Publié le 13 Aug 2014 - 03:30
EN PRIVE AVEC THIATE DE KEUR GUI

‘’Si Macky fait du waxeet, on fera du def defaat’’

 

Keur Gui,  le crew kaolackois s’apprête à mettre sur le marché un double album. Le duo Thiat et Kilifeu y évoque la somme de leurs expériences d’où le titre du coffret, ‘’encyclopédie’’. Un avant-goût est donné au public dans un single intitulé ‘’diogoufi’’. Dans un entretien accordé à EnQuête, l’un des membres du pose, en l’occurrence Thiat, revient sur les conditions de sortie de leur double production, le concept ‘’livre audio’’, mais aussi et surtout sur l’actualité nationale dominée par le procès Karim Wade, la reddition des comptes, la réduction du mandat du président de la République etc.

 

La sortie de l’album avait été prévue pour début 2013, finalement ce sera fait presque en fin 2014. Qu’est-ce qui explique cela ?

On est des artistes. On fait des prévisions. On voulait respecter ce délai. Mais comme on est des perfectionnistes, on s’est déplacé de pays en pays pour parfaire cet album. On est allé jusqu’aux USA pour sortir un album de qualité. On a été obligé de respecter un plan de travail pour avoir cela. On ne pouvait pas ne pas faire cela. On n’a pas voulu aller dans n’importe quel studio, ni avoir n’importe quel mixe. On a frappé très fort. On est allé dans un studio très cher avec un ingénieur de sons très respecté. C’est ce qui a retardé la sortie de l’album.

Aussi, il y a eu des évènements au Sénégal comme les élections locales, la période hivernale, etc. On a choisi le lendemain de la tabaski pour sortir l’album. Là, suivant la logique ‘’Keur Gui’’, on a commencé la visite prénatale. On a fait l’échographie et il se trouve que ‘’Keur Gui’’ est ‘’enceinte’’ de jumeaux baptisés ‘’opinions publiques’’ et ‘’règlements de comptes’’. On veut vendre un million d’albums à la sortie de la production. C’est l’un de nos objectifs mais aussi atteindre le million de vues sur internet avant la fin de ce mois parce qu’on veut sortir un autre single.

Vous parlez de livre audio, le concept renvoie à quoi et qu’entendez-vous par encyclopédie, titre de votre production ?

Nous sommes des individus. On vit, on évolue et on capitalise des expériences. Tout cela englobé peut se résumer en une encyclopédie. Donc, c’est la somme de nos vécus. On parle de livre audio parce que pour nous, c’est un bouquin. Ce n’est pas un bouquin classique qu’on peut lire mais qu’on écoute plutôt. On veut partager avec le monde ce que nous pensons, ce que nous sentons et notre vision de l’Afrique. Vous verrez dans cet album qu’on traite de divers sujets. On a parlé du Sénégal, de l’Afrique, du courage de nos leaders, de la Francafrique, des rapports nord-sud. On a parlé de tous les problèmes qui touchent actuellement le monde. Cet album ne pouvait être qu’une encyclopédie. On en a sorti deux chapitres et d’autres suivront d’ici 4 ou 5 ans.

‘’Règlements de comptes’’ vous dites. Vous réglez des comptes avec qui ?

Avec le hip-hop. Il y a eu beaucoup de comptes à régler. Beaucoup de choses ont été dites. Certains ont dit que Keur Gui, c’étaient juste maintenant des activistes mais ne rappait plus. D’autres se demandaient si on pouvait faire un album meilleur que le dernier qu’on a mis sur le marché, etc. On devait régler ces comptes. On est aussi revenu pour bouleverser et asseoir notre hiérarchie définitivement. On l’avait fait avec notre dernier album mais comme certains polémiquaient encore sur cela, on a voulu clore le débat sur ça une bonne fois pour toute. On veut montrer aux gens que quand Keur Gui est là, personne ne sort. Quand quelqu’un sort un album en même temps que nous, il risque de ne pas vendre.

Keur Gui avait-il vraiment besoin de faire des textes pour répondre. La sortie d’un double album ne suffisait pas pour cela ?

On n’a pas écrit des textes pour répondre. On répond par le nombre de titres et la qualité de la musique, des textes, des techniques et des flows. C’est un album très hip-hop. On a un public très hip-hop et c’est pour ce dernier.

