Les trois suspects encourent six mois de prison
Arrêtés lors d’une manifestation organisée devant le Rectorat de l’Université Cheikh Anta Diop, trois nouveaux bacheliers non orientés risquent six mois de prison ferme pour coups et blessures volontaires et destruction d’édifices appartenant à l’État.
Au lieu des amphithéâtres, Lamine Touré, Moussa Sarr et Boubacar Fall risquent d’avoir une place en prison. Les trois nouveaux bacheliers ont été arrêtés le 19 mai dernier, lors d’une manifestation organisée devant le Rectorat de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, pour exiger leur orientation. Mais les événements ont tourné au vinaigre. Car, a expliqué Lamine Touré, le porte-parole des bacheliers non orientés, ‘’alors que nous voulions rencontrer le recteur, les vigiles se sont rués sur moi en nous taxant de rebelles’’. Poursuivant son récit devant la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar, il a révélé que les vigiles l’ont roué de coups. ‘’C’est ainsi que mes camardes ont commencé à jeter des pierres pour me faire libérer’’, a ajouté le prévenu.
‘’Aviez-vous besoin d’aller en groupe pour rencontrer le recteur d’autant que vous êtes le porte-parole ?’’ lui demandent les juges. Le prévenu de rétorquer qu’ils ont pensé que c’était la seule façon pour eux d’être reçus par le recteur qui, dit-il, avait «promis de les orienter tous avant de se rétracter». ''Lors d’une première audience, il nous avait demandé de constituer une liste de 12 délégués. Mais quand nous sommes partis à son bureau, il n’a pas voulu nous recevoir. C'est pourquoi nous avions décidé de nous y rendre en masse'', a ajouté Lamine Touré.
Le prévenu a contesté avoir commis un quelconque acte de vandalisme. ‘’ Cela fait cinq mois que nous manifestons mais c’était toujours sans violence. Nous scandions : «Laissez-nous entrer, nous voulons étudier.» Moussa Sarr a abondé dans le même sens en réfutant tout acte de violences. Quant à Boubacar Fall, il a réfuté sa participation à la manifestation. ‘’Au moment des faits, j’étais au campus en train de réviser des cours d’anglais car je prépare le concours d’entrée à l’Ecole nationale d’administration’’, s’est défendu le bachelier. Aussi a-t-il expliqué ses aveux faits à la police par un mauvais traitement qu’ils auraient subi, ses co-prévenus et lui.
30 millions réclamés par l’État
Pour l’Agent judiciaire de l’Etat, c’en est trop de voir des citoyens s’en prendre aux édifices de l’Etat à chaque fois qu’ils veulent défendre leurs intérêts personnels. C’est pourquoi, Babacar Bâ a réclamé la somme de 30 millions de francs Cfa au titre de préjudice matériel. L’AJE a aussi demandé le franc symbolique pour la réparation morale. La représentante du parquet a sauté sur l’occasion pour déplorer l’attitude des étudiants qui, pour un oui ou un non, versent dans la violence en détruisant tout sur leur passage, a souligné le substitut Ndèye Kansou Kamara. ‘’L’Université n’est pas un champ de bataille mais un Temple du savoir’’. Convaincue que les prévenus ont voulu passer à la vitesse supérieure pour être orientés de gré ou de force, elle a requis six mois ferme. Un réquisitoire qui a plongé les trois étudiants dans un désarroi total, surtout pour Lamine Touré qui voit ses rêves d’étudier à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et de devenir géographe anéantis.
Ce réquisitoire a été contesté par la défense qui a évoqué non seulement un problème d’imputabilité des faits, mais aussi pose la question de la matérialité des faits. Pour Mes Bamba Cissé et Massokhna Kane, ni un certificat médical attestant les coups et blessures volontaires ni un constant d’huissier concernant les dommages ne sont joints au dossier. Par conséquent, Me Kane a trouvé ‘’scandaleux et honteux que l’Etat, devant son échec et sa grande défaillance, puisse réclamer 30 millions à des jeunes qui ne demandent qu’à étudier’’. Quant à Me Cissé, il a renchéri en ces termes : ‘’Dans cette affaire, c’est l’aspect pédagogique qui doit primer sur la répression’’. Délibéré, mercredi 5 juin.
FATOU SY