Publié le 10 Apr 2014 - 20:06
QUATRIEME SOMMET UE-AFRIQUE DE BRUXELLES

Les enjeux multiples et complexes d'une grand-messe

 

Près de 80 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne et du continent africain se sont réunis les 2 et 3 avril 2014 dans les locaux du Conseil européen à Bruxelles pour un 4e sommet placé au thème novateur : «Investir dans les personnes, la prospérité et la paix». Objectif majeur :  impulser une nouvelle dynamique dans les relations entre les deux blocs de pays et ce, au moment ou des puissances économiques émergentes comme la Chine et l’Inde se montrent de plus en plus agressives aux plan économiques, financier et commercial. Flash-back sur les temps forts d’une rencontre intercontinentale à l'agenda ambitieux, mais aux enjeux multiples et parfois complexes.

 

Bruxelles – Immeuble Juste Lipse (Correspondance*)

Le sommet a démarré sous les chapeaux de roue et sur fond de messages politiques adressés par les représentants au plus haut niveau de l’Europe et de l’Afrique. Côté européen, Herman Van Rompuy (président du Conseil européen) et José Manuel Barroso (président de la Commission européenne).

Les deux têtes de pont de l’Europe des 28 participaient ainsi à leur tout dernier sommet euro-africain, leurs mandats prenant fin dans les prochains mois. La partie africaine, elle, était représentée par le tandem Ould Abdel Aziz-Dlamini Zuma, respectivement président en exercice de l’Union africaine et présidente de la commission de l’UA.

Ultime sommet pour Barroso

A noter que plus de la moitié des dirigeants africains avaient fait le déplacement, même si on peut déplorer l’absence du Sud-africain Jacob Zuma ou du Marocain Mohamed VI, entre autres défections. Côté sénégalais, pas de chaise vide, bien au contraire. Le président Macky Sall, arrivé à Bruxelles la veille du sommet en provenance de Berlin, a pris part à la cérémonie d’ouverture et participé à plusieurs sessions de travail avant de regagner Dakar, un peu plus tôt en raison de la fête nationale du 4 avril.

Centrafrique, un sommet dans le Sommet

Lors de la séance inaugurale, les intervenants ont mis l’accent sur les liens naturels (à la fois historiques et culturels) entre deux continents que séparent seulement les 14 kilomètres du Détroit de Gibraltar. Une proximité à partir de laquelle ils ont réaffirmé leur attachement aux objectifs définis dans la stratégie conjointe Afrique-UE adoptée lors du sommet de Lisbonne en 2007.

Toutefois, les discours ont vite cédé la place à une actualité brûlante et globalement dominée par les questions de paix et de sécurité, thèmes focaux du sommet. De sorte qu’on est entré rapidement dans le vif du sujet, en passant en revue les crises récurrentes en Afrique. En ligne de mire la Centrafrique. C’est dans ce contexte qu’une réunion spéciale s’est tenue dès le premier jour sur la situation en république centrafricaine (RCA). Un sommet dans le Sommet, en quelque sorte.

Sous la présidence de François Hollande et de Herman Van Rompuy, l’événement a réuni autour de la table les principaux chefs d’Etat de la sous-région, ainsi que le secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki Moon, et les dirigeants de pays européens impliqués dans la recherche de solutions au conflit.

L'occasion pour la présidente élue de la transition centrafricaine,  Catherine Samba-Panza, de faire le point de la situation sécuritaire sur le terrain. Dans la foulée, les participants ont annoncé un certain nombre de mesures, à la fois en termes d’intervention humanitaire mais aussi sur le plan de la coordination des actions de la communauté internationale, avec pour objectif de «créer les conditions d’une réconciliation nationale garante de stabilité et de paix sur l’ensemble du territoire.»

Ces initiatives ont été jugées «salutaires» pour ce pays d’Afrique centrale plongé depuis plusieurs mois dans une guerre civile aux conséquences dévastatrices. Mais la grande question est de savoir quand et comment les décisions arrêtées seront opérationnelles, compte tenu des nombreux obstacles sur le terrain, dont le moindre n'est pas la détermination des forces anti-balakas à faire payer aux musulmans leur soutien présumé à l'ex Seleka au pouvoir. En d’autres termes, les efforts déployés par l’Europe avec la mise en place d’une nouvelle mission dénommée Eufor-RCA aux ressources financières additionnelles revues à la hausse suffiront-ils à sortir le pays de l’ornière ? A voir...

