La résistance s'organise
Le coup d'Etat du 22 mars provoque la colère d'un grand nombre de Maliens. Même si une partie de la population fait preuve d'une grande bienveillance. Reportage à Bamako.
"Vous êtes tous des lâches !" Quelques jeunes entrent dans la cour de la bourse du travail de Bamako, en sueur et en colère contre ceux qui refusent d'aller manifester devant le siège de la télévision publique (ORTM), gardé par les militaires du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE). Lundi matin, le rassemblement d'avertissement aux militaires qui ont renversé le président Amadou Toumani Touré dans la nuit du 21 au 22 mars était confus et peu suivi dans ce lieu historique de la contestation au Mali. "Les gens ont peur de montrer leur mécontentement à cause des tirs des jours précédents," pense Fatoumata Mah Diallo, une franco-malienne arrivée de France en plein coup d'Etat. Depuis hier soir on travaille à communiquer, à envoyer des textos, à créer des groupes Facebook pour que les Maliens sortent manifester pacifiquement. Nous ne sommes par contre ces militaires. Tout ce que nous voulons c'est le retour de la démocratie parce que nos parents se sont battus pour ça. "
En ce 26 mars jour de commémoration du soulèvement sanglant des Maliens contre le régime dictatorial du général Moussa Troaré en 1991, certains se verraient bien martyrs. "Ils quittent ou on meurt !" crie un jeune entre deux hymnes national. Finalement, personne n'ira à l'ORTM. "Ce n'est pas de la peur. Les dirigeants politiques veulent qu'on soient mieux organisés et qu'il y ait plus de mobilisation avant de marcher", témoigne Mahamadou Diallo. Au même moment dans la rue, la foule réclame la présence de caméras en voyant arriver des militaires sur des pick-up. Aussitôt hués, ils partent sous les applaudissements après que deux pierres se sont abattues sur leurs véhicules.
Slogans hostiles au chef de la junte
La bienveillance attentiste de la population à l'égard de la junte jure avec la pluie de condamnations venues aussi bien de l'Union africaine que des pays occidentaux. "Le cimetière des expériences politiques africaines est rempli de transitions militaires qui ont mal tourné, écrit l'ONG International Crisis Group pour qui le putsch est une régression spectaculaire pour un des pays les plus avancés dans la région en matière de consolidation de la démocratie électorale et de la résolution des conflits par le dialogue politique". Après des slogans hostiles au chef de la junte, le capitaine Amadou Aya Sanogo, les manifestants de la bourse du travail se sont dispersés en début d'après-midi. Parmi eux, le fils d'un ministre arrêté - comme d'autres personnalités politiques - par le CNRDRE. "D'après les militaires ils sont bien traités mais je me dis que si c'était le cas ils n'auraient jamais entamé une grève de la faim", rapporte-t-il, en évoquant "les cerveaux qui sont derrière ça et ont encouragé les militaires". Il compte rester mobilisé dans les prochains jours. "Je suis obligé de m'engager, qu'est ce que j'aurais à perdre s'il arrivait quelque chose à mon père ?"
(Avec Slateafrique)