La défense de Karim Wade
EnQuête détient copie du mémoire de Karim Wade en réponse à la mise en demeure du Procureur spécial près la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI). Le document de 42 pages, contrairement aux 3 000 pages évoquées dans la presse répond, point par point, et souvent de manière laconique, aux différentes accusations consignées dans la mise en demeure adressée par le procureur Alioune Ndao.
Le Procureur spécial impute à Karim Wade la propriété de quinze sociétés. En effet, la mise en demeure adressée à l'ancien ministre d’État affirme que ''le poids financier disponible de ses sociétés en F Cfa'' est de six-cent soixante-quinze milliards huit-cent dix millions cent-cinquante mille six-cent soixante-quatorze (675 810 150 674) F Cfa''. Dans leur réponse, Karim Wade et ses conseils font remarquer que l’élément «sociétés» de son ''prétendu patrimoine constitue 97,4% du patrimoine total'' qui lui est imputé. Le fils de l'ex-président fait un autre contre constat : ''Les sociétés Dp World Dakar Sa et les sociétés AHS constituent à elles seules plus de quatre-vingt onze (91)% du montant du patrimoine total imputé''. De fait, pour toute réponse, Karim Wade affirme qu'il ''n’est actionnaire d’aucune de ces quinze (15) sociétés'' que sont : DP World Dakar SA, les Sociétés Ahs (Ghana, Jordanie, Sénégal, Bénin, Rca, Ge, Bissau, Niger), Adge, Bmce Capital/Blackpearl, Abs Sénégal, An Média Sa (CANAL Info), Daport Sa, Cd Média Group.
En outre, Karim Wade conteste le montant du patrimoine qui lui est attribué. ''Malgré la demande qui a été expressément faite lors de la consultation, au Procureur spécial, il n’a été mis à disposition du ministre d’Etat Karim WADE aucun élément objectif permettant d’apprécier la notion de «poids financier disponible» qui n’existe dans aucune nomenclature financière ou juridique ou comptable et qui a conduit à l’imputation d’un patrimoine exagéré de six-cent quatre-vingt treize milliards neuf-cent quarante-six millions trois-cent quatre vingt-dix mille cent-soixante quatorze francs (693 946 390 174) F Cfa'', indique le document. Selon Karim Wade, ''il ne ressort pas des procès-verbaux d’audition ou de la note de synthèse des enquêteurs, qu’il a été fait recours à des experts pour procéder à une telle évaluation sur place dans les sociétés concernées, ou sur pièces''.
Le projet ''Eden Roc''
Ainsi, le mémoire de Karim Wade évoque également le projet ''EDEN ROC'', pour contester tout ''intérêt économique ou financier avec le projet''. L'immeuble situé au centre-ville est la propriété de la société HARDSTAND SA qui, selon la mise en demeure, est la propriété de Karim Wade. Il a été évalué à la somme de treize milliards cent cinquante millions treize milliards cent cinquante millions (13 150 000 000) F Cfa par Maître Papa Abdoulaye Malick Yade, l’expert immobilier désigné dans le cadre de l’enquête.
Le parc automobile
La mise en demeure du Procureur spécial impute à Karim Wade la propriété de huit véhicules: une Porsche Cayenne, une BMW série 5, trois GMC DENALI, une Chevrolet, une Ford pick-up, une GMC Yukon. Le tout évalué à 555 000 000 F Cfa. Ce que l'ancien ministre conteste : ''il n’y avait aucune pièce, aucun document indiquant la moindre évaluation des voitures qui lui sont imputées et/ou attestant que le parc automobile de huit (8) véhicules pourrait avoir une valeur de cinq cent cinquante cinq millions (555 000 000) de F Cfa'', explique la note. Ainsi, Karim Wade estime que ''l’évaluation est à vue d'œil surévaluée à dessein''. En outre, l'ancien ministre affirme que 2 parmi les 8 véhicules cités sont la propriété de Me Abdoulaye Wade. Il s'agit de la Chevrolet immatriculée DK-1081-AE et du GMC immatriculé DK-2360-T. La Porche et la BMW série x5, poursuit le document, ''sont des cadeaux personnels de Chefs d’État étrangers offerts à titre privé et intuitu personae''. Tandis que ''les trois véhicules GMC DENALI ainsi que la Ford Ranger sont des voitures acquises par Me Abdoulaye WADE, ancien président de la République du Sénégal''.
Biens immobiliers
Le patrimoine immobilier de Karim WADE, selon la mise en demeure du Procureur spécial, est de 3 maisons à Dakar (un immeuble à la rue 10 à Dakar, deux villas contiguës au Point-E), un appartement à Paris, 3 terrains nus à Dakar (un terrain de 3 000 m2 situé en bordure de la VDN, un terrain de 5 000 m2 situé dans le lotissement Aéroport Yoff Dakar, un terrain appartenant à la société DAHLIA situé sur la Corniche Fenêtre Mermoz) et un immeuble en centre-ville évalués à quinze milliards cent soixante sept millions sept cent quatre vingt quinze mille (15 167 795 000) francs Cfa. ''L’ensemble des biens immobiliers imputés à tort au patrimoine du ministre d’État Karim Wade ont fait l’objet, en tout état de cause, tout comme les voitures, d’une fausse évaluation'', indique le document. Car, Karim Wade ne reconnaît que deux biens immobiliers parmi ceux déjà cités. Il s'agit de l’immeuble sis à la rue 10 à Dakar et de l’appartement sis à Paris situé rue de la Faisanderie dans le 16ème arrondissement. ''Ces deux propriétés, précise le mémoire, ont été acquises à partir de revenus licites''.
Section de Recherches de la Gendarmerie
''La Section de Recherches de la Gendarmerie Nationale ne remplit donc pas les conditions légales exigées par le décret n°81-829 du 18 août 1981, pour accomplir des actes de police judiciaire dans le cadre d'une enquête menée dans le but de rechercher des biens dont la preuve de l’origine licite pourrait être demandée au propriétaire''. De ce fait, Karim Wade et ses conseils estiment que ''les procès-verbaux établis sont nuls et de nul effet'', car la section de recherches n'est ''pas une brigade spéciale''.
Ils citent la loi 81-54 du 10 juillet 1981 sur la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite qui dispose en son article 5 que : ''Saisi d'une dénonciation, d'une plainte ou par toute autre voie prévue par la législation en vigueur ou agissant d'office, le Procureur spécial fait procéder à une enquête préliminaire en adressant des instructions écrites à des fonctionnaires de la hiérarchie A ou des officiers de police judiciaire, procédant soit à titre individuel soit dans le cadre de brigades spécialisées, dans des conditions précisées par décret N°81-839 du 18 août 1981 relatif à la création et à l‘organisation de Brigades spécialisées pour la recherche des enrichissements illicites''.
Le document cite le décret n°81-829 du 18 août 1981. il prévoit en son article 3 : «Les membres de ces brigades sont désignés par les ministres dont ils relèvent et sont nommés par arrêté du ministre chargé de l’Intérieur». Son article 4 stipule : «Chaque Brigade est placée sous l’autorité d’un commissaire de police ou d’un officier de la gendarmerie nationale. Chaque brigade comprend deux (02) officiers de police judiciaire détachés de la gendarmerie, deux (02) officiers de police judiciaire et deux (02) inspecteurs des impôts et domaines». Le Procureur spécial près la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite, poursuit la note, ''a fait mener l’enquête préliminaire par la Section de Recherches de la Gendarmerie Nationale qui a mis en place sa propre équipe d’enquêteurs, en violation du décret susvisé''.
Gaston COLY
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