Le travail de vies entières, parti en fumée !
C’est à la surprise générale que le marché central de Sandaga s’est embrasé vendredi dernier en début de soirée. Ravageur, l’incendie, qui a persisté jusqu'à ce dimanche dans les sous-sols, a dérobé à de nombreux marchands ce qui était, souvent, leur seule source de revenus.
Consternation. Incompréhension. Résignation. Le choix des mots, même juste, peine à exprimer la myriade de sentiments par lesquels passent à l’heure actuelle les marchands de Sandaga, victimes d’un grave incendie qui s’est déclenché vendredi soir. Le sinistre, car c’en est un, a touché les trois niveaux du marché central, réduisant en cendre le gagne-pain d’une centaine de personnes. On recensait hier plus de 150 cantines touchées par les flammes. Pire encore, bien que maîtrisé sur le coup de minuit, grâce à l’action combinée de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers, sous la houlette du colonel Senghane Diagne, et des marins pompiers des Forces françaises du Cap-Vert, le feu brûlait encore, d’après nos sources, dimanche dans l’après-midi.
Il faut dire que le manque de bouches d’incendie et l’inaccessibilité de certaines parties du site a grandement ralenti le travail des soldats du feu, malgré la centaine d’éléments et les 10 camions pompes mobilisés. Les sous-sols, gravement touchés par les flammes, auraient même été carrément interdits d’accès aux quelques marchands voulant s’y aventurer pour espérer retrouver des vestiges de leurs biens. On peut aisément alors imaginer leur désespoir, au vu d’un marché, pour citer le colonel Diagne, «complètement détruit».
Un sentiment exacerbé par le fait que certains d’entre eux, revenus en catastrophe dès qu’ils ont appris la nouvelle, ont passé plus d’une nuit blanche. Chassés par les flammes, ils ont été nombreux à avoir erré dans les rues environnantes (Émile Badiane, Sandiniéry et avenue Lamine Guèye) jusqu’au petit matin. Ils ont été visités, tour à tour, par de nombreux hommes politiques venus (ou non), leur apporter un bien maigre soutien. Selon leur identité, certains ont été mieux accueillis que d’autres. Nos sources rapportent notamment que le maire de Dakar, Khalifa Sall, a été hué et a essuyé des jets de pierres de la part des commerçants, tandis que Farba Senghor, venu prêcher la bonne parole pour le compte de son mentor, s’est vu prêter une oreille attentive…
Ambiance explosive
L'ambiance est donc quasi explosive à l’heure actuelle, se prêtant parfaitement à la circulation des raisons les plus folles sur les causes du sinistre. Si la version officielle, servie ce week-end par le Commandant Madoro Fall, ancien capitaine de la 43e compagnie d'incendie et de secours de Sédhiou, veut que les causes du sinistre «ne soit pas encore connues», la rumeur veut, elle, que l’incendie ne soit pas de cause naturelle, mais plutôt provoqué. Selon l’Agence de presse sénégalaise (APS), d’aucuns soutiendraient ainsi que le feu a été allumé «pour riposter contre l’arrêt préfectoral», alors que d’autres sont d’avis que ce sont les pouvoirs publics, eux-mêmes, qui sont les pyromanes, dans le but de «fermer définitivement» le marché.
A l’heure qu’il est, bien sûr, personne ne peut prouver quoi que soit, en ce qui concerne lesdites allégations. En ce qui concerne les faits tangibles et concrets, néanmoins, il est clair que ce sont malheureusement des centaines de millions en marchandises perdus… Selon certains responsables du marché, les dégâts pourraient même s’évaluer au milliard.
SOPHIANE BENGELOUN
RÉACTIONS Les politiques s'en donnent à cœur joie Un incendie comme celui qui a ravagé le marché Sandaga est du pain béni pour les politiciens, surtout ceux en mal de popularité ou en perte de vitesse. Le sinistre de vendredi dernier n'a pas dérogé à la règle. Si on a pu relever des réactions mesurées, notamment de Rewmi, qui s'affirme de plus en plus comme un opposant au régime de Macky Sall, celle de Ibrahima Sène du PIT a détoné. Le secrétaire chargé des questions économiques au PIT a tout bonnement réclamé la tête du préfet de Dakar qu'il tient pour responsable. ''Il faut relever le préfet de ses fonctions et l’incriminer d’incendie involontaire parce que cet incendie était sous sa responsabilité'', a-t-il déclaré le lendemain du sinistre. Il a ensuite invité le Procureur de la République à s’autosaisir pour situer ''les commanditaires et les exécutants de cet incendie criminel''. La réaction du préfet ne s'est pas fait attendre. Considérant cette polémique autour de l'origine de l'incendie comme "un débat de bas étage", Alioune Badara Diop s'est dit ''ahuri et déçu qu'une personne de cette qualité (Ibrahima Sène) puisse s'attarder sur une radio, pour porter des accusations aussi graves sur une autorité de la République". Sur la Rfm, le préfet a rappelé qu'il est un ''délégué du chef de l'Etat, représentant de tous les ministres'', avant de laisser entendre qu'un préfet ne peut s'adonner à mettre le feu sur un marché. ''C'est quand même inadmissible et inconcevable", a-t-il dit. "Que quelqu'un puisse accuser une autorité administrative censée préserver l'ordre, la sérénité et le calme, protéger les populations contre le danger et le mal, d'être derrière un feu de marché, a ajouté le préfet, c'est extrêmement grave''. Passé dans l'opposition, le parti Rewmi de Idrissa Seck s'est fendu d'un communiqué émanant de son secrétariat à la communication pour souffler sur les braises. Le maire de Thiès et son parti de dire que, ''suite à l’incendie survenu au marché Sandaga, le parti Rewmi exprime toute sa solidarité à la population sénégalaise, en particulier aux commerçants et travailleurs de ce grand symbole de l’économie nationale''. Ce n'est pas tout, car après le soutien exprimé à l'endroit des marchands de Sandaga et leurs clients, la même source ajoute que ''Rewmi exige la diligence d’une enquête pour connaître les causes de l’incendie et situer les responsabilités le cas échéant''. Dans la même veine, le Parti démocratique, à travers un communiqué, a exigé le dédommagement et le recasement immédiat des victimes de l'incendie de Sandaga. Ne croyant aucunement à la thèse d'un accident, le PDS exige également une ''enquête sérieuse qui pourra identifier la source de l’incendie et le cas échéant punir sévèrement les responsables du crime''. Gaston COLY
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