Un regain de violence aux allures de psychose
Depuis quelques semaines, les habitants du quartier Liberté 6 extension ne dorment plus que d’un seul œil, à cause de multiples cas d’agressions de vols. Immersion dans une localité prise de court.
Liberté 6 extension, il est 16h. Une calme étrange règne dans le quartier. Rien ne montre qu’ici, les gens vivent dans la psychose de vols répétés et d’agressions violentes. La peur est là et même cette brise estivale qui caresse les visages en porte les stigmates. Derrière le comptoir de sa boutique, le Guinéen Barry s’adonne à l’arrangement de quelques articles.
Après un exercice productif d’installation d'une confiance mutuelle, le moment semble opportun pour aborder le sujet de l‘insécurité dans le quartier. Un sujet qui intéresse le boutiquier, au point qu’il décide de tout laisser en plan pour faire un brin de causette. Barry est un témoin privilégié. ‘’Pas plus tard que dimanche dernier un voleur d’antennes de télévision à été attrapé par les jeunes du quartier’’. A peine a-t-il fini son propos, qu'une voix rauque attire notre attention. C'est celle de Saliou Camara, un ami de Barry qui somnolait au fond de la boutique.
Saliou a fait partie de la bande de jeunes qui ont tabassé le voleur. Il raconte : ‘’ C’est à 5h passées du matin, juste après la prière, qu’un jeune du quartier est venu devant le portail de la mosquée en courant pour demander de l’aide. Très vite, les jeunes sont allés à la poursuite des voleurs au nombre de 3’’. Si deux malfrats ont pu s’échapper, tel n’a pas été le cas du troisième larron. Les jeunes du quartier lui feront passer un sale quart d’heure, avant de l’acheminer au commissariat de police.
Imam El Hadji Bâ : ''On a l’impression que ce sont des actes planifiés''
Dans ce quartier jouxtant la route du Front de terre et situé entre Grand-Yoff et la VDN, ce ne sont pas que les voleurs qui sèment la terreur. Les agressions également font partie du lot des désagréments subis quotidiennement dans le quartier. La dernière agression en date est celle de l’épouse d’un marabout Mbacké-Mbacké dépossédée de ses atours devant sa demeure. La clef de sa voiture a été emportée et les pneus troués. La semaine suivante une autre personne, cette fois-ci moins chanceuse, a été violemment agressée, toujours près de sa demeure.
L'homme est toujours interné à l’hôpital. ''Ce qui est bizarre, c’est qu’on a l’impression que ce sont des actes planifiés. Ces deux derniers mois, plusieurs habitants du quartier ont été agressés devant le portail de leurs maisons’’, renseigne Imam El Hadji Bâ, sur un ton chargé d’étonnement. Le formateur à la Faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (FASTEF), rappelle que vendredi dernier, le discours de l’imam principal du quartier, Habib Ly, a été axé sur la violence dans le quartier. Ce qui donne une idée de la préoccupation des populations de la Liberté 6 extension, fondée au tout début des années 80.
Le paradoxe des 2 casernes jouxtant le quartier
Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre, le quartier Liberté 6 extension cohabite avec 2 casernes. L’une est occupée par des militaires, l’autre par des gendarmes. Paradoxalement, les malfrats se plaisent bien à semer le bordel sur les lieux. L’on s’interroge alors sur le concept de sécurité humaine et ses sens réels. En tout cas dans ce quartier, personne ne se l’explique. Jadis réputé paisible, le quartier Liberté 6 extension a basculé dans la violence ces derniers mois avec une fréquence inquiétante. ‘’Nous avons été pris de court par cette montée de violence, nous n’avons pas vu le phénomène venir, ce zone a toujours été paisible’’, s’exclame le chef de quartier Birane Wane. Sa villa étant l’une des premières constructions du quartier, le septuagénaire a du mal à expliquer le phénomène. Un exercice auquel l’Imam ElHadji Bâ a tenté de donner des pistes.
De la nécessité d’installer un poste de police et de lutter contre la délinquance.
Sous son Djellaba rappelant les princes arabes, l’imam Bâ estime que les origines de cette insécurité sont à chercher dans le prétexte toujours fourni par la police de ne disposer d’aucun élément à chaque fois qu’elle a été interpellée. Une police bien éloignée puisse qu’il s’agit de celle de Dieuppeul dont dépend le quartier. L’autre élément évoqué par l’imam-formateur à la FASTEF, est d’ordre moral. Choisir d’agresser au lieu d’aller travailler relève d’une moralité défaillante, à son avis. Autres facteurs pouvant justifier les agressions répétées à la L6 extension, c’est la présence pléthorique des étrangers. La pauvreté galopante et généralisée également n’est pas étrangère au phénomène, souligne Imam Bâ.
A ca, le vieux El Hadji Diangane Ndiaye, trouvé devant sa maison, ajoutera le banditisme développé par de jeunes gens du quartier qui s’adonnent à la drogue. Toutefois, le chef de quartier et les habitants, ont entrepris des efforts en vue de faire face à la situation avec promptitude. C’est ce qui explique la récente réunion tenue par les habitants du quartier. Entre autres mesures émanant de cette rencontre, une prise en charge efficiente des agressions à travers une redynamisation et une jonction des associations phares du quartier.
Mais aussi et surtout des démarches nourries en vue de la création d’un poste de police dans le quartier. Pour ce dernier, les populations reposent beaucoup d’espoirs tout comme sur l’éclairage public et la construction de routes en lieu et place de ces axes cahoteux. 22h, le jour passe et s’écoule. L’immersion prend ainsi fin et le retour est entrepris à travers les pénombres jusqu’à la route du front de terre. Après avoir arpenté ces chemins déserts et sinueux, qui cahotent et qui hoquètent, on se rend à l’évidence : cette peur est fondée. Elle est contagieuse. Personne n’y échappe.
Amadou NDIAYE