On sent un changement dans la composition musicale avec le single sorti. Vous êtes plus posés dans le flow et la musique n’est pas aussi rythmée que ce que vous serviez d’habitude. Vous avez changé de direction ?

C’est vrai la musique est plus lente d’où l’intelligence de faire deux albums. Dans ‘’règlements de comptes’’ c’est le beat hip-hop pur et dur. Dans ‘’opinion publique’’ on propose des musiques plus posées mais on est toujours dans les bases du hip-hop parce que c’est du 4 temps. Dans le single, moi j’ai slamé et Kilifeu a chanté. D’aucuns me diront, on n’a jamais connu Kilifeu dans ce registre mais bon, c’est un plus et c’est tout bénéfique. Il sait le faire et il a déchiré. On est toujours dans le hip-hop mais on a épousé d’autres genres. Le hip-hop est polygame et peut épouser toutes sortes de sonorités.

‘’Opinion publique’’ parle de quoi ?

Nous sommes des Sénégalais très lambda. Nous appartenons à la basse classe sociale. Ce qu’elle dit tout bas, c’est ce qu’on vient nous dire tout haut. Nous nous sommes fait l’écho sonore des populations pour récolter ce que les Sénégalais disent au quotidien. Ecoutez le single sorti ‘’diogoufi’’, on n’a rien dit que les Sénégalais n’ont déjà dit tout bas. On n’a fait que changer des hommes mais rien n’a vraiment changé. Les politiques nous jouent toujours la même musique. Des choses graves se passent. On nous dit que c’est la première dame qui nomme les ministres.

C’est pire que ce qui se passait. Dans aucune République, on a vu une première dame nommer des ministres. Cela n’existe pas. On ne voit cela qu’au Sénégal. On vit encore les délestages, les coupures d’eau et j’en passe. Quand il y a eu des problèmes avec le tuyau de Keur Momar Sarr, le Président avait promis de sanctionner. On attend toujours. Rien n’a été fait dans ce sens alors que ce problème persiste et demeure. L’enseignement a des problèmes. Il a besoin de changements radicaux. S’il faut même fermer l’école sénégalaise pendant une année pour réformer et voir ce qui ne va pas, il faut le faire. Les jeunes ne travaillent pas. Rien ne marche dans ce pays, y en a marre ! ‘’dafa doy !’’.

Que pensez-vous du procès de Karim Wade ?

Aujourd’hui ils nous présentent Karim Wade comme un prisonnier politique alors qu’il est un présumé voleur. Pourquoi ? Parce qu’on a un Etat qui communique sur un dossier qui devrait appartenir à la justice. Ils se sont payé un avocat qui n’est que dans les polémiques. Je pense que c’est un procès qu’il faut suivre dans le calme.

On n’est pas dans l’euphorie. On dirait que l’Etat est en train de tâtonner sur plein de choses et cela est du à une mauvaise communication. Karim Wade a eu à occuper des responsabilités et à gérer des portefeuilles ministériels, il doit aujourd’hui s’expliquer sur sa gestion, c’est à la justice de l’écouter. Laissons la justice faire son travail. Maintenant, que les ‘’mackystes’’ ou les ‘’wadistes’’ fassent du tintamarre, cela n’intéresse pas les Sénégalais. Ce qui nous importe nous, le peuple, c’est que la vérité éclate. Il a volé, c’est combien et voilà les preuves ? Ou il n’a pas volé, en voilà les preuves et on le laisse.

C’est tout ce qu’on veut savoir. Il n’y a pas encore eu de procès. On est dans les polémiques. Le procès en tant que tel n’a pas encore commencé parce que Karim n’est pas encore venu à la barre répondre des délits dont il est accusé. On veut que les gens sachent que Karim Wade est le cadet de nos soucis. C’est le peuple sénégalais qui nous importe. Il y a en prison beaucoup de gens qui attendent d’être jugés. Il y a les jeunes de Colobane, les jeunes de Matam, etc. Ce n’est pas parce que Karim Wade est le fils de Wade et qu’il soit connu qu’on ne doit s’intéresser qu’à son cas.

On parle de reddition des comptes. La mesure ne devait-elle pas être générale et concerner tout le monde à commencer par le président de la République lui-même ?

