Un manque à gagner énorme pour le Sénégal
Le Mali est le principal client du Sénégal en matière d’exportation au sein de l’UEMOA. Avec l’embargo diplomatique et économique que la CEDEAO a infligé au Mali, le Sénégal perd un partenaire économique de taille.
Lors de leur rencontre lundi à Dakar en session extraordinaire, les chefs d’Etat et de gouvernements des pays de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) ont pris la décision d’appliquer un embargo diplomatique et économique contre le Mali, jusqu’à l’établissement de l’ordre constitutionnel. Par acte, la CEDEAO entend "asphyxier" économiquement un pays dont 80 à 90% des produits de grande consommation passent par les ports d’Abidjan et San Pedro (Côte d’Ivoire) et Dakar (Sénégal). Si les Maliens vont durement subir ce blocus économique, tous les pays de la sous-région vont en souffrir, surtout le Sénégal, qui est un partenaire économique de taille avec le Mali.
En effet, ‘’le Mali reste le premier client du Sénégal dans la sous-région’’ en matière d’exportation, selon la ‘’Note d’analyse du commerce extérieur portant sur l’année 2010’’ de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD). Qui ajoute : ‘’Sa part dans les exportations vers cette partie du continent s’est hissée à 56% en 2010 contre 48% en 2009’’. En effet, sur les 332 milliards de francs Cfa d’exportation du Sénégal vers les pays de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA), les 248 milliards le sont en direction du Mali, soit 75% ‘’du total des exportations vers l’Union’’, selon l’ANSD. Ces exportations sont principalement constituées de produits pétroliers pour 115 milliards de francs Cfa et de ciment pour 80 milliards de francs Cfa. Viennent ensuite des produits comme le sel, les poissons fumés, les denrées alimentaires, entre autres.
Ainsi, si la direction du Mali est fermée, le manque économique à gagner sera énorme pour le Sénégal, qui va systématiquement arrêter ses exportations vers ce pays. Car depuis l’éclatement de la crise ivoirienne en 2002, le port de Dakar était devenu le passage obligé des marchandises en direction du Mali. Et depuis cette crise, pas moins de 1500 milliards de francs Cfa de marchandises sont passés au Sénégal pour le Mali. Un volume tel que les Entrepôts sénégalais au Mali (ENSEMA) furent créés pour renforcer leurs capacités de stockage, avec la réception de leurs premières chaînes de froid composées de six chambres froides d’une capacité totale de 1200 tonnes. Ce, sur une superficie de 6 hectares avec 14 hangars de 1200 m2 d’une valeur de 13 millions d’euros.
“Naturellement, le transport et le commerce seront les secteurs les plus touchés. Mais les transferts de fonds et les professions libérales vont en souffrir“, analyse Ousmane Sy Ndiaye, secrétaire permanent de l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (UNACOIS). “Ni le Mali, ni les pays de la CEDEAO n’ont les moyens de faire face à cet embargo. Les commerçants du Sénégal ont besoin d’échanger avec le Mali et avec cet embargo, nos entreprises exportatrices vont se retrouver sans clients“, explique le Secrétaire permanent de l’UNACOIS, faisant l’analyse des conséquences de cet embargo. “Pour travailler avec les autres pays de la sous-région, les commerçants sont obligés de contourner le Mali, ce qui entraîne des pertes énormes“, ajoute-t-il. Déjà, les opérations qui étaient en cours entre les deux pays ont été arrêtées. Avec ce flux important entre le Sénégal et le Mali, l’économie du Sénégal va en pâtir.
ALIOU NGAMBY NDIAYE