Publié le 9 Apr 2012 - 14:38
TIKEN JAH FAKOLY, REGGAEMAN

''S'il y avait des Y'en a marre partout en Afrique. . .''

 

En visite à Dakar pour notamment fêter la démocratie sénégalaise, et après un beau et merveilleux concert à la ''Cool session'' initiée par Didier Awadi, mercredi dernier au Balajo, le reggaeman Tiken Jah Fakoly s'est confié à EnQuête juste avant de reprendre son vol. Le rasta ivoirien apprécie la nomination de Youssou Ndour comme ministre de la Culture, et donne son avis sur l'actualité politique récente au Sénégal et au Mali.

 

 

Le Sénégal vient d’élire son nouveau président de la République. Qu'en dites-vous ?

 

On est fière des Sénégalais, parce que tout le monde s’attendait au pire. Mais les Sénégalais ont prouvé qu’ils aiment leur pays et qu’ils préfèrent passer par les urnes au lieu de se faire taper dessus dans les rues. C’est une superbe expérience et un bon exemple pour le reste de l’Afrique. C’est très dommage de voir qu'après les élections, au lieu que les gens fêtent, les familles sont endeuillées. Je pense que tout le monde doit prendre exemple sur le Sénégal. Si la démocratie a réussi, ici, elle peut bien réussir ailleurs en Afrique. Il y a des gens qui disent que la démocratie ne peut pas réussir en Afrique mais le Sénégal vient de leur montrer le contraire. Si cela ne réussit pas ailleurs, c’est parce qu’il y a une volonté de ne pas y arriver. La cause est à chercher dans le comportement de certains hommes politiques.

 

 

Le président sortant a appelé son challenger pour le féliciter. Comment appréciez-vous ce geste ?

 

Vous m’avez vu sur scène, j’ai félicité le gagnant et le perdant. Je pense que c’est très important. Quand on vient de la Côte d’Ivoire, on est obligé de respecter aussi le perdant, celui qui a donné le coup de fil. Ce coup de fil, nous en Côte d’Ivoire on l’a tellement attendu en vain. Il nous a coûté des morts. Moi, je pars du Sénégal avec un sentiment de fierté. La démocratie prend un coup au Mali et le Sénégal nous fait honneur et montre que c’est possible de rester démocrate. On est très heureux.

 

 

Justement, le Mali, votre pays d’accueil, est secoué actuellement par un coup d’État militaire. Quels sentiments vous habitent ?

 

La situation au Mali, elle est assez triste. C’est tout ce que je peux dire. J’ai de la famille là-bas et je suis un soldat en guerre. Je n’ai pas le droit d’engager ma famille. Je n’ai pas le droit de mettre en danger mes enfants, ma famille. Tout ce qu’on peut dire, c’est que c’est triste. Le Mali, c’était vingt ans de démocratie. Le Mali était un exemple. J’espère que les Maliens trouveront une solution à cette situation, c’est tout ce que je peux dire.

 

 

Pensez-vous que le président déchu, Amadou Toumany Touré, mérite ce qui lui arrive ?

 

Non, ATT (diminutif d'Amadou Toumani Touré) ne méritait pas cela. Tout le monde sait qu’il était décidé de partir pendant qu’il y en a qui cherchent à s’accrocher. Pour une fois, je ne veux pas me mêler à ces choses-là car je risque de mettre en danger ma famille.

 

 

Le chanteur Youssou Ndour vient d’être nommé ministre de la Culture et du Tourisme du Sénégal, comment appréciez-vous sa nomination ?

 

Très souvent, les gens casent les artistes dans un registre de chanteurs, de danseurs ou d’amuseurs publics. Il faut que les gens sachent que les artistes peuvent aussi proposer. Youssou s’est engagé pour la présidentielle, sa candidature a été rejetée. Il a battu campagne pour un candidat qui lui a fait confiance pour lui confier le ministère de la Culture et du Tourisme. On va voir ce que ça va donner. Mais en tout cas, c’est un homme de culture qui est au ministère de la Culture. On lui souhaite bonne chance et on souhaite qu’il nous honore. Parce que s'il réussit, d’autres artistes seront honorés dans d’autres pays.

 

 

Que pensez-vous de la lutte citoyenne que mènent de jeunes artistes sénégalais regroupés au sein du mouvement Y'en a marre ?

 

C’est un combat historique, parce que pour la première fois en Afrique, des jeunes gens ont pris la parole. J’ai été là-bas, aujourd’hui (NDLR : au quartier général de Y'en a marre, mercredi 4 avril) avec Didier Awadi pour leur rendre visite. Je leur ai apporté tout mon soutien. Je les ai félicités. Je leur ai dit aussi de continuer parce qu’ils vont servir d’exemples à beaucoup de jeunes africains. Et je pense que s’il y a des mouvements Y'en a marre dans tous les pays, les jeunes iront dire à leurs frères et à leurs potes : ''Ne nous entre-tuons pas''. Mais que s’ils sont ensemble, ils peuvent constituer une force contre les hommes politiques. Je pense qu’ils ont posé un acte historique. Je les encourage. J’espère qu’il y aura des mouvements comme cela dans tous les pays africains.

 

BIGUÉ BOB

 

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