Publié le 18 Dec 2013 - 16:13
MODOU DIAGNE FADA (PDT GROUPE PARLEMENTAIRE PDS)

 «On ne sait pas où va le Sénégal»

 

Pourquoi résumer le dialogue entre APR et PDS, alors qu’il n'y a pas un leader de l’opposition officiellement désigné ?

Aujourd’hui, la situation est claire. Depuis les élections législatives, la majorité s’appelle Benno Bokk Yaakaar, l’opposition est incarnée par le PDS qui dispose d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Si nous étions assez bien considérés, on allait faire appel à nous de façon formelle pour dire : ‘’Vous qui représentez l’opposition, venez, nous allons discuter’’. De plus, ces concertations étaient destinées à avaliser une décision déjà prise.

Avant même de reporter ces élections locales, le Premier ministre avait dit à travers les ondes de RFI qu'elles seraient reportées au mois de juin en anticipant sur les concertations. Ce qui semble être une grave erreur de communication de sa part. Le chef de l’Etat a été plus mesuré, puisqu’à Taïba Ndiaye, il a parlé de premier semestre de l’année 2014. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas participé à ces concertations. 

Lors de la célébration des 5 ans de l’APR, le président de la République a tendu la main à l’opposition. Mais le message n’était pas clair. Il faut formaliser ces appels au dialogue. Il faut écrire au secrétaire général national du PDS et à partir de ce moment une réponse formelle lui sera apportée. C’est comme si quelque part, il y avait des forces obscures qui retiennent la main du Président.

Quelles sont ces forces obscures ?

J’ai toujours dit que le pays ne marche pas, parce qu’il est pris en tenaille par des forces centrifuges qui vont dans tous les sens. Il y a des partis qui sont dans Benno Bokk Yaakaar qui ne veulent pas de rapprochement entre le PDS et le président Macky Sall.

C’est connu. C’est de bonne guerre. Nous aussi, nous jouons notre rôle dans l’opposition, puisque c’est là où le peuple nous a renvoyés. Nous respectons sa volonté. Malheureusement, le pays ne marche pas, les réformes ne passent pas. On ne sait pas où le pays va.

Apparemment, le discours du ministre du Budget sur les investissements financiers à venir ne vous a pas convaincu.

Mon ami Matar Cissé est dans son rôle, en tant que  ministre du Budget. Moi, aussi. Je suis le président du groupe parlementaire des libéraux et démocrates,  le principal groupe de l’opposition. Ce qui serait grave, c’est d’avoir la même position sur le devenir du pays. Je constate que les conditions ne sont pas réunies pour une croissance stable et forte.

Pour que le Sénégal soit un pays émergent, il faut qu’il ait une croissance à deux chiffres durant plusieurs années. A un moment donné, nous étions à 6 voire 7%, mais avec un hivernage catastrophique, nous sommes tombés très bas. Aujourd’hui, nous sommes à 4%, ça frémit un peu. Attendons de voir le taux de croissance de l’année prochaine.  Avec la mauvaise qualité des semences, le boycott des huiliers, on risque  d’assister à une famine.

Les problèmes judiciaires de certains de vos responsables ne tempèrent-ils pas votre ardeur ?

Je fais partie des responsables du parti qui considèrent qu’il y a le temps de la justice et le temps de la politique. Si nous nous occupons seulement de ceux qui sont arrêtés et mis en prison, nous ne sortirons pas de Dakar, nous ne massifierons pas le Pds, encore moins préparer les élections locales. Nous avons l’habitude de ces arrestations. Il faut que l’on s’en occupe à travers nos avocats, des visites qu’on leur rend, des déclarations et des marches qu’on pourrait éventuellement organiser. Il faut aussi que l’on s’occupe du parti !

Il y a des responsables libéraux qui négocient avec le régime en douce.

C’est normal. La vie est ainsi faite. Il y a des gens qui négocient, c’est vrai. Ils discutent peut-être avec le régime, mais ils le font à titre personnel. Le parti n’a mandaté personne pour discuter en son nom, ni pris la décision de négocier avec qui ce soit sur quoi que ce soit.

Par contre, que des individualités se rencontrent, discutent et échangent, c’est normal. Parce qu’on ne peut pas enchaîner des gens chez eux pour leur dire de ne recevoir personne. Ce qui est clair, c’est que le jour où le PDS discutera avec le régime, ce sera connu de tout le monde. Nous n’en sommes pas encore là.

Seriez-vous candidat à la succession de Me Wade au poste de secrétaire général national ?

Chaque chose en son temps ! Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de préparation des élections locales, de réorganisation du parti. Il ne me semble pas opportun d’annoncer ma candidature au poste de secrétaire général national.

Je risque de jeter la confusion dans les rangs du parti. Attendons le moment venu, quand on va démarrer la vente des cartes, je serai plus à l’aise de répondre de façon définitive à cette question. Par contre, au niveau du PDS, je suis de ceux qui militent pour la séparation de poste de secrétaire national et candidat du parti.

Pourquoi ?

Pour moi, ce n’est pas parce qu’on est secrétaire général du parti qu’on est forcément le candidat du parti. Dans les partis modernes comme en France, ça se passe comme ça. C’est vrai, il peut, à travers des primaires, être le candidat. Mais aussi, il peut ne pas l’être.

