redonné au Palais sa sacralité''. Autre chose qu'il approuve aussi chez Macky Sall, c'est de ne pas étaler les délibérations du Conseil des ministres dans la presse. Cependant, faisant allusion à la traque des biens supposés mal acquis, Thierno Lo refuse qu’on veuille considérer tous ceux qui étaient avec Abdoulaye Wade ''comme étant des voleurs''. ''Il faut que l’on fasse la part des choses'', souligne-t-il.

 

Revenant sur la promesse du président de créer 500 000 emplois pour les jeunes, l'ancien ministre indique : «Aucun candidat n’est en mesure de créer 500 000 emplois. Ce qu’il doit faire, c’est d’aider les entreprises privées nationales à avoir des chantiers afin qu’elles puissent vivre. Faire de sorte que notre pays gagne la confiance des bailleurs de fonds pour qu’ils viennent investir». L’ancien responsable libéral, aujourd’hui membre de la Convergence démocratique Bok Guis Guis(Cbgg), prend l’exemple du secteur de l’artisanat qui, selon lui, pourrait être pourvoyeur d’emplois. «Je me suis aussi battu pour qu’on puisse permettre à nos artisans de participer à l’appel d’offre pour la fourniture de mobilier de bureau de l’Administration. On mettrait fin au produit importé de Dubaï».

 

Mais ce projet n’a pas abouti, car «des lobbies ont tout fait pour l’empêcher». Qui sont-ils? «Ce sont ceux qui sentaient leurs intérêts menacés par les artisans du pays dont le travail est plus solide que ce qui est fait à l’extérieur. C’est pourquoi j’étais combattu quand j’étais au ministère», confie l’ancien ministre, qui dit avoir interpellé son collègue de l’Économie des Finances ainsi que le président de la République, à l’époque. Autre secteur qui pourrait contribuer à combattre le chômage, selon M. Lo, c’est le Tourisme à travers la promotion des «destinations multiples». «Je disais à mes homologues africains qu'ils ne pouvaient pas se permettre de faire, en solo, la promotion de la destination du Mali, du Bénin, de la Gambie, etc. Ce qu’il faut, c’est de tourner le regard vers la zone ouest-africaine, en faisant la promotion de destinations multiples, en mettant en place un fonds de développement sous-régional», indique l’ancien ministre.

 

Mais le développement de ce secteur passe nécessairement par une hausse du budget du Département. «On parle du développement du Tourisme sénégalais, en se comparant au Maroc, à la Tunis et à tant d’autres, alors qu’on n’a pas mis les moyens pour vendre la destination du Sénégal», constate, pour le regretter, le président du Conseil rural de Darou Mousty. «Avec tout ce tralala, l’État ne prévoit que 200 millions pour la promotion du tourisme à travers le Bci (Budget consolidé d’investissement). Le reste vient de la nuitée, que le touriste verse quand il passe à l’hôtel, qui est de 600 F Cfa». Un montant qu’il dit avoir hissé à 1000 F Cfa avant d'avoir quitté le ministère. Chaque année donc, le budget de l’Agence nationale pour la promotion du Tourisme(ANPT) tourne autour de 700 à 800 millions de F Cfa, là où, déplore-t-il, le Maroc tourne avec un budget de 10, 20 à 30 milliards.

 

Sur un autre registre, le responsable de Cdbgg critique cette propension des nouvelles autorités à vouloir présenter le Sénégal comme le «Sénégal le plus kleen», à travers sa politique de bonne gouvernance qu’elles prônent. «C’est faux ! dixit M. Lo. Allez aux États-unis ! Je ne suis pas entrain de légitimer la corruption -les investissements à ses règles, ses intermédiaires, ses lobbies- pour que les investisseurs puissent venir et pour que des marchés puissent être gagnés ». Et «si vous voulez déroger à ça, c’est comme si vous essayez de dévoyer un train sur des rails», avertit l’ancien ministre, qui en veut pour preuve la situation morose du pays. «Aujourd’hui, nous avons installé la suspicion, le contrôle, l’inquisition, jusqu’à ce que tout le monde se méfie. On dit que l’argent ne circule pas, c’est vrai ! Même le commerçant qui veut travailler avec l’État a peur, car il craint de ne pas être payé», se désole-t-il.

 

DAOUDA GBAYA

 

 

 

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