Publié le 30 Dec 2012 - 18:35
MOULAYE ABASSE BOUGHOURBAL, NOUVEAU CONSUL HONORAIRE DU SÉNÉGAL À NOUADHIBOU :

''Je ferai en sorte que les Sénégalais puissent se sentir à l’aise en Mauritanie''

 

 

La communauté sénégalaise vivant à Nouadhibou (470 km au nord de Nouakchott) compte environ plus de 20.000 personnes, en majorité des pêcheurs guet-ndariens (Saint-Louis). Depuis plus de deux décennies, les Sénégalais résidents dans cette ville stratégique où convergent les candidats à l’immigration irrégulière n’ont cessé de solliciter, de l’État sénégalais, la nomination d’un Consul honoraire qui puisse prendre en charge leurs préoccupations et être un relais pour l’Ambassade du Sénégal à Nouakchott. Aujourd’hui, c’est chose faite avec l’accession de Macky Sall au pouvoir. Moulaye Abasse Boughourbal, président de la Fédération des opérateurs de pêche à Nouadhibou, homme d’affaires influent, a été nommé, depuis septembre dernier, Consul honoraire du Sénégal dans cette ville. Le tout nouveau Consul s'est prêté à nos questions.

 

 

Vous avez été nommé Consul honoraire du Sénégal à Nouadhibou, appuyé par de nombreux Sénégalais d'ici. Cela représente quoi pour vous ?

 

C’est un honneur qu’un pays voisin, ami et frère comme le Sénégal me fasse ainsi confiance. C’est donc une mission que je vais assumer avec plénitude et persévérance. Je travaille avec beaucoup de Sénégalais et beaucoup de Sénégalais travaillent avec beaucoup de Mauritaniens, aussi bien ici qu’au Sénégal ou à l’étranger. Nous nous sommes toujours retrouvés et cela nous a permis de nous rapprocher. Il y a pas mal de problèmes à résoudre cependant. Certains Sénégalais sont là depuis une quarantaine d’années, d’autres depuis quelque temps seulement. Je pense qu’il y a un rôle à jouer pour faire la jonction entre les «vétérans» et les nouveaux.

 

Que peuvent attendre de vous les Sénégalais de Nouadhibou ?

 

Je vous répondrai en deux mots : le maximum pour régler des problèmes auxquels ils font face.

 

Vous êtes homme d’affaires, opérateur économique avec tout ce que cela comporte comme charges et occupations, comment pourriez-vous concilier votre vie professionnelle et celle de Consul honoraire ?

 

Vous savez, dans notre vie professionnelle, on nous a toujours appris qu’une direction doit diriger mais ne doit pas exécuter. C’est pour vous dire que ce consulat doit être occupé par M. Moulay Zeine qui est un fonctionnaire des Affaires étrangères avec une très grande expérience, qui vient d’être décoré, par Monsieur le président de la République, de l’ordre national du mérite lors de la commémoration de la fête de l’indépendance de la Mauritanie (28 novembre, ndlr). Il a travaillé avec nous pendant une dizaine d’années et a rejoint l’administration par la suite. Il a été, pendant cinq ans, Secrétaire Général du ministère des Affaires Étrangères de la Mauritanie, Gouverneur de Nouakchott. Il a été également Secrétaire du ministère de la Communication et des Relations avec le Parlement, son dernier poste avant sa retraite il y a une quinzaine de jours (l’interview a été réalisée le 1er décembre 2012, Ndlr.) Polyglotte, M. Moulay sera épaulé par El Hadj Kébé (président de l’Association des Sénégalais de Nouadhibou ndlr) qui assurera la liaison avec la communauté sénégalaise vivant ici à Nouadhibou. Donc comme vous voyez, mon rôle sera réduit à un rôle de représentation et d’organisation. La force d’un dirigeant, c’est de savoir diriger et de ne pas faire le travail des autres. Nous allons donc renforcer ces équipes si cela est nécessaire par d’autres personnes. J’ai d’ailleurs demandé à Son Excellence Kane de mettre à notre disposition un bon spécialiste du ministère de l’Intérieur du Sénégal pour que l’équipe soit complète et nous prendrons en charge la rémunération. Cette personne pourra venir de temps en temps ici pour régler les problèmes d’État civil au profit des Sénégalais de Nouadhibou.