Quel est le profil, parmi ces deux, qui vous intéresse le plus ? 

Je suis intéressé par la massification du parti, son rajeunissement, le toilettage des textes..

Vous n’avez pas encore répondu à ma question.

Si je devais me donner une mission, ce serait la mise à disposition d’un instrument fonctionnel qui peut porter un discours, un programme. Le PDS est un grand parti, mais qui est redevenu normal. Le PDS au pouvoir, c’était 1,5 million voire 2 millions de militants. Aujourd’hui, nous tournons autour de 300 000 militants.

Y avait-il un leurre sur les chiffres ?

Le parti était très gonflé. Aujourd’hui, on est devenu un parti normal. Si nous devions faire de nouvelles cartes de membre, les chiffres tourneraient autour de 500 000 à 600 000. Même avec ça, nous risquons d’être le plus grand parti. Nous l’avons prouvé lors des législatives avec 300 000 voix, là où la coalition Benno Bokk Yaakaar avec les grands partis, APR, PS, AFP, Rewmi, n’a totalisé que plus d’un million de voix.

C’est-à-dire que le PDS seul représente le 1/3 de ces partis dans cette coalition. Pris individuellement, le PDS reste le principal parti du pays. C’est ma conviction. Toutefois, il faut savoir qu’il est difficile de gagner seul des élections. L’heure est aux grandes alliances. Il faudrait que le PDS se mette dans les dispositions pour conquérir intégralement le pouvoir ou partiellement.

Qu'est-ce à dire ?

Nous avons plusieurs formules. Nous pouvons avoir notre propre candidat au premier tour, nouer des alliances pour le second tour. Tout comme nous pouvons aussi soutenir un candidat de la famille libérale si notre candidat ne passait au second tour. Dans ce cadre, chaque parti doit se réorganiser. C’est pourquoi je vous disais tantôt que le chantier qui m’intéresse le plus, c’est celui de la réorganisation parce que c’est une force politique importante qu’il faudra remettre sur les rails.

Il faudra d’abord vous entendre sur la désignation du leader.

Il n’y a pas mille formules pour trouver le leader. Soit tous ceux qui ont des ambitions se mettent ensemble autour d’une table et discutent pour arriver à un consensus. Soit on trouve une formule pour être départagé par les militants, à travers des primaires ou par un congrès.

Vous semblez ignorer Karim Wade à qui son père souhaiterait confier les rênes du  parti.

Ce sont des rumeurs. En tout cas, son père ne m’a jamais dit qu’il avait l’ambition de donner le parti à Karim Wade. Ce dernier aussi ne m’a jamais dit que son ambition était de diriger le PDS. Ce qui est sûr par contre, c’est que Me Wade restera éternellement l’inspirateur du PDS.

En coulisses, des responsables ne seraient pas très pressés de voir Karim libre.

C’est faux ! L’incarcération de Karim gène tout le monde. Ça nous fait perdre beaucoup de temps et beaucoup d’énergie. Nous sommes mobilisés pour son élargissement. Karim fait partie des espoirs les plus sûrs du parti. Compte tenu de ce qu’il peut apporter pour le pays, sa place n’est pas la prison.

Ousmane Ngom et Souleymane Ndéné Ndiaye ne participent plus à vos rencontres. Pourquoi ?

Ils ne sont plus les seuls absents. Je respecte leur raison. En ce qui me concerne, je continue à venir aux rencontres. Ousmane Ngom, cela fait longtemps qu’on ne s’est pas parlé au téléphone ; par contre, il m’arrive de parler assez régulièrement avec le Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye.

Comment comprenez-vous que Ousmane Ngom ait pu quitter le Sénégal alors qu’il est frappé d’interdiction de sortie au même titre que d’autres ?

Ça m’a surpris. Je ne sais pas comment il s’est débrouillé pour avoir une autorisation de sortie du territoire.

Cela est gênant ?

Reconnaissez qu’au niveau du PDS, nous avons plusieurs personnalités, avec des tempéraments différents. Certains se réclament légitimistes, d’autres wadistes, d’autres simples libéraux. Moi, j’assume ma ligne de modération et de responsabilité. D’autres sont très virulents. C’est ce qui fait le parti. Il y a des gens qui sont dans le PDS et qui y restent, d’autres nuitamment négocient, d’autres qui ont fait des promesses, d’autres qui ont créé des mouvements et qui attendent le premier claquement de Macky pour le rejoindre. En ce qui me concerne, j'ai décidé de rester au PDS et de me battre.

Jusqu’à quand ?

Seul Dieu sait. Je suis un homme politique qui a capitalisé une certaine expérience dans l’opposition, à l’assemblée et au gouvernement. Je souhaite les retrouvailles libérales. Je suis maître de mon destin à part Dieu. Je serai  libre, en fonction des situations d’ici 2017, d’apprécier. Je souhaite que le PDS gagne la présidentielle en 2017 ou en coalition. Donc, je travaille pour rester au maximum 5 ans dans l’opposition.

Je ne fais pas de la politique pour rester éternellement dans l’opposition. Je fais de la politique pour gagner, gouverner et apporter ma pierre à l’édification d’un Sénégal prospère. (FIN)

PAR DAOUDA GBAYA      

 

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