Publié le 22 Feb 2012 - 16:59
LA REVANCHE D’OLESEGUN OBASANJO

Wade, l’arroseur arrosé

Olusegun Obasanjo tient enfin sa revanche. Arrivé hier mardi à Dakar à la tête d’une mission d’observation électorale de l’Union africaine, l’ancien président nigérian a rendu à « son ami Abdoulaye » la monnaie de sa pièce. Et ce à cinq jours d’un scrutin présidentiel à hauts risques. En 2006, le maître d’Abuja avait dû la mort dans l’âme renoncer à briguer, au mépris de la constitution, un troisième mandat ; sous la pression de la rue certes, mais aussi sur les instances de ses pairs africains, le « Gorgui » en tête. Et il en avait conçu une intense amertume.

 

Six ans plus tard, on rejoue donc la même scène, mais en inversant les rôles. «Si le président Wade m’a alors invité à ne pas me présenter, persifle Obasanjo, sans doute est-il le mieux placé pour se conseiller lui-même. » Plus perfide encore, le chef de file de la quarantaine de vigies de l’UA suggère que « si nécessaire », et « en raison de la situation sur le terrain », il pourrait ne pas être qu’un « simple observateur » ? Mais à quel rôle songe-t-il ? Médiateur ? Candidat du recours ?

 

Le clan du sortant sénégalais a flairé le danger. Pour preuve, ce commentaire aux allures de mise en garde de son porte-parole Serigne Mbacké Ndiaye : « Nous attendons Obasanjo à bras ouverts, mais resterons fermes sur certains principes. » A commencer par le maintien de la candidature d’ « Ablaye » et le non-report de l’échéance. A propos de principes, Wade, donneur de leçons universel, n’en a jamais manqué. Du moins pour les autres. En juin 2011, il fut ainsi le premier chef d’Etat à débouler à Benghazi, berceau et bastion de l’insurrection qui embrase la Libye. Là, dans sa grande sagesse, il somme « les yeux dans les yeux » Muammar Kadhafi, ce Frère-Guide jusqu’alors couvert d’égards, de se retirer : « Plus tôt tu partiras, mieux ça vaudra. »

 

Faîtes ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais… Bien sûr, l’honnêteté commande de ne pas pousser le parallèle outre mesure. En dépit de la dérive monarchique du Gorgui, le Sénégal demeure une terre de pluralisme. Ce que ne fut jamais la Jamahiriya libyenne, arabe, populaire et socialiste. De même, il semble prématuré de décréter que Wade se « gbagboïse » ; référence à l’entêtement suicidaire d’un Laurent Gbagbo, que d’ailleurs l’aîné sénégalais abreuva lui aussi de recommandations. Reste que le vent mauvais qui souffle sur le pays de la Teranga a déjà balayé d’autres contrées subsahariennes. Et qu’il charrie d’inquiétants effluves.

 

Vincent Hugueux (L’Express)

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