Publié le 6 Sep 2019 - 00:04
VIOLENCES EN AFRIQUE DU SUD

La racine est ailleurs…

 

La xénophobie refait surface dans la première puissance industrielle de l’Afrique. Et les oubliés du système se trompent de combat. La plateforme Avenir Senegal Bi Nu Begg invite l’Etat sénégalais à réagir, tandis qu’Adha l’invite à recenser les potentielles victimes sénégalaises.

 

L’Afrique du Sud renoue avec ses vieux démons. Les 1er, 2 et 3 septembre 2019, le pays de Nelson Mandela a été le théâtre de violentes attaques d’autochtones contre des étrangers africains. Armés de machettes et de haches, ils ont pillé et brûlé une cinquantaine de magasins, des entreprises et de gros-porteurs appartenant à ceux qu’ils considèrent être des envahisseurs. Le bilan provisoire fait état de 5 morts, 200 personnes arrêtées et de nombreux blessés. Ces actes xénophobes ont eu lieu à Pretoria, au centre-ville et au quartier Alexandra de Johannesburg, un endroit réputé pour son fort nombre de ressortissants africains.

Pour le président sud-africain Cyril Ramaphosa, ces attaques sont ‘’totalement inacceptables’’. Selon lui, ‘’s’en prendre aux étrangers n’est pas la bonne attitude. Tout le monde est bienvenu en Afrique du Sud’’, surtout que ‘’le pays n’est pas le seul qui accueille des habitants qui fuient leur pays’’.

Cette flambée de violence inquiète plusieurs pays africains dont le Nigeria qui a rappelé hier son ambassadeur, le Botswana et le Zimbabwe. Dans la même optique, l’Ong Adha (Action pour les droits humains et l’amitié) exhorte la population sud-africaine ‘’à faire preuve de retenue et interpelle les autorités compétentes à ouvrir une enquête, afin que toute la lumière soit faite sur ces actes odieux’’. Elle demande, en outre, aux autorités sénégalaises d’identifier les éventuelles victimes sénégalaises et de recenser tous les migrants sénégalais.

Au Sénégal, la plateforme Avenir Senegal Bi Nu Begg est montée au créneau et exige du gouvernement une convocation sans délai de l’ambassadeur de l’Afrique du Sud au Sénégal. Ce, pour lui remettre une lettre de protestation officielle au nom du peuple sénégalais. Une démarche qui, selon elle, devrait s’étendre à tous les Etats africains, pour amener le gouvernement sud-africain à prendre ses responsabilités. Avenir Senegal Bi Nu Begg craint surtout que d’autres pays africains ne se croient obligés de réagir contre les intérêts des Sud-Africains. ‘’Au moment où toute l’Afrique tente de renforcer son unité, les comportements agressifs et barbares des Noirs sud-africains contre leurs frères africains ne peuvent être ni justifiés ni tolérés’’.

La plateforme rappelle aux Sud-Africains racistes et xénophobes que ‘’les Africains ont consenti d’importants efforts, durant les moments sombres de l’Apartheid, pour leur apporter le réconfort et la solidarité qu’ils étaient en droit d’attendre de leurs frères africains’’, affirme-t-elle.

Un mal beaucoup plus profond

Le pire, dans cette explosion de violence, est que la première puissance industrielle de l’Afrique est coutumière des faits. En 2015, ce même type d’actes de violence a coûté la vie à 7 personnes à Johannesburg et à Durban (Nord-Est). Sept ans plus tôt, 62 personnes ont péri dans des émeutes xénophobes. Les attaques d’Alexandra sont le résultat d’une tension latente entre Sud-Africains pauvres et chômeurs, vivant dans des conditions précaires, et travailleurs africains tenant pour la plupart de grands commerces. Un mal profond, puisque ces autochtones peinent à atteindre le niveau de vie des étrangers qui, pour leur part, ne font que travailler pour vivre décemment.         

Si, dès son accession au pouvoir, le 15 février 2018, le nouveau président Cyril Ramaphosa a posé des actes forts dans le but de faire la lumière sur ce vol organisé, il n’en demeure pas moins que l’économie sud-africaine est encore bancale, donc loin d’être inclusive. Sans compter la confiance envolée des investisseurs. Autant d’équations à résoudre dans le pays, face à une jeunesse pauvre et oisive.

Si, hier, Mandela s’est battu toute sa vie contre l’Apartheid, force est de constater qu’aujourd’hui encore, des millions de noirs Sud-Africains sont exclus des circuits de production et de distribution des richesses.

Cet état de fait est-il dû à la présence d’Africains qui ont fui leur pays ou au gouvernement sud-africain ? Ceux qui ont dénoncé les pratiques racistes des Blancs sud-africains retournent aujourd’hui leurs armes contre leurs frères noirs. Paradoxale certes, mais ne dit-on pas, en Afrique, que ventre affamé n’a point d’oreilles ?

EMMANUELLA MARAME FAYE

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