C’est ce qu’on dit dans ‘’diogoufi’’. On a un gouvernement qui n’a pas de visions et qui est dans le gâchis permanent. Nous les Sénégalais, depuis super longtemps, nos gouvernants se jouent de nous. Regardez nos politiciens, ce sont des chômeurs parce qu’ils n’ont pas de travail. Mais ce sont des chômeurs riches. Leur boulot, ce sont les financements des partis. On attendait une rupture qu’on n’a pas vue. On combattait une monarchie et on est tombé sur une dynastie. Nous voulons des mesures strictes. Il faut que Macky Sall prenne ses responsabilités et opère des changements.

Quand on parle de changements, on ne demande pas le remplacement d’un Premier ministre mais un changement de politique. La vision du Président n’est toujours pas claire. C’est quoi le Sénégal émergent. Personne n’arrive à m’expliquer cela clairement. On me dit que Macky donne 50 mille F Cfa à des familles pauvres. Mais ça, c’est de l’aumône, du fétichisme et de la politique pour avoir de l’électorat. Ce n’est pas du social. Et ces dernières n’auront plus cela quand Macky ne sera plus là. Alors que s’il ouvrait des usines et embauchait les fils de ces familles, il leur serait d’une plus grande aide. On ne veut pas qu’on nous donne du poisson on veut qu’on nous apprenne à pêcher.

L’actualité, c’est également la réduction du mandat du président de la République. Il parle aujourd’hui de referendum, vous en pensez quoi ?

Macky Sall fera 5 ans. Ça, c’est clair. C’est lui qui l’avait dit. S’il ne le fait pas, il fera du ‘’wax waxeet’’. On a déjà combattu cela contre Abdoulaye Wade on n’hésitera pas à le faire contre Macky Sall. C’est clair. C’est lui-même qui l’a dit sans qu’on ne l’y oblige. C’est l’une de ses promesses phares et c’est l’une des choses pour lesquelles les Sénégalais ont voté pour lui. Il n’a qu’à tenir sa promesse. S’il fait du ‘’wax waxeet’’, on fera du ‘’def defaat’’.

Le monde rural est confronté à d’énormes difficultés du fait du démarrage tardif de l’hivernage. Pour vous, quelles mesures l’Etat doit prendre pour lui venir en aide aux populations rurales ?

Il est trop tard pour prendre des mesures. Il fallait faire cela avant. Gouverner, c’est prévoir. Quand un Etat n’est pas capable de le faire, c’est grave. On sait que le Sénégal est un pays sahélien et quand il ne pleut pas jusqu’au mois d’août, c’est grave, mais il fallait penser à des bassins de rétention pour irriguer. Avec cela, les gouvernants voulaient faire du technopôle une arène alors que c’est le seul poumon de Dakar. Cela démontre qu’ils n’ont pas de visions. Le monde rural est en train de souffrir. Déjà à la base, ils ont pris leurs terres et les ont donnés à des privés qui y font du n’importe quoi. Il faut également qu’on diversifie ce qu’on cultive.

Tant qu’un pays n’a pas atteint son autosuffisance alimentaire, il restera toujours dépendant. Nous voulons une véritable politique agricole. Qu’on nous donne des terres pour cultiver. On est prêts. On connaît l’importance de la terre. Thomas Sankara en a parlé, de même que Cabral. En voilà de vrais leaders. Ils n’étaient pas des Présidents. Ils étaient les premiers à descendre sur le terrain pour se battre. Le Président lui n’est que le commis du peuple. Et quand le peuple n’est pas content, il le renvoie.

Le grand Serigne de Dakar est sorti pour demander la fermeture des bars et des dancings afin qu’on ait une bonne  saison des pluies. Est-ce vraiment la solution ?

Je pense qu’il faut être sérieux et rationnel. Si c’était cela, il n’aurait pas plu sous d’autres contrées. En occident, on compte des milliards de bars et de dancings, et il ne cesse de pleuvoir. Ce n’est pas cela qui retient la pluie. La pluie est un phénomène naturel. C’est Dieu qui décide de quand est ce qu’il pleuvra. Si on croit en Dieu, on doit ainsi réfléchir. Maintenant si on croit en d’autres choses, moi je ne peux en parler car c’est en  Dieu que j’ai foi. Cherchons des solutions alternatives, allons dans l’irrigation, cherchons des forages pour permettre au monde rural de travailler. Pour moi, parler des bars, des clubs et autres, cela relève du paganisme.

BIGUE BOB

 

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