‘’Comment je vois l’évolution du hip-hop sénégalais’’
De son vrai nom El hadji Habib Guèye, Biba Arif est un rappeur sénégalais établi en France depuis quatre ans. A Paris, il essaie de tisser sa toile. Il a monté sa bande et preste dans les salles. En vacances au Sénégal, l’un de ceux qui ont fait les beaux jours du hip-hop est passé dans les locaux d’EnQuête pour un entretien. Il nous parle de son expérience européenne, le changement dans sa musique, ses rapports avec les autres rappeurs.
Vous êtes actuellement au Sénégal dans quel cadre ?
Je suis venu voir mes parents. Je suis resté 18 ans sans voir mon père. Ma mère aussi, cela faisait cinq ans que je ne l’avait pas vue. Mes amis me manquaient aussi. L’ambiance dans les rues de Dakar. Tout cela me manquait et m’a poussé à revenir. Je projette de me produire aussi dans des cabarets.
Depuis la sortie de votre premier album, vous aviez disparu de la scène musicale sénégalaise. Où étiez-vous ?
Juste après la sortie de cet album, j’ai monté un groupe. Je pense que je suis l’un des premiers membres du mouvement hip-hop à me produire dans des clubs ou bars-restaurants. Entre 2008 et 2009, je jouais déjà au Balajo, VIB, Casino, Papayer, etc. J’ai joué dans divers endroits avant de voyager. Quand j’ai décidé de m’installer à l’étranger, je suis d’abord allé à Paris.
Ensuite, je suis parti m’y installer. J'ai joué dans une boîte de Paris qui recrutait des musiciens de toutes nationalités, grâce à l’ancien bassiste du ''Missal'' de la Patte d’Oie, Samba Laobé. C’est là-bas d’ailleurs où se produisaient Adiouza, son frère Cheikh Diallo et Weuz Kaly. C’est le Trois Mailletz. Je suis allé dans un autre club où je pouvais me produire grâce toujours à Samba Laobé. C’est un club géré par l’équipe de Trois Mailletz. J’ai passé onze mois là-bas, avant de monter ma propre bande. Après j’ai commencé à jouer dans de petites salles, avant de monter petit à petit.
Vous êtes resté quatre ans sans nouvelles. N’est ce pas trop ?
C’est une option. Je pouvais faire comme certains, c’est-à-dire faire des vidéos et les envoyer ici. Mais, cela ne m’enchantait pas trop. Je voulais vraiment attendre d’être prêt. Aujourd’hui, les gens verront forcément un autre Biba. Le changement peut être perceptible. J’ai beaucoup travaillé et je peux prétendre qu’il y a un plus dans ce que je fais.
Vous avez un album en vue ?
On est là-dessus. On travaille pour cela, mais la date n’est pas encore retenue. Je suis perfectionniste et j’aime faire les choses de manière clean.
Avez-vous signé avec un label ?
Présentement, non. J’ai pas mal de propositions et c’est au-delà des labels. Il y a des circuits beaucoup plus intéressants que les labels à l’étranger. Le marché du disque ne marche plus comme avant. On ne vend presque plus de cd. Ce sont les téléchargements qui marchent le mieux. Mais, il y a des boîtes qui peuvent signer avec un artiste. Et cela rapporte et permet à l’artiste de jouer le plus souvent possible.
Je ne me suis pas encore mis dans ces créneaux parce que j’estime que j’ai encore du chemin à faire pour parfaire ma musique. Quand je suis arrivé à Paris, je me suis rendu compte que j’ignorais beaucoup de choses. Il me reste des choses à faire et un chemin à suivre pour intégrer certains marchés. Déjà que ce que j’ai découvert est totalement différent de ce que je vivais ou faisais ici. Il me fallait donc tout reprendre pour suivre le bon cursus et ne sauter aucune étape afin d’arriver au niveau requis.
Ce voyage a apporté des changements dans votre façon de faire la musique ?
Oui j’ai acquis plus d’expériences. Même s’il est vrai qu’ici on apprend beaucoup de choses, parce qu’il est plus difficile de faire de la musique au Sénégal. On manquait de moyens. Il n’y a pas les structures appropriées. On n’avait même pas de studios. Ce n’était pas facile du tout. Maintenant, l’environnement musical s’est beaucoup amélioré. Maintenant, on a des producteurs, des studios et autres. Quand je suis arrivé à Paris, j'ai été confronté à une autre réalité. Cela m’a permis de bonifier ma musique. Et je continue d’apprendre des choses.
Vous avez fait de grandes scènes à Paris ?
Je ne sais pas si je peux appeler cela de grandes scènes, mais j’ai joué dans des endroits où quand on n’a pas tant soit peu de talent, on ne peut s’y produire. Vous savez à l’étranger, on ne peut pas tricher. Quand tu joues dans certains endroits, c’est parce que tu mérites de t’y produire. Ce n’est pas des relations d’amis qui peuvent te permettre certaines choses.
J’ai partagé une scène avec Lokua Kanza, Wôz Kaly. J’ai rencontré Ayo, Imany et d'autres artistes, parce que je me produis dans la même salle qu'eux. Cela n’est pas donné à n’importe qui. Cela ne veut pas non plus dire que je suis très connu en France. Là-bas, on a différents publics et différents marchés. Il n’est pas facile d’atteindre une certaine audience.
Quel regard jetez-vous sur l’évolution du mouvement hip-hop ?
Sérieusement, je n’ai pas encore eu la chance d’assister à un concert de hip-hop, depuis mon retour. Mais, je pense n’avoir rien raté, parce que je suis l’évolution du mouvement sur internet. J’ai écouté divers nouveaux titres. J’ai eu la chance d’assister à un spectacle de Fata dans un cabaret. Je le félicite au passage parce que c’est un guerrier. J’ai vu ce que fait Simon qui est mon petit frère et pour qui j’ai beaucoup de respect. Je sais que les rappeurs font du bon boulot, c’est pourquoi on parle encore de rap. Au début, les gens disaient que c’était un truc de fou. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Seul le travail a permis cela, parce que ce n’était pas évident au début.
Vous devez quelque part votre notoriété à votre passage dans le groupe Bideew bu bess. Quels rapports entretenez-vous aujourd’hui avec les membres de ce crew ?
Des rapports de fraternité. Je n’ai pas d’ennemis vraiment ou du moins, je ne pense pas en avoir. Je ne pense pas avoir fait quelque chose pour cela. J’ai fait 22 featurings avec différents rappeurs. Il y a des groupes que j’ai formés et qui marchent fort aujourd’hui.
BIGUE BOB