 

Nouadhibou est une ville stratégique, un point de passage des clandestins vers l’Europe. Mieux, la communauté sénégalaise pêcheur est plus importante à Nouadhibou qu’à Nouakchott, la plupart d'entre eux sont ici, à Nouadhibou, sans papiers. Comment comptez-vous vous y prendre?

 

Nous travaillons avec les pêcheurs sénégalais et depuis quelque temps, les autorités mauritaniennes, pour des problèmes de sécurité, ont décidé de mettre en place un système de biométrie. Qu’on soit sénégalais ou mauritanien, malien, marocain, gambien, algérien, asiatique ou européen, il devient nécessaire que quelque soit l’individu ou sa nationalité, qu’il puisse prendre les papiers légaux pour sa propre sécurité et sa protection. Donc notre rôle va se cantonner à aider les Sénégalais à disposer de papiers pour être en règle vis-à-vis de la réglementation mauritanienne. Notre rôle sera également de coopérer avec les autorités mauritaniennes pour que les clandestins puissent repartir à leur point d’origine très rapidement. Au point de vue sécuritaire, je pense qu’un travail énorme a été déjà fait ici à Nouadhibou. Actuellement, on ne constate plus de départ d’immigrés clandestins à partir de Nouadhibou depuis quelques années. C’est le fruit d’une très grande coopération entre l’Union européenne, particulièrement l’Espagne et le Maroc, ainsi que la Mauritanie qui fait qu’un verrouillage complet a été fait à partir de nos côtes. Et je pense que ce système doit être renforcé suite au développement que Nouadhibou attend, c’est-à-dire la mise en place d’une zone franche qui fera en sorte que cette ville sera cernée par une surveillance stricte contre non seulement  le mouvement des immigrés mais aussi contre la contrebande. En plus, géographiquement, Nouadhibou est une presqu’île, donc la surveillance est beaucoup moins difficile que dans les zones où il y a 1000 ou 1200 km de désert, où n’importe qui peut passer par des montagnes ou des forêts. Donc, je pense que ce verrouillage qui a été fait par les autorités mauritaniennes contre les clandestins, contre la contrebande qui se faisait, a porté ses fruits et une très grande coopération s’est développée avec tous les pays riverains et l’Union européenne.

 

A en croire certains observateurs, depuis longtemps vous attendiez cette nomination. Est-ce un appui de l’actuel ambassadeur du Sénégal en Mauritanie, Mamadou Kane?

 

Absolument. Je crois que l’Ambassadeur du Sénégal en Mauritanie en a été pour beaucoup. En effet, nous avons beaucoup travaillé ensemble, notamment dans le cadre du développement des relations au niveau de la pêche. Tout comme nous avons également des objectifs pour développer les relations commerciales entre les sociétés mauritaniennes et sénégalaises, parce qu’il faut qu’une coopération Sud-Sud se développe et que chacun y trouve un résultat positif. Si on n’a pas cette coopération, nous serons toujours obligés de tendre la main aux Européens, aux Américains et à d’autres pays. Je pense que nous avons beaucoup de richesses dont certaines sont renouvelables, d’autres ne le sont pas. Mais je crois que nous avons assez de matière grise, assez d’ingénieurs, assez de docteurs, assez de techniciens qu’il faut fixer. Nous allons créer de l’emploi, de la richesse parce que nous avons assez de territoire. Il est temps qu’on commence à exporter vers l’Europe l’énergie qui coûte très cher et qui est renouvelable chez nous. Nous allons également développer l’agriculture pour qu’il y ait une autosuffisance alimentaire dans nos villages, nos villes, nos petites banlieues de Nouakchott, de Saint-Louis ou de Dakar. Nous allons également faire de sorte que tout le monde ait de l’électricité et que nos enfants puissent avoir de l’électricité le soir pour faire leurs petits devoirs, et avoir la chance de réussir. Je crois que c’est cette chance qu’il faut développer.

 

 

IBOU BADIANE

 

 

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