Migrations, stopper les drames  

Le Sommet s’est également penché sur d’autres dossiers cruciaux, telle la question des migrations (de l’Afrique subsaharienne vers l’Europe) avec en arrière plan tous les drames survenues sur les côtes espagnoles et italiennes. Décidés à ne plus revivre la tragédie de Lampedusa qui renvoie l’image de cercueils alignés et renfermant les corps de centaines d’immigrés clandestins, dirigeants européens et africains ont convenu de lutter plus efficacement contre l’immigration illégale. D’où l’adoption d’un plan d’action pour la période 2014-2017 et dont l'un des objectifs est d'organiser le retour et la réadmission chez elles des personnes en séjour illégal en Europe.

Le document publié à l’issue des travaux insiste sur les aspects positifs des migrations et sur la nécessité d’un meilleur accompagnement du système de transferts d’argent des immigrés vers leurs pays d’origine. D’autre part, s'il y est question d'intensifier «la lutte contre la traite des êtres humains», tout en renforçant «la protection internationale de demandeurs d’asile et autres personnes déplacées à l’intérieur d’un même pays», c'est que le dispositif proposé a reçu l'assentiment des deux parties qui estiment qu’il y avait là une «véritable avancée» par rapport au dernier sommet UE-Afrique tenu en 2010 à Tripoli (Libye).

Climat, objectif Paris 2015

Une autre décision de taille a été arrêtée, elle concerne le changement climatique. Sujet sur lequel un consensus n’a pas été difficile à trouver, car il s'agit d’un phénomène dont les conséquences négatives touchent à la fois pays industrialisés et pays en développement – étant entendu que l'Afrique est un continent plus vulnérable au réchauffement climatique. Aussi, l’Union européenne et l’Afrique se sont dites déterminées à «œuvrer ensemble» en vue de l’adoption, lors de la conférence de l’Onu sur le climat (COP21) prévue en 2015 à Paris, d’un accord «juste, équitable et juridiquement contraignant» et dont les principes s’appliqueront à toutes les parties prenantes.

APE, moins de tensions et peu d'avancées

Enfin, sur l’épineux dossier des Accords de partenariat économique (APE), il n’y a pas eu de réelles avancées. Rien de vraiment nouveau sous le soleil belge.. sauf qu’il y a eu moins de tensions autour de la table, ce qui en l’occurrence augure de retrouvailles plus sereines. L’Union européenne s’est dite disposée à poursuivre les négociations en vue de conclure un accord de libre-échange qui favorise une «intégration économique à la fois intra-africaine et régionale».

Séance tenante, les chefs d’Etat de la Cedeao ont informé leurs partenaires européens des décisions prises dernièrement à Yamoussoukro, et notamment du délai de deux mois qu’ils se sont imposés, le temps de régler quelques «détails techniques» avant de signer des APE en bonne et due forme

Rendez-vous en 2017, en Afrique

On le voit, le Sommet de Bruxelles 2014 n’aura pas été «relax» de bout en bout, même si le sentiment qui domine est que les travaux ont eu lieu dans une ambiance de «franche cordialité». Vu le nombre et la complexité des dossiers au menu, il aurait fallu plus de deux journées pour les éplucher tous. Reste à savoir si les résultats sont à la hauteur des attentes.

De ce point de vue, les avis sont partagés. Dans le camp des optimistes, on salue les progrès accomplis pour y voir une nouvelle étape sur le chemin d'une alliance eurafricaine qui compterait sur la scène internationale.

Cependant, d’autres, plus critiques, restent sceptiques sur la probabilité que ce genre de grand-messe puisse concrètement contribuer à faire bouger les lignes. C'est-à-dire apporter aux Etats africains et européens ainsi qu'à leurs populations des solutions justes et durables à leurs difficultés grâce aux «avantages concrets» qu'ils pourraient tirer de ce bilatéralisme continental. Rendez-vous a été pris pour 2017, en terre africaine.

 Mass Mboup (Journaliste)

 

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